CHAPITRE I :
REVUE DE LITTERATURE
1.1 Généralités
Une plante de couverture est une espèce
végétale qui au cours de son cycle de vie produit de la biomasse
qui couvre la surface du sol. On le désigne aussi sous l'appellation
d'engrais vert. En réalité, les engrais verts sont des plantes
vertes (ou des parties de plantes) non ligneuses qui ont poussé
après ou en même temps que la culture principale, une mauvaise
herbe provenant de la période de jachère, ou encore des feuilles
d'un arbre ou d'une plante d'ombrage qu'on a taillées ou qui sont
tombées (van Schöll, 1998). Leur utilisation en élaboration
des agroressources d'origine végétale comme source de nutriments
et de matière organique est diversement appréciée et a
fait l'objet de nombre des études menées pour venir à bout
de la dégradation de la fertilité des sols en Afrique
Sub-Saharienne (IFDC, 2005, 2006 ; Sogbedji et al., 2006). Dans
les conditions socioéconomiques de l'Afrique, il est prôné
que la fertilisation des sols soit focalisée sur la technologie de la
matière organique où l'on recommande l'usage maximal des
nutriments d'origine organique et la minimisation de l'usage d'engrais
chimiques qui sont d'ailleurs très coûteux (Smalling et
al., 1992) en vue d'améliorer la santé du sol. En substance,
ce sont ces aspects de la recherche qui seront développés dans
cette partie du document.
1.2 Effets des systèmes culturaux sur le sol et
la production d'agroressources
Il existe de variables systèmes culturaux qui sont
développés suivant la prévalence des conditions
climatiques, édaphiques, socioéconomique et ethnologiques (Kang,
1986). Traditionnellement en Afrique de l'Ouest, il est souvent cultivé
plus d'une espèce sur de petites parcelles mises en jachère
pendant plusieurs années. La culture intercalaire est très commun
sous les tropiques et est pratiquée sur 80% des terres cultivées
en Afrique de l'Ouest (Steiner, 1984), de même que dans les
régions forestières humides (Juo et Ezumah, 1992). En fait, les
systèmes culturaux dépendent de la nature et des exigences
nutritionnelles des espèces à cultiver. On peut avoir en Afrique
de l'Ouest les principaux systèmes culturaux suivants :
v La monoculture
La monoculture est l'installation sur la même parcelle
exploitée de la même et unique culture pendant plusieurs saisons
de culture consécutives. Elle présente l'avantage de limiter les
concurrences nutritionnelles (eau, lumière et nutriments) mais
pérennise le parasitisme spécifique de la culture. La monoculture
du maïs sur sol ferralitique d'Afrique de l'Ouest par exemple,
déprécie le rendement de l'ordre de 28,5% (Sogbedji et
al., 2006). IFDC (2002) rapporte sur sol ferralitique
dégradé une chute de rendement de maïs de 10 - 75% sans
apport de matière organique au sol et de 20 - 32 % avec l'usage du
mucuna sur deux ans de production. Ceci dénote l'importance du continuel
besoin de restauration des sols dans les systèmes de production
continue.
v L'association culturale
L'association culturale consiste à mettre sur la
même parcelle deux ou plusieurs cultures en croissance simultanée.
Ce système présente l'inconvénient de donner lieu à
une compétition interspécifique pour la lumière, l'eau et
les nutriments. Il contribue significativement à l'épuisement
rapide du sol. Toutefois, l'association culturale permet l'obtention d'une
multitude d'agroressources en peu de temps sur un même espace. Elle peut
donner lieu à une culture intercalaire si les espèces sont
installées suivant un ordre spécifique. Ceci peut engendrer une
amélioration de la disponibilité de N dans l'association des
céréales avec les légumineuses (Eaglesham et al.,
1982).
