Ainsi que nous l'annoncions plus haut, il s'agit de la toute
première collaboration concrète, entre le RESOF et le BFPA. En
réalité, il s'agit même de la première
opération d'envergure commanditée par le Bureau de la formation
professionnelle agricole ; créé officiellement mi 2003, il ne
disposera de deux agents qu'à compter de septembre 2003. La lettre de
mission de l'assistant technique, antérieure au démarrage du
BFPA, prévoyait explicitement un appui à la réalisation
« d'une étude sur l'état des lieux du dispositif de
formation agricole et rurale ».
Cette étude était justifiée par une des
recommandations de la stratégie nationale de FAR, pour la mise en oeuvre
de laquelle le Bureau FPA avait été créé quelques
mois plus tôt ; il s'agissait d'approfondir l'état des lieux
réalisé en 1998, plus finement, pour en déduire des
propositions concrètes de rénovation du dispositif de FAR.
Les coopérations suisse et française avaient
donné leur accord pour cofinancer cette étude, et le BFPA les
avait associé étroitement à sa préparation. C'est
ainsi que la préférence avait été donnée
à un exercice conduit sous forme participative avec les acteurs des deux
régions retenues, plutôt qu'un travail plus classique de bureau
d'études, dont l'appropriation par les intéressés
s'arrête en général lors de la restitution-validation du
travail des experts.
Le RESOF, déjà appuyé par le partenaire
suisse, avait semblé être une porte d'entrée naturelle pour
mener à bien ce travail dans la vallée du fleuve
Sénégal, en s'appuyant sur ses membres et ses partenaires. Le
diagnostic de l'offre et de la demande de formation agricole et rurale sera
d'abord réalisé en Casamance en mai 2004, au sud du pays, puis
reproduit en juillet dans la zone du delta ; une vingtaine d'hommes et de
femmes appartenant aux organisations membres du Résof seront
mobilisés durant près de trois semaines pour réaliser ce
diagnostic participatif, avec le concours du BFPA et l'appui
méthodologique de trois enseignants sénégalais et
français55.
Basé sur l'utilisation d'entretiens de
compréhension (une centaine au total, de groupe et individuels) conduits
par petits groupes composés d'élus d'organisations paysannes, de
techniciens et de formateurs, ce diagnostic a été doublement
important :
· De par les informations qu'il a permis de mettre à
jour ;
· De par le caractère collaboratif du travail,
sur le terrain et durant les moments de dépouillement des entretiens et
de leur analyse, qui a grandement facilité les échanges entre les
acteurs, et permis à chacun d'eux de mieux appréhender le point
de vue des autres catégories d'acteurs.
Pour disposer d'une vision plus exhaustive des
résultats obtenus, nous conseillons au lecteur de prendre connaissance
du document de capitalisation que le BFPA a mis en ligne sur ses pages web ;
compte-tenu de l'espace limité dont nous disposons ici, nous ne pouvons
que résumer ci- après les principaux enseignements tirés
:
Enseignements sur l'offre de formation:
55 Dont deux de l'ex- CNEARC (Institut des
Régions Chaudes, de SUPAGRO Montpellier)et un du CESAG Dakar.
· Les contenus témoignent d'une vision trop
restrictive de la finalité des formations : finalité de transfert
et non d'aide à la recherche de solutions.
· Un trop grand nombre de formations se résume
à des recettes, soit techniques, soit organisationnelles,
enseignées en cascade par des spécialistes ou des
démultiplicateurs. Très peu prennent en compte les situations
vécues par les gens et les processus d'innovation des paysans. Des
représentations trop restrictives du rôle des formations,
conçues et dispensées comme une succession de questions /
réponses à des problèmes ponctuels, isolés des
contextes économiques, sociaux et historiques.
· Déficit d'analyse des réalités
agraires, camouflé par des jugements hâtifs et négatifs sur
l'agriculture et les agriculteurs
· L'ambiguïté des méthodes dites
« participatives » : Les populations sont « consultées
» pour établir des programmes de planification stratégique,
mais dans la pratique cela consiste uniquement à lister un inventaire de
doléances (ou les « besoins ») puis à établir et
faire valider une classification des priorités en fonction de l'offre
institutionnelle préexistante
· Il existe beaucoup d'offres de formation, car la
formation est devenue « une activité de projet ». La plupart
des formations sont conçues comme des services marchands. Les
procédures de mise en marché de ces formations aboutissent
souvent à des formes bureaucratiques séparant arbitrairement
analyse de la demande, conception et réalisation alors que certains cas
illustrent l'intérêt d'une approche intégrée.
· Les formations s'adressent à un public de
responsables d'OP qui se renouvellent peu dans un contexte où
l'information ne diffuse pas en « tache d'huile ».
