Contentieux Electoral et Etat de Droit au Tchad( Télécharger le fichier original )par Eugène Le-yotha Ngartebaye Université Catholique d'Afrique Centrale - Master Droits de L'homme et Action Humanitaire 2004 |
CHAPITRE II : LE DEROULEMENT DU CONTENTIEUXL'existence du contentieux fait appel à des règles qui déterminent la procédure (S1) à suivre; sinon on assistera à un désordre sans précédent. Car quiconque peut se lever et contester les élections par le seul motif qu'il se dit citoyen tchadien comme tout autre. C'est après seulement l'observation stricte des règles de procédures que le plaignant pourrait voir sa cause examinée au fond. C'est l'instance contentieuse (S2) à proprement parler. Section 1 : Les règles de procédureLe droit électoral reste et restera un droit très sensible auquel il faut des protections particulières. C'est pourquoi toutes les voies pouvant aider à résoudre les susceptibles violations doivent être rapides et urgentes. Ce qui commande la gratuité de la procédure même si elle reste entourée des règles qui sont tantôt d'ordre objectif (§1) tantôt d'ordre subjectif (§2). §1 : LES CONDITIONS OBJECTIVESLe temps, l'espace nécessaire pour permettre de régler le plus rapidement possible les atteintes doit être arrêté et indiqué à l'avance. C'est la question du délai d'une part (A), ceci dans le besoin de célérité. Aussi, il ne faudrait pas que les plaignants viennent encombrer les instances avec des questions dont elles ne sont pas habilitées à régler, d'où la question des motifs des saisines (B) d'autre part. Certaines formalités de la vie juridique, les actes et moyens de la procédure doivent normalement être accomplis dans le cadre de certains délais, c'est-à-dire d'une proportion de temps bien définie. L'inobservation de ces délais entraîne des conséquences de gravité variable (prescription, forclusion, déchéance). Les délais peuvent être calculés en jour, en mois, en année ou même d'heure à heure. En matière processuelle, souligne MOMO Bernard50(*) le respect des délais est une exigence très importante. Il importe que, en matière électorale, le résultat de l'élection soit fixé sans tarder pour que le doute ne subsiste pas sur la qualité de ceux qui ont été légitimement élus, ou pour ceux qui ont acquis leur élection de manière irrégulière et un mandat usurpé. Le respect du suffrage, qui se confond avec celui de la démocratie exige donc le redressement rapide des situations anormales. C'est pourquoi les délais en matière électorale sont particulièrement brefs, qu'il s'agisse des délais de recours, de jugement ou des délais d'exécution de la chose jugée. Les délais dont il est question dans cette étude sont les délais d'actions, c'est- à- dire, le délai imparti au recourant pour porter son recours à l'attention de l'instance compétente. Dans ce travail, ce sont les délais relatifs à l'examen des opérations antérieures au vote d'un côté et ceux liés au vote même de l'autre. 1° Le contentieux des actes préparatoires S'agissant des opérations préélectorales, la distinction s'opère selon que l'on est dans les actes préparatoires ou ceux qui touchent la candidature. Par opérations préparatoires, l'on entend le contentieux lié à l'inscription sur la liste électorale. L'article 20-2 de la loi électorale dispose que : "la réclamation en inscription ou en radiation prévue ci-dessus est formulée dans un délai de dix (10) jours francs à compter de la date de l'affichage des listes électorales." Ce délai concerne la saisine de la CNRE. Si après cette saisine, la personne n'a pas gain de cause, elle peut saisir le tribunal de première instance dans un délai de dix (10) jours51(*) après que la CNRE lui ait notifié sa décision de refus. Le contentieux de candidature se scinde lui aussi en deux : le contentieux des élections législatives et celui des présidentielles. Pour les législatives, c'est l'article 159-2 qui indique que le candidat dispose d'un délai de 15 jours pour saisir le Conseil Constitutionnel qui statue en dernier ressort. Seules les requêtes faites dans le respect des délais sont examinées. Le non-respect du délai entraîne l'irrecevabilité52(*). S'agissant des présidentielles, le délai est de 10 jours à partir du rejet de la candidature 2° Le contentieux des actes liés au vote S'agissant des opérations liées au vote, observons qu'en matière présidentielle, le délai est de cinq (05) jours francs pour saisir le conseil à partir de la date de la proclamation provisoire53(*). Quant aux