1.4. Facteurs
liés à l'offre d'éducation
1.4.1. Facteurs institutionnels/politiques
Les inégalités sont également
expliquées par les facteurs tels que l'insuffisance du budget publique
pour les secteurs sociaux, l'inadéquation des dépenses publiques
pour certaines couches sociales, l'instabilité politique, les tensions
sociales, le manque d'une stratégie claire sur l'éducation des
filles et des femmes. A ces facteurs il faut aussi ajouter le bas statut de la
femme en général, les perspectives d'emploi limitées et
l'orientation des femmes vers des disciplines non scientifiques et techniques.
De plus, la capacité insuffisante de collecte et d'analyse de
données pour recherche et l'utilisation d'une politique
appropriée, l'inadaptation de l'école aux valeurs traditionnelles
et la complexité des démarches administratives sont aussi
à la base des faibles taux de scolarisation et des
inégalités dans les pays.
1.4.2. Facteurs liés à
l'école
Les systèmes scolaires dans leur organisation
constituent en eux-mêmes un frein dans le processus de scolarisation. Le
nombre de places à l'école, la distance des écoles et des
lycées, la faible proportion d'enseignantes, les coûts
d'inscription trop élevés, les stéréotypes à
l'école (manuels scolaires), les enseignant(e)s non
sensibilisé(e)s aux problèmes de genre, les programmes non
adaptés à la culture traditionnelle; tous ces facteurs sont
très influents sur l'éducation des enfants.
D'autres tels que l'exclusion des filles enceintes, le
harcèlement sexuel, le manque de cantines scolaires
(particulièrement pour nomades et dans les zones rurales), les services
hygiéniques manquants ou non adaptés, la mauvaise qualité
de l'enseignement et le calendrier scolaire inadapté au calendrier des
travaux agricoles sont non négligeables. Tous cela entrave le
succès de multiples politiques éducatives.
Après l'analyse des avantages qui découlent de
l'éducation, aussi des obstacles qui s'opposent à son
déploiement, notre étude impose qu'on puisse présenter le
cadre dans lequel elle servira dans l'élaboration des politiques
futures. C'est ce qui fera l'objet de la partie suivante.
Analyse de la situation de l'éducation des
enfants de 6 à 15 ans : Cas de la commune de San Pedro
2. Présentation du système éducatif de
la Cote d'Ivoire
Depuis son accession à l'indépendance en 1960,
la Côte d'ivoire a toujours accordé une importance majeure
à l'éducation et plus généralement au
développement des ressources humaines. Le but de cette section est de
présenter, d'une part, la structure du système éducatif et
quelques actions du gouvernement dans le cadre de la promotion de
l'éducation et son accessibilité par tous. D'autres part, les
progrès accomplis et les défis à relever de manière
général et particulièrement dans le cas de la commune de
San Pedro seront abordés.
2.1 Évolution de
l'éducation
2.1.1. Structure du système éducatif
ivoirien
Le système éducatif de Côte d'Ivoire, est
fondé sur le modèle hérité de l'époque
coloniale ; il comprend : l'enseignement préscolaire; l'enseignement
primaire; l'enseignement secondaire général, dont le premier
cycle constitue, avec le primaire, l'éducation de base ; l'enseignement
technique et la formation professionnelle ; l'enseignement supérieur ;
et l'alphabétisation et l'éducation des adultes.
L'enseignement préscolaire est essentiellement
concentré dans les zones urbaines et connaît une expansion rapide.
Le secteur privé assure l'accueil de plus de 50%20 des
enfants scolarisés à ce niveau, mais avec des frais de
scolarité relativement élevés.
L'enseignement primaire, d'une durée de 6 ans, concerne
théoriquement les enfants âgés de 6 à 11 ans. Il
conduit au certificat d'études primaires élémentaires
(CEPE), tandis que l'accès au 1er cycle de l'enseignement secondaire,
d'une durée de 4 ans, est subordonné à la réussite
à l'examen d'entrée en 6ème.
