Rondinelli et al (1983)31 considèrent la
décentralisation comme un mécanisme de transfert de
l'autorité et de la responsabilité des fonctions publiques, des
institutions infranationales ou autonomes. Elle constitue un acte par lequel,
un gouvernement cède formellement des pouvoirs à des acteurs et
à des institutions de niveau inférieur, dans la hiérarchie
politico-administrative et territoriale (Ribot, 2002)32.
De ce fait, sans une compréhension de la nature des
pouvoirs transférés aux différents acteurs et des
conditions d'exercice des responsabilités qui y sont liées, il
n'est pas aisé d'appréhender la mesure dans laquelle une
décentralisation significative a lieu. Le sens dans lequel s'oriente la
responsabilité des acteurs qui exercent les pouvoirs
transférés revêt une grande importance dans la
compréhension du type de décentralisation en cause. Dans cette
perspective, deux principaux types de décentralisation sont
distingués dans la littérature : la décentralisation
politique et administrative ou décentralisation au sens commun dont il
est surtout question ici et la décentralisation technique.
· La décentralisation politique et administrative
Dans la décentralisation politique et administrative,
les pouvoirs sont transférés aux acteurs ou institutions qui sont
imputables (comptables ou responsables) devant les populations dans leur
juridiction. Dans ces conditions, les élections sont perçues
comme le mécanisme qui assure l'imputabilité dans la
décentralisation politique et administrative. L'élément
primordial dans le fonctionnement des collectivités territoriales
décentralisées est une autonomie plus ou moins forte par rapport
au pouvoir central (Adjaho, 2002)33
· La décentralisation technique
30 Ibid
31 Ibid
32 Ibid
33 ADJAHO, R. supra p22.
La décentralisation technique selon Adjaho
(2002)34 concerne essentiellement les établissements publics.
Elle vise à les soustraire aux règles habituelles de
fonctionnement de l'administration afin de leur assurer une plus grande
efficacité. L'établissement public est une personne morale de
droit public, doté de l'autonomie financière et
généralement chargé d'une mission de service public. Ces
collectivités particulières disposent de l'autonomie mais pas de
territoire. Tel est le cas des hôpitaux, des lycées, des
universités, de certains offices qui jouissent d'une réelle
autonomie de gestion.
La décentralisation est souvent confondue avec la
déconcentration. Mais, il convient de retenir que la
déconcentration n'est qu'une manière d'organiser la
présence effective du pouvoir central dans les différentes
localités d'un pays.35
2-1-3 L'état des travaux sur le transfert des
compétences.
Plusieurs auteurs ont consacré des recherches sur le
transfert de compétences et des ressources aux collectivités
locales. Leurs travaux ne se sont pas appesantis exclusivement sur ce volet
mais sur toute la réforme sur la décentralisation où ils
apportent des contributions à cette étape de la
décentralisation.
Ainsi, Mback (2003)36 expose que la
définition des compétences communales dans le cadre des
réformes sur la décentralisation a respecté les principes
classiques en matière de transfert de compétences à savoir
le principe de subsidiarité, le principe d'équilibre et le
principe d'égalité.
· Le principe de subsidiarité
Il y a plusieurs définitions de ce principe. Selon une
étude du Secrétariat d'Etat français à la
coopération, ce principe signifie que chaque composante du bien commun
doit être gérée par l'entité qui lui est la plus
proche. Seul ce qui ne peut être bien géré à ce
niveau doit être transféré au niveau
supérieur.37
Le principe de subsidiarité est d'origine ancienne.
Les prémices de l'idée de subsidiarité, sont redevables
des écrits d'Aristote, ensuite de Saint Thomas d'Aquin. Partant de
l'inaliénabilité des droits humains, ce dernier soutient que
« la personne humaine est supérieure en valeur à la
société ». Il s'en suit que, partout où la personne
peut agir, la société ne devrait pas se substituer à elle.
Ainsi, de la famille à la cité en passant par le village, les
tâches se superposent et ne se
34 ADJAHO, R. op. Cit. pp23-24.
35 ADJAHO, R. op. Cit. pp 25.
36 MBACK, C. N. (2003). Démocratisation et
décentralisation, Genèse et dynamiques comparés des
processus de décentralisation en Afrique Subsaharienne. Editions
Karthala, PDM, p 399.
37 Cité par MBACK N.C. op. cit. p 400.
recoupent pas. Seul le principe de suppléance doit
guider le partage des tâches à chaque niveau «
l'autorité la plus haute (...) ne doit intervenir que là
précisément où la plus petite ne peut plus pourvoir.
Chaque instance n'est que supplétive par rapport aux instances les plus
petites ». Ainsi, le principe de subsidiarité entend valoriser les
acteurs de proximité par rapport aux instances
éloignées.38
La meilleure tendance dans la répartition des
compétences serait dans le sens de la prise en charge des
problèmes locaux et quotidiens par les collectivités locales,
sauf si cette prise en charge nécessite des moyens financiers ou
techniques hors de leurs capacités, comme c'est souvent le cas pour
certains services tels que la production et la distribution de l'eau potable,
de l'électricité, ou la mise en place de réseaux de
télécommunications (Mbassi, 1994)39.