législatives, la contestation doit se faire devant le conseil constitutionnel dans un délai de dix (10) jours à partir de la date de proclamation des résultats du scrutin54(*). Etant donné que ce contentieux se déroule essentiellement à N'Djamena, siège du Conseil Constitutionnel, pour les besoins du respect du délai, le conseil est saisi par requête adressée au greffe des tribunaux de première instance ou de la justice de paix; à charge à ceux-ci de transmettre au Conseil par télégramme. Tout ceci dans un besoin accru de protéger le droit de vote. Il ressort des textes que la notification est le point de départ du délai quand il est question de rejet, mais l'identification du point de départ n'est pas aisée lorsqu'il s'agit d'acceptation des candidatures par exemple ; cette dernière catégorie de décision est attaquable à compter de la publication des listes, nous semble-t-il. Mais que disent les requérants ? Nous sommes ici au coeur de la requête. Par motif, il faut entendre le soutien rationné de l'argumentation développé par les plaideurs dans la conclusion. En fait, outre l'objet des recours, c'est la nature des griefs récurrents dans la requête. En sus des aspects formels de la requête (noms, prénoms) l'article 22 de la loi n°01955(*) dit que : "à peine d'irrecevabilité, la requête doit contenir (...) les motifs moyens des requérants." Par moyens, on entend l'indication sommaire mais suffisante des griefs formulés, notamment l'indication précise du point de droit. Un simple argument, un système destiné à commenter la règle de droit invoquée, ne saurait être considéré comme moyen. C'est pourquoi, s'agissant des moyens de droit, un plaideur ne peut pas dire qu'il s'en remet à la sagesse du juge ou ne pas mentionner le texte qui aurait été méconnu par exemple. Ou encore une requête qui se borne à se référer à un texte (voire un article précis de ce texte) désigné sans exposer en quoi l'acte critiqué serait contraire audit texte. Dans les espèces étudiées, les griefs récurrents dans les requêtes peuvent se regrouper de la manière suivante : Ø D'abord dans le contentieux préparatoire : on a le rétablissement des candidatures,56(*) menaces proférées contre les électeurs pendant les campagnes57(*) ; falsification des listes électorales, cartes d'électeurs confisquées58(*); Falsification des listes des candidats59(*); l'immixtion des autorités administratives, etc. Tous ces griefs tendent à montrer l'opacité qui entourent les élections au Tchad et, pouvant influencer le vote. Ø Dans le contentieux du scrutin : on peut citer entre autres: le remplacement des présidents des bureaux de vote, confrontation des fiches électorales, discordances entre tantôt le nombre des votants et le nombre d'émargements60(*); annulation des votes tchadiens de l'extérieur61(*); le vote des massifs des déplacés à l'intérieur du pays 62(*). D'une manière générale, le contentieux électoral tchadien est un contentieux de l'annulation (qu'elle soit partielle ou totale). C'est une solution de facilité et de paresse, voire de mauvaise foi, de manque de fair-play électoral63(*). De ce qui précède, l'on se demande si l'on peut véritablement parler d'élections au Tchad, car les acteurs politiques refusent de faire confiance au verdict donné par les instances en charge de la gestion des élections. On est dans un cycle infernal de remise en cause, de recommencement où des volontés délibérées retardent la victoire des autres. Mais qui sont ceux qui contestent les élections ? * 50MOMO B. "le problème des délais dans le contentieux administratif camerounais" Annales de la FSJP, DSCHANG, 1997, pp 136-161. * 51 Article 21-2 lois électorales. * 52 Cour Appel, arrêt n°05/95 du 06 novembre 1996; Cour Appel, arrêt n°05/95 du décembre 06 novembre 1996. * 53 Article 148-1 du code électoral. * 54 Article 165-1 du code électoral. * 55 Loi portant organisation et fonctionnement du conseil constitutionnel. * 56 Cour d'appel, Arrêt n°05/96 du 06 nov. 1996; arrêt n°06/96 du 12 nov. 1996; arrêt n°08/96 du 21 nov. 1196. * 57 Cf. décision n°004/PCC/SG/02 * 58 Cour d'appel, arrêt n°07/96 du 21 nov1996. * 59 Délibération n°003/CENI/02 du 13 mars 2002; Délibération n°004/CENI/02 du 20 mars 2002. * 60 Cour d'appel, répertoire n°002/96 du 19 juin 1996. * 61 Cour d'appel, répertoire n°001/96, arrêt du 05 juin 1996; décision n°004/PCC/SG/01. * 62 Cour d'appel, arrêt n°03/96 du 18 juillet 1996. * 63 Olinga, A.D,"Contentieux électoral et état de droit au Cameroun" in RCADHP, p220. |
|