Le contentieux de la propriété intellectuelle: cas de la marque de produits ou de services( Télécharger le fichier original )par Nadine Josiane BAKAM TITGOUM Université de Dschang (Cameroun) - Diplome d'Etudes Approfondies 2008 |
§2- LE ROLE COMPLEMENTAIRE D'AUTRES ACTIONS CIVILESPour que la protection de la marque soit complète, l'action en contrefaçon doit être complétée par d'autres actions civiles visant la sanction de certains actes qui, sans être des contrefaçons, ne sont pas moins critiquables eu égard aux atteintes portées aux droits du propriétaire de la marque. Il s'agit de l'action en concurrence déloyale et de l'action en responsabilité civile. La concurrence déloyale se manifeste par divers procédés. Ainsi, la vente de produits marqués en violation d'un réseau de distribution sélective licite qui, par ailleurs, prive le consommateur des services qui sont le complément naturel des produits de luxe ou de haute technicité, objet de la distribution sélective, peut être considérée comme une concurrence déloyale. En effet, le revendeur hors réseau désorganise l'entreprise concurrente et crée une confusion avec son réseau. Toutefois, pour la Cour de cassation, la concurrence déloyale réside moins dans le fait de vendre les produits du réseau que dans le refus de justifier leur provenance148(*). De même, constitue une concurrence déloyale, l'utilisation de la marque d'autrui dans une publicité comparative en ce sens qu'elle conduit au dénigrement de cette marque. En outre, parce que l'action en contrefaçon est conditionnée par la propriété de la marque, l'action en concurrence déloyale permet à l'exploitant d'une marque d'usage de défendre celle-ci contre sa reproduction par les tiers, au propriétaire d'une marque notoire de faire sanctionner les agissements parasitaires consistant à tirer parti de la notoriété du signe pour se placer sous son sillage afin de faire vendre des produits différents. Cependant, la concurrence déloyale suppose la substituabilité des produits ou services et l'exercice de l'activité dans un même marché. A défaut de l'existence, de ces rapports de concurrence entre les parties, seule ne pourra être intentée que l'action en responsabilité civile. Par conséquent, le propriétaire d'une marque notoire qui entend protéger celle-ci contre les agissements parasitaires consistant à tirer parti de la notoriété du signe pour se placer sous son sillage afin de faire vendre des produits différents, doit intenter non l'action en contrefaçon qui est subordonnée au principe de la spécialité mais l'action en responsabilité en vertu de la théorie de l'abus de droit et du fondement juridique offert par l'article 1382 du Code civil. Un droit ne peut être considéré comme acquis si la loi n'aménage sa protection. Cette affirmation se vérifie mieux en matière de marque de produits ou de services dont l'exploitation ne saurait cohabiter avec des actes de contrefaçon et autres actes contraires aux intérêts légitimes du propriétaire. D'où la mise en place d'un arsenal juridique pour le moins appréciable mais qui pourrait être amélioré. Il nous semble qu'une coopération judiciaire entre les Etats membres, favorisée par les technologies de l'information et de la communication, contribuerait à redynamiser le système de protection des marques. Le contentieux de la propriété industrielle, et plus précisément celui des marques de produits ou de services dans l'espace OAPI, s'articule autour de deux axes majeurs que sont l'acquisition du titre et son exploitation. Accéder à la propriété de la marque suppose que l'on ait procédé aux formalités requises par l'annexe III de l'accord de Bangui qui, par ailleurs, prévoit une procédure d'opposition pouvant faire échec à cette tentative d'enregistrement si des droits enregistrés antérieurement par des tiers sont menacés par cette initiative. Aussi, la marque doit-elle être exempte de vices intrinsèques ou extrinsèques car même après son enregistrement, des actions civiles fondées soit sur l'ordre public soit sur des droits privés, sont possibles à son encontre, cette fois devant les tribunaux civils. Si l'acquisition du titre est marquée essentiellement par la centralisation des procédures au sein de l'OAPI, son exploitation peut donner lieu à des différends tant d'ordre contractuel que d'ordre délictuel. D'une part, la nature incorporelle du bien influe profondément sur la formation et l'exécution du contrat qu'il soit translatif ou non translatif de propriété. A cet égard, sans contester le bien fondé du tribunal civil, il faut dire que l'instauration d'une dynamique arbitrale au sein de l'Organisation ne serait pas mal venue pour le règlement des différends nés ou à naître des contrats portant sur la marque dès lors que les parties ont stipulé une convention y relative et que le droit considéré fait partie de ceux sur lesquels on peut transiger. D'autre part, il est difficile voire impossible au propriétaire de la marque de l'exploiter convenablement lorsque des tiers se prêtent à des activités contraires à ses droits. Ces dernières concernent la concurrence déloyale et plus particulièrement la contrefaçon de la marque que s'attèlent à réprimer tant le législateur que les autorités nationales. En effet, largement décriée pour ses conséquences néfastes tant pour les consommateurs149(*) à qui sont vendus des produits médiocres sous l'apparence de produits de qualité, que pour les industriels qui enregistrent des pertes économiques notamment par avilissement de leurs marques, la contrefaçon prospère du fait de la porosité des systèmes nationaux de surveillance. De plus, l'administration fiscale et parafiscale enregistre une perte énorme dans la mesure où les produits contrefaits sont commercialisés par des réseaux souterrains. Or, suivant les mesures aux frontières prescrites par l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, la douane y joue un rôle stratégique et occupe, en conséquence, une place de choix dans la lutte contre ce fléau. L'efficacité de cette lutte est toutefois tributaire d'une législation adaptée qui donne suffisamment de pouvoir à la douane et facilite une double coopération interne avec d'autres autorités compétentes telles la police et la justice et externe entre les différents services nationaux des douanes. De plus, ce défit ne peut être relevé que si les risques encourus par les contrefacteurs contrebalancent significativement les bénéfices indûment acquis. Conscient de cela, le législateur a pris le parti d'augmenter le montant des sanctions pécuniaires sans faire disparaître, bien sûr, les peines d'emprisonnements. En somme, s'il est vrai que la marque est facultative, elle est cependant nécessaire pour le ralliement de la clientèle. Son enregistrement n'est certes pas obligatoire, mais une marque non enregistrée jouit d'un statut juridique précaire car dotée d'une protection résiduelle. Parallèlement au développement économique, la préservation des marques de produits ou de services et de la propriété industrielle en général, est une culture à promouvoir et à perpétuer. * 148 Cass. Com. 27 Octobre 1992, « Azzaro », D. 1992 p. 505 obs. A. BENABENT. * 149 Voir le quotidien Cameroon Tribune du mardi 15 mai 2007, dossier portant sur la contrefaçon de produits cosmétiques, p. 27s . |
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