Les MMS banalisent la communication
Comment devient la communication avec l'échange des
MMS entre les individus et les sphères d'utilisateurs ?
Notre population enquêtée rapporte qu'avec les
MMS l'effort de communication interpersonnelle est réduit au
minimalisme. En effet, offrant la possibilité de transmettre des
éléments multimédia compilés, les MMS
développent chez l'usager une baisse de créativité au
niveau de la composition du message ce qui entraîne une paresse
intellectuelle. Le MMS comme message visuel immédiat aurait des
retombées « négatives » sur la communication.
N'étant plus réfléchie avec la pratique MMS, la
communication devient abrutie, froide et vide de sens. Avec les MMS, on
s'envoie des images enrichies de commentaires verbaux aberrants ou
d'abréviations en fonction de l'espace limité de composition. Il
en résulte qu'à force de recourir à des formes de
communications médiatisées par la technologie et
commandées par les normes de rapidité et de raccourcissement,
l'on porte atteinte à la langue (fautes de syntaxe, d'orthographe) et on
perd le vrai goût de la communication.
De manière générale, les
abréviations, les mots codés, les jeux de mots qui accompagnent
les MMS ou même les autres composants multimédia offrent une
possibilité de cimenter les relations entre les utilisateurs
connectés selon un jargon innovant et non conformiste. Mais,
malgré cela, le MMS se donne à saisir comme un acte robotique.
L'émotion, le rire, les sentiments humains comme la joie ou la
mélancolie transmis à travers le MMS, subissent un effet
d'industrialisation. Le fait de demander à quelqu'un d'émettre un
sourire ou de faire une grimace et de photographier ces expressions avec un
caméraphone pour les envoyer à quelqu'un d'autre montrerait ,dans
certains cas, le caractère artificiel des MMS. Ceci dit, les MMS restent
des vecteurs importants de sociabilité et de partage d'émotions,
car à travers lesquels la parole se libère et la communication
passe aisément d'un destinataire à un autre.
Nos personnes interviewées ont lourdement
insisté sur le fait que l'usage fréquent des MMS dans la vie
quotidienne banalise la communication. Pour appuyer ce constat, Amine cite
l'exemple des gens qui sont habitués à photographier les
scènes les plus banales du quotidien avec leurs caméraphone. De
sa part, il rapporte qu'un jour alors qu'il circulait en voiture avec un ami,
il a eu l'idée de saisir avec son caméraphone le signal de
vitesse qui marquait 200km/h pour le mémoriser et avertir surtout son
ami contre l'excès de vitesse.
Ce simple geste parmi tant d'autres qui se déroulent
au fil de notre quotidien illustre bien que le MMS ajoute une mémoire
photographique, supplémentaire, à celle qu'on possède
déjà : la mémoire cérébrale. C'est
comme si avec le MMS l'on se rend compte de l'insuffisance de notre
mémoire et l'on recourt à des méthodes nouvelles pour la
reproduction du monde réel. Ceci renvoie à un autre type de
constat ; c'est qu'avec le caméraphone - comme avec le
caméscope pour les photos numériques - on a la possibilité
de prendre autant de photos qu'on veut et de capturer le moment. Alors qu'avec
l'appareil photo argentique on cherche à saisir la beauté. Et
c'est là probablement tout la différence qui existe entre photo
numérique, le MMS notamment, (captation de l'instant) et photo
argentique (réflexion et arrêt sur l'instant).
« Lorsqu'on prend les photos traditionnelles on
réalise quelque chose de beau et même très beau, alors
qu'avec l'appareil photo numérique (le caméraphone notamment) si
tu vois quelqu'un courir tu lui prends une photo, c'est à dire qu'il n'y
a pas de contemplation... ». Amine, 25 ans
Avec le MMS, l'acte photographique perd son
authenticité. Il n'est plus une réflexion sur un moment
apprécié, mais plutôt une saisie brusque d'un instant dans
un but de partage immédiat. La « frivolité »
du MMS laisse apparaître ce type de messagerie comme un moyen de
communication utilitaire et pragmatique qui établit la liaison entre des
personnes séparées en leur permettant de s'échanger des
émotions et des expériences personnelles. Le MMS, de par sa
corporalité souple et hybride, inscrit la communication interpersonnelle
dans le cadre d'une société postmoderne, marquée par les
valeurs d'échange, de flux et de connexion permanents.
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