Le 1er cycle du secondaire est assuré dans des
collèges et sanctionné par le Brevet d'études du premier
cycle (BEPC). Le deuxième cycle, qui dure trois ans, se déroule
dans des lycées et il est sanctionné par le Baccalauréat,
qui autorise l'accès au supérieur. Le secteur privé
accueille 35% environ des effectifs de l'enseignement secondaire
général.
La formation professionnelle et l'enseignement technique se
situent essentiellement au niveau secondaire, même si différentes
filières du supérieur sont professionnelles ou conduisent
à des BTS, notamment dans le privé.
L'enseignement supérieur public est constitué de
trois Universités (Cocody, Bouaké et Abobo Adjamé) et de
quatre Grandes Ecoles (l'Ecole Nationale Supérieure de Statistique et
d'Economie Appliquée ; l'Institut National Polytechnique ; l'Ecole
Normale supérieure ; et l'Institut Pédagogique National
d'Enseignement Technique et Professionnel).
Dans le cadre de la politique de déconcentration et de
régionalisation, deux Unités Régionales d'Enseignement
Supérieur ont été créées et
rattachées, l'une à l'Université d'Abobo-Adjamé, et
l'autre à l'Université de Bouaké.
20 MENFB (1999), Innovation
réussie dans le système éducatif ivoirien : système
de prêt manuels scolaires, immatriculation des élèves,
écoles témoins. Rapport final du
séminaire portant sur une étude rétrospective/bilan de
l'éducation pour la côte d'ivoire du juillet 1998 à mai
1999, MENFB/PASEC/ADEA, octobre 1999, pp12-29.
Trois ministères sont chargés des questions
éducatives : le Ministère de l'Education Nationale et de la
Formation de Base (MENFB), le Ministère de l'Enseignement Technique et
de la Formation Professionnelle (METFP) et le Ministère de
l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (MESRS). En
plus des directions centrales, le MENFB comprend 10 Directions
Régionales de l'Education Nationale (DRENFB), 10 directions
départementales (DDENFB) et 130 inspections primaires qui leur sont
rattachées. Les directeurs d'école sont les derniers maillons de
la hiérarchie.
Cette structuration du système éducatif a
été accompagnée de multiples reformes politiques traduites
par des définitions et des mises en oeuvre des plans et
stratégies nationaux visant à satisfaire une demande
éducative sans cesse croissante. La section suivante, sans toutefois
avoir la prétention de lister de manière exhaustive les lois et
plans d'actions adoptés ou menés relatives à
l'éducation, étalera quelques reformes marquant la volonté
de l'Etat ivoirien à instruire sa population.
2.1.2. Expression de la volonté politique de
promouvoir l'éducation pour tous et surtout celle des
filles.
Très tôt, le Gouvernement Ivoirien a
accordé une grande priorité au développement du
système éducatif ; elle s'est traduite par une croissance
très rapide de la part des ressources publiques allouées à
l'éducation, qui a atteint 40% vers la fin des années 70.Cette
part importante affectée à l'éducation a été
associée aux multiples programmes éducatifs visant à
satisfaire la demande éducative et pallier aux problèmes
liés aux insuffisances du système éducatif. C'est ainsi
que les responsables ivoiriens ont initié en 1990 le programme de
valorisation des ressources humaines (PVRH-I). Dans le même ordre, une
Concertation Nationale sur l'Ecole Ivoirienne (CNEI en 1994), regroupant les
différents partenaires, a permis d'élaborer un rapport, qui a
servi de base à la réforme promulguée par la loi du
17/09/95. Cette loi réaffirmait le droit à l'éducation et
l'égalité de traitement de tous les citoyens, notamment dans
l'enseignement public. Durant cette période, les pouvoirs publics ont
mis sur pieds les politiques innovatrices tels que le système de
prêt d'ouvrages scolaires21, d'immatriculation des
élèves22 et les écoles témoins
(1992)23. En septembre 1997, un Plan National de
Développement de l'Education et de la Formation (PNDEF) a
été élaboré pour appuyer la deuxième phase
du PVRH (PVRH-II) prévue sur la période 1998-2010 et dont le but
est de mieux assurer l'équité sociale et rechercher la
valorisation effective des ressources humaines (TBS24, 2003).