· L'offre de formation sur la gestion durable des
systèmes financiers ruraux est rare, Alors même que l'accès
au crédit ressort des entretiens comme LE facteur limitant
Sur la formation des producteurs
Pour réaliser de manière significative des
formations d'agriculteurs à des coûts supportables par les
économies locales, des efforts importants doivent être entrepris
dans trois directions :
(D Impliquer les agriculteurs et leurs représentants dans
les processus de réflexion et de construction des dispositifs de
formation, au même titre que les opérateurs de formation.
(2) Réhabiliter les formations techniques agricoles
basées sur l'observation, l'analyse des pratiques et itinéraires
techniques en agriculture et en élevage.
Il s'avère nécessaire de remplacer les
habituelles fiches de recettes et les enseignements méthodologiques sur
l'organisationnel et la communication par du concret se référant
à la situation des agriculteurs. Pour mettre en oeuvre cette
rénovation pédagogique, il est indispensable de mettre l'accent
sur une meilleure connaissance des systèmes de production agricole
(diagnostics agro-socio-économiques partagés) et surtout d'avoir
une bonne compréhension des dynamiques d'évolution des
systèmes agraires. En effet, trop de formateurs ou de
développeurs sont tentés par l'enseignement de «
modèles » d'agricultures exogènes, sans même se donner
la peine de comprendre les raisons qui motivent les pratiques des agriculteurs
dans tel ou tel terroir. Il faut donc concevoir une offre de formation en terme
d'appui au changement et de recherche de solutions.
® Elargir le public des agriculteurs formés.
. En privilégiant le recrutement d'individus
sélectionnés pour leur position de leader ou de
représentant de groupement d'agriculteurs, afin de suivre des
formations, on ne crée pas les conditions pour amorcer « une
formation de masse ». Par ailleurs, si on considère que le
dispositif de formation doit favoriser les échanges d'expériences
entre agriculteurs, afin de permettre une réelle appropriation des
innovations, il est préférable de réaliser des
formations pour l'ensemble d'un groupe social, plutôt que
par groupes de niveaux déterminés par la maîtrise de la
lecture et de l'écriture ou du français.
Les voyages-visites signalés par les agriculteurs lors des
entretiens sont un moyen efficace pour suppléer aux formations
habituelles en salle.
Formation des agents
Il est essentiel de redonner aux écoles de formation
initiale, comme l'école d'élevage de Saint Louis, les missions de
former des techniciens et des agents de contact en trois ans à partir
d'un recrutement au niveau BEPC. A leur sortie, ces techniciens travaillent en
situation d'interface avec les agriculteurs. La réussite des projets de
formation des agriculteurs et d'appui aux organisations professionnelles
agricoles, l'efficacité des actions de conseil de l'Agence nationale de
conseil agricole et rural (ANCAR) et la performance des projets
économiques passent nécessairement par le renforcement des
capacités professionnelles de cette catégorie d'acteurs.
Par contre, l'objectif de former des agriculteurs en trois
ans pour en faire des entrepreneurs est totalement déconnecté de
la réalité sociale et économique, même s'il est
possible de trouver quelques exceptions.
sur la formation des jeunes ruraux
Pour les jeunes, il est souhaitable de concilier formation
agricole (ce qui ne se limite pas aux itinéraires techniques) et
formation aux métiers de l'artisanat, afin qu'ils soient en
capacité d'exercer une pluri-activité en fonction des
opportunités.
.../...
Compte tenu de l'intérêt enthousiaste
manifesté par les participants, il avait été jugé
souhaitable de « pérenniser » le groupe, baptisé Groupe
d'ingénierie de formation, en veillant à son
élargissement.
Ce travail collectif, réalisé dans une
excellente ambiance, a permis de remobiliser les membres du Résof, et
notamment ceux du pool Delta, le pool le moins actif56 ; en
permettant à de multiples acteurs situés sur la production, la
transformation de produits agricoles, les services, ainsi qu'aux élus
locaux d'exprimer leurs préoccupations, sans cadre contraignant ; il a
produit de l'information abondante pour l'avenir, dont peuvent s'emparer les
acteurs situés sur l'offre de formation, et le pool Podor-Matam-Bakel ne
cesse depuis de réclamer qu'un tel exercice de formation - action puisse
se tenir dans sa zone d'intervention, et au bénéfice de ses
membres.
Ces travaux connaîtront deux prolongements
immédiats :
· L'organisation fin 2004, par le RESOF, d'un forum
régional sur la nécessité d'un pilotage régional de
la FAR, au côté des instances de régulation existantes et
ouvert à tous les acteurs concernés, afin que les dispositifs de
formation répondent plus efficacement à la résolution des
problèmes des ruraux.
· La restitution, au plan national, des travaux conduits
dans le delta et en Casamance
donnera lieu à une
réactualisation de la stratégie nationale (SNFAR), en janvier
2005.