v La rotation culturale
Ce système consiste à mettre en place deux ou
plusieurs cultures dans un ordre donné suivant les saisons ou les
années de culture. Il ne présente pas d'inconvénient
majeur si l'ordre de succession des cultures est bien choisi. Une rotation
culturale bien élaborée permet la discontinuité dans le
cycle des agents pathogènes spécifiques des cultures et optimise
l'utilisation des ressources nutritionnelles. La rotation céréale
- légumineuse est la plus bénéfique à cause de la
fixation symbiotique de N2 atmosphérique. Ce système
accroît davantage la disponibilité de N pour la culture
subséquente après incorporation et décomposition du mulch
de ces légumineuses (Ledgard et Giller, 1995). La plupart du temps, les
légumineuses à graines comestibles exportent 60 - 70% de N
fixé biologiquement dans leurs gousses et graines. Ceci constitue une
perte énorme pour le système sol - plante - atmosphère
(Henzell et Vallis, 1977). Le bilan de N dans un tel système peut
être négatif. Il serait beaucoup plus intéressant
d'utiliser les légumineuses graines non consommables comme le mucuna ou
le lablab et d'incorporer au sol la matière organique résiduelle
afin d'accroître la teneur du sol en N et en matière organique.
1.3 Effets des plantes de couverture sur le
sol
En Afrique de l'Ouest, les besoins d'une grande production
réclament l'apport de nutriments aux sols (IFDC, 2007). Ainsi dans les
systèmes de production où les cultures sont en rotation avec les
légumineuses à graines comme le niébé (Vigna
ungiculata L), le pois d'angole (Cajanus cajan L.), le soja
(Glycine max L.) ou l'arachide (Arachis hypogaea L.), la
fertilité du sol s'améliore (Hulugalle et Lal, 1986 ; Wilson
et al., 1982 ; IFDC, 1993).
Plusieurs espèces de légumineuses annuelles
à graines non comestibles comme le pois mascate (Mucuna pruriens var
utilis), le Kudzu (Puerovia phaseoloïdes) ou le lablab
(Lablab purpureus L.) sont utilisées comme plante de couverture
pour le contrôle de l'érosion hydrique, la lutte contre les
adventices et la restauration de la fertilité du sol (Sanginga et
al., 1996 ; Franzluebbers et al., 1998 ; Galaba et
al., 1998 ; Sedga et Toe, 1998 ; Manyong et al., 1999).
La fertilité du sol est également
améliorée par l'utilisation du mulch des légumineuses
pérennes à croissance rapide. Des études menées en
Afrique ont montré que l'incorporation dans le sol du mulch provenant de
la croissance rapide des légumineuses pérennes comme le leucaena
(Leucaena sp.), le cajan (Cajanus cajan L.), le sesbania
(Sesbania sesban M.) ou le glyricidia (Glyricidia
sepium) ont résulté en une amélioration significative
de la fertilité du sol (Barrios et al., 1997 ; Bashir
et al., 1998 ; IFDC, 2002, 2005).
Les atouts de l'usage des légumineuses comme engrais
verts ou plantes de couverture résident dans le fait qu'elles (1)
enrichissent le sol avec le N2 biologique fixé, (2)
conservent et recyclent les nutriments du sol, (3) fournissent une protection
du sol favorisant la réduction de son érosion et (4) requiert peu
ou pas d'engrais minéraux immédiats. Toutefois, à
intervalle planifié, on a besoin de travailler le sol pour favoriser
l'établissement, la maintenance et l'incorporation de ces engrais verts
(IFDC, 2002 ; Franzluebbers et al., 1998 ; Groot et
al., 1998).
Les couvertures de sol par les végétaux aident
à diminuer les risques d'érosion du sol dans les cultures
arbustives, particulièrement avant la fermeture du couvert arbustif.