Le critère de subsidiarité serait en Afrique
essentiellement déterminé par les moyens matériels,
financiers et techniques nécessaires pour exercer une compétence
(Mback, 2003).
· Le principe d'équilibre
Le principe d'équilibre part du souci que l'Etat ne
doit pas sous le couvert des transferts de compétences, se contenter de
décharger sur les collectivités locales des tâches qu'il
n'arrive plus à effectuer pour des raisons diverses (Mback,
2003)40. Il serait, dans ce cas, à peu près certain
que ces tâches n'auraient pas plus de chance d'être
effectuées par leurs nouveaux responsables qu'elles n'en ont eu sous la
responsabilité de l'Etat. Ce principe veut établir un
équilibre entre les nouvelles compétences locales (et les charges
qu'elles impliquent) et les moyens dont peuvent disposer leurs
bénéficiaires pour les assumer. Ce principe est traduit par des
dispositions législatives exigeant que tout transfert de
compétences soit accompagné d'un transfert concomitant de
ressources ou de moyens pour les exercer. Toutefois, la consécration de
ce principe au Bénin est l'oeuvre de la jurisprudence (Mback,
2003).41
· Le principe d'égalité de toutes les
collectivités locales
Ce troisième principe postule une
égalité juridique entre les collectivités locales. Cette
égalité est établie, à la fois, entre les
collectivités d'une même catégorie et entre les
collectivités relevant de catégories différentes. Il est
traduit, au plan normatif, par l'interdiction de toute tutelle, de quelque
forme que ce soit, d'une collectivité locale sur une autre. Le
Bénin n'ayant institué
38 Cité par MBACK N. C. op. cit. p401.
39 Ibid
40 MBACK, C. N. op. cit. p 406.
41 MBACK, C. N. supra p 406.
qu'un seul niveau de décentralisation, le
législateur n'a pas cru devoir insister sur ce principe de non tutelle
(Mback, 2003)42.
Ce sont surtout ces trois principes qui fondent l'orientation
donnée à cette étude qui n'est pas de faire l'état
du transfert des compétences au niveau d'une seule commune mais de
s'intéresser à toutes les communes pour aborder la question en
termes de stratégies que les acteurs mettent en place depuis
l'installation effective des communes.
D'autres auteurs contemporains ont apporté leurs
contributions à la question de transfert de compétences aux
communes.
Dèhoumon (2006)43 a fait remarquer que
« la décentralisation n'est pas un simple transfert de charges. Une
décentralisation synonyme de transfert de compétences sans le
transfert des ressources est de toute évidence un simple transfert de
charges. A chaque compétence transférée doit correspondre
le transfert concomitant de ressources qui jadis étaient
affectées à la compétence transférée. Ainsi,
il ne s'agit pas de transférer la construction des écoles
primaires aux communes, sans transférer également les ressources
que l'Etat utilisait pour construire ces écoles. Il ne s'agit donc pas
pour l'Etat, de se décharger sur les collectivités locales, mais
de faire réaliser par ces dernières dans de meilleures conditions
de rationalité, de rentabilité et d'efficacité, certaines
tâches qu'il exécutait jusque là. En d'autres termes, les
compétences transférées sont financées par les
moyens que l'Etat consacrait auparavant à l'exercice même de ces
compétences. Ce qui n'empêche pas les collectivités de
chercher à mobiliser des ressources nouvelles qui auraient
été inaccessibles pour l'Etat ».
Langley et al (2006)44 consacrent leurs efforts
à l'évaluation des trois ans du processus de
décentralisation au Bénin. Cette recherche a mis l'accent sur les
préalables à faire. Pour ces auteurs, le transfert des
compétences et des ressources aux communes suppose une modification de
l'approche. Ensuite, il faut un renforcement des compétences des
services déconcentrés pour qu'ils puissent apporter leurs
concours aux communes qui le demandent, notamment pour réaliser les
tâches de maître d'ouvrage et de gérant du parc des
infrastructures et équipements. Ces changements doivent s'insérer
dans une restructuration des ministères techniques et s'accompagner
d'une révision des stratégies sectorielles, d'une nouvelle
répartition des tâches et du réaménagement des
procédures. Il faudrait aussi une véritable volonté de la
part de l'Etat central pour opérer ce transfert de
compétences.
42 MBACK, C. N. op. cit. p 409.
43 DEHOUMON, S. P. (2006). La décentralisation
entre risques et espoirs. Editions COPEF, Cotonou, pp 39-40.
44 LANGEY, P. MONDJANAGNI, A. FADE, B. GBEDO J. E.
ADAMOU, B. Z. et ALIDOU, M (2006). Les premiers pas des communes au
Bénin : Enseignements du processus de la décentralisation.
Institut Royal des Tropiques (KIT), Amsterdam, p 59.
Pour réaliser ces préalables, la contribution de
tous les acteurs est nécessaire parce qu'ils partagent des
responsabilités dans la réussite du processus.