B. Une approximation de l'histoire institutionnelle
d'Andorre : avant
1419
Pour reprendre les propos du Professeur Alessandro
PIZZORUSSO10, l'Andorre, comme le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et
d'Irlande du Nord, a fait partie de cet ensemble occidental particulier, et
même en partie aujourd'hui, où le mot Constitution n'était
pas tant formalisé.
On dira qu'il s'agit de constitutions flexibles et
coutûmières. C'est-à-dire issue de la pratique, et non d'un
texte fondamental, comme nous pouvons l'entendre dans l'évolution de
l'ingénierie constitutionnelle moderne.
1. Un régime juridique féodal ambigü
Jusqu'au XIIIème siècle, néanmoins, et vu
la situation géographique particulière du pays, l'Andorre, comme
entité territoriale, a connu un régime particulier. En effet, les
vallées étaient le point de discorde entre deux seigneurs, le
Comte de Foix (versant français) et l'Evêque d'Urgell (versant
espagnol), concernant leur possession, et donc leur influence politique. «
Qui controlait les Vallées? ».
Jusqu'en 1278, le statut était
ambigü11. En outre, le Comte d'Urgell, en 113312,
dans un acte notarial officiel, transmet tout ses droits de possession
andorrane à la Mitre de la Seu d'Urgell. Dans ce cas, l'Andorre
était à la fois sous influence politique et spirituelle de
l'Evéque. Néanmoins, le Comte de Foix, dont l'influence, pesante,
se faisait sentir dans les négociations entre les bergers fuxéens
et les pastors andorrans, ne souhaitait se taire. Il organisa une
série de négociations avec la Mitre pour conclure un premier
accord, ou sentència arbitral, en 1278.
10 Article intitulé « Evolucio de la nocio de
Constitucio », publié dans les cahiers de la VIII Universitat
andorrana d'Estiu
11 Renseignements historiques trouvés dans « Els
origens del co-senyoriu andorrà », de JM FONT i RIUS
12 Testament du Comte d'Urgell
2. Les « paréages » du XIIIème
siècle: l'origine du droit public
andorran
En français, nous employons le mot
générique de « paréage » pour désigner
l'accord, ou les accords, entre la Mitre et le Comté. Cependant, ceci
nous vient d'une traduction dirècte du catalan « pariatge
». Enfin, il est intéressant de noter que du point de vue
juridique, l'on parlera plutôt de sentència arbitral, que
l'on peut traduire par « sentence arbitraire ».
Nous pensons que cette dénomination est plus à
même de refléter la situation conflictuelle de l'époque: il
sagit d'un accord, d'aucuns parleront de demi-accord, nécessaire
à la bonne gouverne des Vallées.
Le statut juridique qui émane du premier «
Pariatge » de 1278 comporte deux aspects fondamentaux qui vont
marquaient le droit public andorran moderne.
Tout d'abord, le point le plus important concerne le
partage13 inidivisible de la possession de la Seigneurie
d'Andorre entre l'Evêque de la Seu d'Urgell, Pere d'Urg, et le Comte de
Foix, Rober Bernat III. Cette idée constitue la base de la doctrine
politique de la Coprincipauté. En quelques sortes, ce paréage
établi un pouvoir exécutif bicéphal. Officiellement
indivis, ce droit s'exercera, dans la pratique, par l'influence monopolistique
religieuse et en partie politique de l'Evêque de la Seu, et d'une
manière plus symbolique que matérielle du Comte de Foix. Ceci
étant dû logiquement à la géographie du terrain
andorran: l'ouverture physique des Vallées est plus importante sur le
versan espagnol.
Le deuxième point important, mais qui est à
l'origine de cette indivision, concerne le partage égalitaire d'un
impôt, appelé la questia, et qui fut rétribué depuis
1278 aux deux Coprinces, d'abord de manière alternée (tous les
deux ans pour chacun), puis enfin, de manière simbolique, lors d'une
cérémonie annuelle.
Le but de cet exposé est de pouvoir nous familiariser
avec l'origine de ce que peut être
13 Partage et paréage, comme nous pouvons le constater,
possèdent la même racine éthymologique
considéré comme le Droit Public andorran. La
Co-Principauté d'Andorre tire donc ses origines dans ce paréage.
Pour l'époque, il s'agit d'un cas particulier.
Le paréage de 1288, c'est-à-dire dix ans plus
tard, ne fait que concrétiser ce doublon de l'exécutif, en
nommant deux notaires généraux qui représenteront à
part égale chaque chaque Coprince. Le premier paréage, sur ce
point de la représentation, donnait le droit (ou
l'obligation, cela dépend du sens qu'on lui donne) à
chaque Coprince de faire appel à des viguiers et des juges14.
Les premiers pour les représenter institutionnellement, les
deuxièmes pour assurer la justice.
Comme nous allons le voir dans notre travail, les
procédés institutionnels de cette époque vont, pour une
grande partie, perdurer jusqu'en 1993. Le doublon exécutif va aussi se
noter dans l'autorité judiciaire. Pour parler de manière
générale, chaque Coprince possédera sa propre juridiction,
à la fois pénale, administrative et civile.
Les juridictions porteront chacune leur dénoination. La
juridiction du Coprince espagnol sera appelée « tribunal
episcopal », et celle du Coprince français, le «
tribunal civil », ou « tribunal laïc
».
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