Parmi les différentes espèces de couverture de sol testées
avec le cacao par Fianu (1998) au Ghana, celles qui ont eu le plus de
succès sont Centrosema pubescens, Pueraria
phaseoloïdes et Flemingia congesta. Ces plantes de
couverture de sol ont été aussi efficaces pour le
désherbage et l'amélioration de la fertilité des sols
épuisés par des cultures de plantation. Le niveau de couverture
du sol par ces plantes est un facteur déterminant dans la
réduction du ruissellement (Perez, 1994 ; Zougmoré
et al., 1998). Ainsi, comme l'ont souligné Roose et
al. (1992), la protection de la surface du sol assurée par une
litière ou un couvert végétal bien développé
permet de diminuer les pertes par ruissellement et de ralentir
l'évolution des croûtes. Il faudrait donc favoriser l'implantation
rapide des cultures et le développement d'une biomasse apte à
intercepter efficacement la pluie. Cela impose d'associer étroitement
les techniques de gestion de l'eau et de maintien de la fertilité des
sols. Selon les travaux conduits par Zougmoré et al. (1998),
l'association culturale sorgho - niébé s'est montrée plus
efficace que leurs cultures pures en entraînant une réduction de
l'érosion de 80 % par rapport au sorgho seul et de 45 - 55 % par rapport
au niébé seul. En réduisant la vitesse des
écoulements, la protection de la surface du sol permet une limitation
des déplacements solides, notamment des particules grossières
(Roose, 1981).
Par ailleurs, plusieurs légumineuses conviennent
très bien pour augmenter le statut de bases échangeables du sol
et contiennent du P et du Ca disponibles. La grande contribution des plantes de
couverture au sol est l'accroissement de sa fertilité par le biais de
l'addition annuelle de N. Il a été estimé que les
légumineuses (à graines comestibles ou non) peuvent
apporté au sol 50 kg N ha-1.an-1 (Akobundu et
Okigbo, 1984 ; Greenland, 1985). Dans de bonnes conditions de culture
(1000 - 2500 mm.an-1 de pluie, température de 19 - 27°C,
pH = 4,5 et une élévation de 0 - 1600 m), le mucuna apporte au
sol 7 - 9 Mg.ha-1.an-1 de biomasse sèche avec une
teneur de 2,96% de N, 0,32% de P et 1,57 % de K. Ce qui représente un
apport en nutriments de 207 - 266 kg N ha-1, 22 -29 kg P ha-1
et de 110 - 141 kg K ha-1 (FAO, 1990 ; Lal, 1990 ;
Vissoh et al., 1998).
Les limites de l'utilisation de plantes de couverture
résident dans le seul fait qu'elles empêchent la production de
nourritures durant une partie de la saison des pluie (seconde saison dans les
zones à pluviométrie bimodale comme en Afrique de l'Ouest) et
nécessitent donc une production considérable durant les saisons
favorables précédent la période de jachère
améliorée avec la plante de couverture (Balasubramanian et
Blaise, 1993 ; Sogbedji et al., 2006).
1.4 Effets des plantes de couverture sur la production
d'agroressources
En Afrique de l'Ouest, l'usage des légumineuses
à graines en rotation avec le maïs a résulté en une
augmentation de 50% du rendement du maïs (Hulugalle et Lal, 1986 ;
IFDC, 1993 ; Breman et van Reuler, 2000). Sur sol ferralitique du sud
Togo, le mucuna a engendré une augmentation du rendement de maïs de
16 - 67% avec un indice de récolte (IR) de 0,37 - 0,50 et une
efficacité agronomique de N (EA-N) de 4 - 17 Mg.ha-1 (IFDC,
2002). Lamboni (2000) a rapporté une augmentation du rendement du
maïs de 25% alors que Sogbedji et al. (2006) parle de 32,1 -
37,5% dans le sud du Togo. Dans cette même région, il a
entraîné l'accroissement du rendement du basilic (Ocimum
basilicum L.) de 30 - 50% suivant le type de sol et la saison de culture
(Adden, 2005). Au Malawi, MacColl (1989) rapportait que le rendement du
maïs installé après la culture du cajan a accru de 2,8
Mg.ha-1 par rapport à la culture du maïs continu
recevant 35 kg N ha-1. Au Burkina Faso, les études ont
démontrés que le rendement du maïs a accru de 0,7 à 1
Mg.ha-1 en utilisant les plantes de couverture comme
Calopogonium mucunoides, Mucuna sp., Lablab purpureus et Cajanus cajan.