Cependant, après que la loi rendant l'école
obligatoire et gratuite fut adoptée en 2000, les dommages
enregistrés durant les périodes de crise n'ont pas
découragé la détermination de
21 Le système de prêt
d'ouvrages scolaires était un projet BAD Education IV
(Assistance Financière Remboursable) dont le but était
l'accroissement du taux de scolarisation, notamment celle des Filles du
primaire et des régions enclavées, en vue d'atteindre vers l'an
2000 le principal objectif du Programme de Développement des Ressources
Humaines (PDRH), à savoir un taux de scolarisation national de 90 %.
L'opération de prêt de Manuels Scolaires a démarré
précisément au cours de la rentrée scolaire 1994 - 1995 et
s'est achevée en 1996 - 1999
22 Le but initial indiqué était de
rendre efficace le système de gestion à travers la
création d'un fichier informatisé des élèves pour
lutter contre les échecs scolaires et les lourdeurs du système de
gestion.
23 La mise en place du projet écoles
témoins s'inscrit dans un contexte socio-économique
difficile marqué par la mévente des principaux produits agricoles
tels le café, le cacao, le coton à la fin de la décennie
1980. Parmi les conséquences de cette situation, on note la baisse des
taux de scolarisation (moins de 70%) et l'augmentation du taux de redoublement
(environ 25%). En 1992, dans le cadre du PVRH (Programme de Valorisation des
Ressources Humaines), le projet Ecoles- témoins a
démarré.
24 Tableau de bord social, 2003
Analyse de la situation de l'éducation des
enfants de 6 à 15 ans : Cas de la commune de San Pedro
l'Etat à remplir son engagement en matière
d'éducation/formation de sa population. En effet, des dispositifs
particuliers ont vu le jour, afin de faire face aux déplacements massifs
d'élèves dans les zones gouvernementales. Dans les zones
occupées, l'ONG "Ecole pour tous" a pris le relaie
du Ministère de l'Education Nationale de Côte d'Ivoire et dans les
zones gouvernementales, le Ministère de l'Education Nationale a
institué au sein des établissements (publics ou privés)
des établissements relais, grâce à la
généralisation de la double vacation, un mode de gestion qui a
permis de doubler pratiquement la capacité d'accueil des structures
existantes (Fadiga, 2006). Cette opiniâtreté a produit des
résultats satisfaisants que la section ci-après mettra en
évidence.
2.2. Situation de l'éducation
L'attention faite à l'égard de
l'éducation par le gouvernement, a contribué à
améliorer la situation scolaire de la population scolarisation. Cette
amélioration sera mise en relief dans le paragraphe
subséquent.
2.2.1Progrès des politiques mises en
place
On a enregistré une évolution des effectifs
d'environ 18 % au niveau primaire et 29% au secondaire général
entre 1996 et 2002 (MEN/DIPES, 2006). Malgré le déclenchement de
la guerre de septembre 2002 qui a entraîné une baisse de cette
tendance, le gouvernement s'est attelé à continuer sa lutte et
les résultats se sont traduit par une augmentation de 9% dans le
primaire et 3% dans le secondaire général entre 2003 et 2005 en
zone gouvernementale (graphique 1).
Graphique 1 : Evolution des effectifs dans le
primaire et le secondaire général en zone
gouvernementale.
2030000
1530000
1030000
530000
30000
2000/2001 2001/2002 2002/2003 2003/2004 2004/2005
Primaire Secondaire
Source : MEN/DIPES, 2006
De ce qui est de la situation des filles, la politique des
manuels scolaires appuyer des sensibilisations faites a largement
contribué à accroître leurs effectifs. En effet, entre 1994
et 1995, on a enregistré une tendance forte de 10,94% à Bondoukou
et 7,50% à San Pedro25 (MENFB, 1999). Les nouvelles
orientations au sein des politiques éducatives à leur
égard ont entraîné une progression de 13% dans le primaire
et 58% dans le secondaire général de leurs effectifs entre 2003
et 2005 en zone gouvernementale (graphique 2).
