Section III Le cas de la Suède
Certains auteurs, à l'instar de M. Alain VERBEKE,
soulignent qu'en Suède : « tout est
enregistré ». Le droit suédois permet une recherche
d'informations sans garde-fous ou presque. En France, un tel droit et ses
procédures ne pourraient s'appliquer car la CNIL s'y opposerait
formellement. Cependant, certains fichiers existant en Suède pourraient
être source d'inspiration afin d'être reproduits dans les
administrations françaises.
En ce qui concerne les personnes pouvant être tiers
débiteur, les règles diffèrent beaucoup. En Suède
les tiers ont des obligations très étendues. Le tiers doit
préciser si le débiteur a quelques créances ou d'autres
aspects financiers qui les lient. Ces renseignements obtenus sont importants
pour déterminer si le patrimoine existe et de quelle nature il est. En
ce qui concerne les employeurs, ils sont tenus de fournir des informations sur
les revenus du débiteur lorsqu'ils y sont invités. Ainsi les
banques doivent aussi fournir l'information concernant tous les comptes ouverts
au nom du débiteur ainsi que si le débiteur en a, les
emplacements de son (ou ses) coffre(s). Ces établissements bancaires
doivent aussi indiquer les établissements centraux
pouvant offrir d'autres renseignements comme par exemple celui tenant le
registre central des chèques.
Selon le chapitre IV du code d'application, le débiteur
doit, s'il y est invité, fournir des informations sur ses capitaux,
confirmer également la véracité des informations qu'il a
fournies dans un document ou lors d'un interrogatoire. En effet, en
Suède, une des premières étapes substantielles dans une
recherche relative à un débiteur consiste à l'interroger
au sujet de ses dettes.
En Suède, chaque citoyen a libre accès aux
données relatives au patrimoine actif et passif d'un débiteur
tenu par le service public de recouvrement forcé, lesquelles font
l'objet de fichiers électroniques.
La localisation du débiteur est utile pour en
déduire la localisation de ses biens et, en conséquence,
permettre dans un second temps la réussite d'une saisie. C'est la raison
pour laquelle le registre de la population sera une pierre angulaire pour
réussir à pratiquer les mesures d'exécutions
adéquates.
Parmi tous les registres suédois dont fait l'objet la
population, on trouve les suivants :
- Le REX permet une centralisation de données
concernant la situation de saisie d'un débiteur. Tous les paiements et
actions pris en rapport avec un débiteur y sont enregistrés.
Grâce à un code d'accès personnel, il est possible de
savoir quelles mesures ont été prises, quels paiements ou saisies
ont déjà été effectués,
- Le registre d'injonction de payer géré par
l'application Authorities,
- Le registre des Impôts ou « tax
register » tenu par les autorités fiscales contient des
informations sur les redevables de tout impôt,
- Le « trade and association register »
donne toute information sur l'identité des associés d'une
société de personnes ainsi que ses comptes annuels,
Au côté de ces registres, il en existe d'autres
qui sont publics, toute personne peut donc y avoir accès. Parmi eux on
trouve :
- Le « matrimonial register » contient
toutes les informations sur les enregistrements prénuptiaux, les
documents de division de propriété commune ainsi que les
donations faites entre époux,
- Le « real estate register » contenant
des informations telles que les statuts de propriété, la valeur
d'imposition et les gages immobiliers...
- Le registre des sociétés « trade et
association register » tenu par le bureau des brevets et de
l'enregistrement et contenant des informations sur l'identité des
associés d'une société de personnes ainsi que ses comptes
annuels,
- Le « securities register » renseigne sur
des opérations boursières,
- Le « register if mortgage on a company
assets » relatifs aux sûretés concédées
sur les actifs d'une société,
- Le « traffic register » contenant
toutes informations sur les véhicules et propriétaires
enregistrés (identité du propriétaire actuel et des trois
précédents)
- Le « shipping register » et le registre
des avions contiennent respectivement toutes les informations concernant les
bateaux et les avions ainsi que leurs propriétaires,
- Le registre des chevaux permet de savoir si un
débiteur est propriétaire d'un cheval,
D'autres registres permettent de localiser des personnes
physiques et ainsi d'éviter de perdre leur trace par
exemple :
- Le registre des personnes mis à jour
régulièrement eu égard au fait que les individus
enregistrés sont tenus de communiquer à l'administration fiscale,
sous peine d'astreinte, leur déménagement.
Le système juridique suédois et le travail des
autorités sont fortement influencés par un modèle ouvert
de décision, tout ceci réalisé dans le cadre d'un principe
de liberté individuelle de la parole et du droit du public d'assister
à des affaires en jugement voire à des réunions des
autorités d'Etat ou de ville. Le public a le droit de lire des documents
rédigés et gardés par les différentes
autorités. Cependant ceci n'est pas une généralité,
certains documents peuvent être classés confidentiels. En
pratique, dans certains cas, les autorités ne peuvent donner certaines
informations sans savoir l'identité ou les buts du destinataire.
L'énumération des différents registres
n'est pas exhaustive, elle montre l'étendue de l'accès aux
renseignements pour les autorités d'exécution. Ce système
est centralisé et informatisé, signe de modernité pour
certains, cependant d'autres s'insurgent contre l'atteinte à la vie
privée des débiteurs résultant de cet accès.
Depuis la loi du 1er octobre 2001, les documents
des services publics en liaison avec les services du Trésor ne sont
accessibles qu'aux services de recouvrement et non à tous comme cela
était possible avant.
En France, la place donnée au respect de la vie
privée des débiteurs prime sur l'accès aux renseignements.
Cependant, il serait possible que le système français s'inspire
du système suédois en établissant un équilibre
entre vie privée et accès à l'information afin de
permettre une revalorisation du titre exécutoire. En Suède, les
personnes chargées de l'exécution sont des fonctionnaires et
à ce titre, à la différence de la France, ils ont le
même statut que le personnel administratif et ont donc accès aux
mêmes informations, c'est une des raisons pouvant expliquer le
système en vigueur.
Ces systèmes européens, italien, allemand et
suédois, présentent certaines idées quant à la
réforme qu'il faudrait poursuivre en France. En effet, avec la loi de
2004 permettant un accès aux fichiers FICOBA, le législateur a
montré sa volonté de donner plus de moyens à l'huissier de
justice afin qu'il mène à bien ses différents mandats.
Cependant, bien que cette avancée lui permette un gain de temps, elle ne
suffit guère à l'heure actuelle pour revaloriser globalement la
profession. La notion d'équilibre entre les intérêts des
débiteurs et ceux des créanciers est un axe de la réforme
de 1991, en l'état, elle n'est pas la réalité. En effet,
les intérêts des débiteurs priment sur les
intérêts des créanciers.
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