Au Bénin, l'adoption du mucuna a augmenté le rendement du
maïs de 0,48 - 1,14 Mg.ha-1 (Manyong et al, 1999).
Galiba et al. (1998) ont rapporté que la biomasse de mucuna a
fait croître le rendement du maïs de 0,6 à 2,2
Mg.ha-1. Des essais menés au Mali ont montré que le
rendement du sorgho (Sorghum sp.) a augmenté de 40% en
rotation avec le soja (Kouyaté et al., 1998) ou en rotation
avec le lablab (Dolichos lablab) (Kouyaté et Juo, 1998). De
même, les rendements du coton graine et de l'arachide ont accru de 60% et
de 40% respectivement dans la rotation coton - arachide (Kouyaté,
1998).
Plusieurs études menées en Afrique de l'Ouest
ont montré que l'incorporation des résidus de maïs dans le
sol a amélioré le rendement de la culture. Malheureusement, dans
ces pays africains, les résidus de maïs (pailles) ont des
utilités traditionnelles et sont souvent exportés du champ (Poss
et al., 1997).
1.5 Dynamique des nutriments
La compréhension de la dynamique des nutriments dans le
système sol - plante - atmosphère a un intérêt de
plus en plus croissant afin de prévenir la dégradation des sols
en ressources de base et pour soutenir une production agricole efficiente avec
une gestion propre des nutriments (Sogbedji, 2001). L'obstacle majeur pour la
production agricole en Afrique est la non maîtrise de la dynamique des
nutriments afin de contourner l'infertilité et l'improductivité
notoire des sols. La principale voie d'appauvrissement de sols en nutriment est
la récolte des cultures (Nair, 1993). En moyenne, les grains des
cultures exportent 100 - 150 kg.ha-1 de N, P et K (FAO, 1990). La
dynamique des nutriments absorbés par les cultures est très
complexe du fait que la plante absorbe plus de nutriments à certains
stades végétatifs que d'autres. Il existe un laps de temps entre
la période où les nutriments sont solubilisés et/ou
disponibles dans le sol et la période où les racines des cultures
s'y approchent et les absorbent ; au cours de ce laps de temps, les
nutriments sont susceptibles d'être perdus (Zhang et al., 1996).
Stoorvogel et al. (1993) ont trouvé dans leurs recherches qu'en
Afrique Sub-Saharienne, en moyenne 22 kg N ha-1, 2,5 kg P ha-1
et 15 kg K ha-1 sont perdus chaque année dans les
terres arables. L'intensité des pertes de nutriments est fonction du
type de nutriment, de la nature des sols, des conditions climatiques et des
systèmes de production (Pieri, 1989 ; Christianson et Vlek,
1991 ; Alva et Wang, 1996 ; Sogbedji et al., 2000).
L'azote (N) et le phosphore (P) ont une dynamique très
différente dans l'environnement du sol. L'azote est biologiquement
très réactif, et après conversion en nitrate
(NO3-N), très mobile dans le sol tandis que le phosphore
devient rapidement inaccessible car étant sujet à la
précipitation chimique (Sogbedji et al., 2006ab). Ainsi, le P
pourrait avoir des effets résiduels sur la culture subséquente
alors que le N mis à disposition d'une culture est rarement accessible
à la culture subséquente (Randall et al., 1997).
Cette vision panoramique sur l'impact des systèmes
culturaux associés aux plantes de couverture sur la production
d'agroressources permet de mieux comprendre l'approche méthodologique
utilisée pour la réalisation de cette étude.
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