Sous-section 2. Les limites intrinsèques au Conseil
de la Terre
Les limites que nous allons énoncer témoignent,
remises dans leur contexte, d'une faible importance des décisions du
Conseil et de sa position relative dans l'ordre juridique andorran.
Avant toute chose, il est important de rappeler que nous
désirons nous détacher de tout anachronisme, et que
l'interprétation qui sera faite des limites n'a à voir que la
situation du contexte juridique contemporain à la pratique
institutionnelle de cette époque.
Tout d'abord, cet organe de type législatif ne
possédait aucun pendant exécutif. En outre, le seul cas
d'exécutif que l'on pourrait dégager serait la position et le
rôle du Syndic, dans ce cas là président de cette
assemblée. Cependant, sa fonction était assez restreinte, vu le
manque de clareté concernant les compétences du Conseil. De plus,
les commissions ou juntes, qui faisaient office de ministères
déléguées, ne possédaient aucune autonomie
normative, ce qui restreignaient leur champ d'actions. Dans la pratique, l'on
parlera des exécutifs, car les normes votées par le Conseil
étaient, dans leur ensemble, mises en pratique par les exécutifs
parroissiaux.
De même, le Conseil n'avait aucune capacité pour
réguler les compétences locales. Dans cette optique, il n'y avait
qu'un contrôle unilatéral possible: du bas vers le haut. Ceci
remet en cause l'autonomie d'action de l'assemblée nationale.
Ensuite, il est intéressant de noter que dans ce
contexte de féodalité, et malgré la neutralité qui
est à la base de l'émergence des Vallées d'Andorre comme
entité politique, les Coprinces gardaient la main mise sur les affaires
nationales courantes: toute mutation
institutionnelle passait obligatoirement par un
décrêt conjoint27 des Chefs d'Etat28. Ainsi,
toutes les politiques publiques étaient soumises à l'approbation
postérieure des Coprinces. En conséquence, on peut dénoter
un manque d'autonomie quant à la prise de décision.
Dans l'ordre juridique andorran de cette époque, les
normes émanants du Conseil n'avaient qu'une porté
réstreinte, et chaque paroisse restait cependant autonome dans la
gestion de son domaine de compétences. Et ce malgré la
supériorité hiérarchique et formelle de ces normes. Cette
lacune hiérarchique provenait sans doûte du floux de
répartition des compétences entre le local et le national, qui
préférait le niveau local (car c'est bele et bien celui-ci qui
déléguait ses compétences au niveau national). Enfin, il
n'y a pas eu de création de nouvelles compétences au profit du
Conseil de la Terre.
En dernier lieu, le nerf de la guerre: les finances. Comme
nous le savons, en sociologie politique, le droit et les finances29
forment le duo par lequel l'autonomie d'une assemblée peut se
caractériser. Même dans le contexte que nous décrivons, le
Conseil de la Terre faisait à une problématique. En effet,
pendant longtemps, le budget de ce Conseil provenait essentiellement des
dotations faites par les Paroisses à ce même Conseil. En outre,
les taxes et impôts (ex.: la très connue questa)
étaient relevés par ces mêmes Comuns et
redistribuaient, en partie au Conseil de la Terre. Les seules taxes qui lui
incombaient directement étaient celles issues de l'importation et de
l'exportation de produits agricoles et manufacturés. Cependant, à
cette époque, le contexte n'était pas le même:
l'accès très difficile des vallées d'Andorre
réduisait très largement les échanges.
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