25 Il faut signaler le projet BAD éducative IV
concernait les DRENFB d'Abengourou, de Bondoukou, de Korhogo, d'Odienné
et de San Pedro et en 2 ans le taux d'évolution des filles était
de 24% entre 1993 et 1996
Analyse de la situation de l'éducation des
enfants de 6 à 15 ans : Cas de la commune de San Pedro
Graphique2 : Evolution des effectifs dans le
primaire et le secondaire général en zone
gouvernementale.
400 000
200 000
800 000
600 000
0
2002/2003 2003/2004 2004/2005
Primaire secondaire
Source : MEN/DIPES, 2006
Au regard de ce qui précède, on peut dire que
les politiques éducatives ont eu d'effets positifs au sein de la
population scolarisable. Cependant des efforts supplémentaires doivent
être entrepris car cette évolution des effectifs dans les
écoles et lycées ne traduit pas globalement la
réalité scolaire. Le taux de scolarisation national au primaire
(48,8%) reste faible et loin de l'objectif fixé en 2000 (BUNAP,
2006)26 et des disparités subsistent au niveau des
régions (graphique 3).
Graphique3 : Taux de scolarisation du niveau
primaire par région en 2002/2003 et 2004/2005
120,0
100,0
40,0
20,0
80,0
60,0
0,0
2002/2003 2003/2004 2004/2005
Source : MEN/DIPES, 2006
Cette disparité laisse paraître des
défaillances et obstacles qui privent encore des milliers et
peut-être des millions d'enfants d'avoir accès à
l'éducation, tel est l'objet de du paragraphe suivant.
26 BUNAP (2006). Programme national d'action en
matière de population 2002-2006.Rapport établi dans le cadre du
projet IVC/97/PO8 appui à la mise en oeuvre de la Politique National de
la Primature, Ministère de la Planification du Développement,
Abidjan, pp.40.
Analyse de la situation de l'éducation des
enfants de 6 à 15 ans : Cas de la commune de San Pedro
2.2.2 Contraintes
Malgré les progrès enregistrés et les
reformes engagées, le système scolaire rencontre un certain
nombre de contraintes parmi lesquelles se situe une forte croissance
démographique (3,3%) par an, une faible demande de scolarisation dans
certaines zones, un système éducatif encore sélectif qui
laisse moins de chance aux filles (BUNAP, 2006).
Cette situation est encore plus prononcée dans la ville
de San Pédro. Deuxième ville portuaire de la Côte d'Ivoire,
San Pedro a connu une expansion économique et démographique
très rapide. Elle abrite un des plus grands bidonvilles de l'Afrique de
l'ouest (Bardot). Le conflit armé a entraîné un
déplacement massif vers cette ville et les conséquences sur les
services sociaux ont été immédiates. Au niveau
éducatif, nombreux sont les actions qui ont été
réalisés pour scolariser la population. C'est aussi le cas des
constructions des cantines, des opérations de distributions des kits
scolaires, de la mise sur pieds des établissements de relais pour
contenir le supplément d'élèves fuyants les zones de
combat etc....Mais ces efforts qui ont produit des résultats non
négligeables sont encore vain car San Pedro occupe toujours une place
peu honorable parmi les villes qui ont des taux de scolarisation les plus
faibles du pays ceci à tous les niveaux scolaires (voir graphique3).
Néanmoins, dans un élan de reconstruction
nationale impulsé par l'accord de paix de Ouagadougou, il est
nécessaire de diagnostiquer la situation actuelle de l'éducation
des enfants de 6 à 15 ans car il faut rappeler que c'est à cette
frange de la population qu'incombe la responsable de garantir la paix durable
des générations futures ceci à travers leurs attitudes et
leurs sens de responsabilités que l'école leur procurera. Pour
mener à bout notre étude, nos données proviennent de
l'enquête sociodémographique que l'ENSEA et ses partenaires aux
développements (UNFPA, PAS) ont réalisé en 2007 dans le
département de San Pedro. La ville de San Pedro a été
choisir non seulement parce qu'elle est un laboratoire pour l'ENSEA mais aussi
parce qu'elle présente une situation scolaire est préoccupante et
la définition de meilleurs programmes de développement
s'impose.
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