2.1. Le cadre normatif
Le cadre normatif fait référence à deux
sources majeures : la première est
internationale où se regroupent d'une part la
Convention de 1972 et son corollaire (les Orientations), et d'autre part les
Recommandations, les Déclarations et les Chartes qui en découlent
; la seconde est nationale, où on retrouve les réglementations
qui régissent le patrimoine culturel.
2.1.1. Les normes internationales
a. la Convention de 1972
Cet instrument international repose sur le postulat que certains
sites sur la terre
ont une valeur universelle exceptionnelle et mérite, en
tant que tels, de faire partie du patrimoine commun de l'Humanité.
Aperçu historique1
La Convention concernant la protection du patrimoine mondial
culturel et naturel
procède de la fusion de deux courants distincts : le
premier, centré sur les dangers menaçant les sites culturels, et
le second, axé sur la préservation de la nature.
L'événement qui a suscité une prise de
conscience internationale particulière a été la
décision de construire le grand barrage d'Assouan en Egypte, ce qui
aurait inondé la vallée ou se trouvaient les temples d'Abou
Simbel, trésors de la civilisation de l'Egypte ancienne. En 1959,
l'UNESCO a décidé de lancer une campagne internationale à
la suite d'un appel des Gouvernements égyptien et soudanais. La
recherche archéologique dans les zones qui allaient être
inondées a été accélérée ; enfin, les
temples d'Abou Simbel et de Philae ont été
démontés, déplacés et réassemblés.
La campagne a coûté environ 80 millions de
dollars des Etats-Unis, la moitié provenant de dons d'une cinquantaine
de pays, ce qui a démontré l'importance d'un partage de
responsabilité des pays pour préserver les sites culturels
exceptionnels.
Ce succès a été suivi d'autres campagnes
de sauvegarde, notamment en Italie (à Venise), au Pakistan (Mohenjo
Daro) et en Indonésie (Borobudur) , etc..
Par conséquent, l'UNESCO, avec l'aide du Conseil
international des monuments et des sites (ICOMOS), a amorcé la
préparation d'un projet de convention sur la protection du patrimoine
culturel.
1 Kit d'information du patrimoine mondial (la
Convention).
En 1968, l'Union mondiale pour la nature (UICN) a
présenté des propositions analogues à ses membres. Ces
propositions furent présentées à la Conférence
des
Nations Unies sur l'Environnement humain à Stockholm en
19721.
Finalement, toutes les parties concernées se sont mises
d'accord sur un texte unique. La Convention concernant la protection du
patrimoine mondial, culturel et naturel a été adoptée
par la Conférence générale de l'UNESCO le 16 novembre
1972.
En considérant le patrimoine sous ses aspects culturels
aussi bien que naturels, la Convention nous rappelle l'interaction de
l'être humain et de la nature et la nécessité fondamentale
de préserver l'équilibre entre les deux.
L'originalité de la Convention réside dans le
fait de réunir dans un même document les notions de protection de
la nature et de préservation des sites culturels. Nature et culture sont
complémentaires et l'identité culturelle est profondément
liée à l'environnement naturel dans lequel elle se
développe.
Le contenu de la Convention
Le texte de la Convention de 1972 est constitué de 8
sections et 38 articles, et
publiée en 5 langues : l'anglais, l'arabe, l'espagnol,
le français, et le russe.
La Convention définit le genre de sites naturels ou
culturels dont on peut considérer l'inscription sur la Liste du
patrimoine mondial (articles 1 et 2), et elle fixe les devoirs des Etats
parties dans l'identification de sites potentiels (art.3), ainsi que leur
rôle dans la protection et la préservation des sites (art.4). En
signant la Convention, chaque pays s'engage non seulement à assurer la
bonne conservation des sites se trouvant sur son territoire, mais aussi
à protéger son patrimoine national.
La Convention encourage l'Etat partie à intégrer
la protection du patrimoine culturel et naturel dans les programmes de
planification régionaux et à adopter des mesures attribuant une
fonction à ce patrimoine dans la vie quotidienne (art.5, a).
La Convention décrit également la fonction du
Comité du patrimoine mondial, le mode d'élection de ses membres
et leur mandat, et elle indique précisément les organismes
consultatifs professionnels à qui il peut demander conseil pour la
sélection des sites à inscrire sur la Liste (section III).
1 L'idée de concilier la conservation des sites
culturels avec ceux de la nature vient des Etats-Unis. Une conférence
à la Maison Blanche à Washington D.C., en 1965 a demandé
la création d'une "Fondation du patrimoine mondial" qui stimulerait la
coopération internationale afin de protéger "les lieux et
paysages les plus superbes du monde, ainsi que les sites historiques, pour le
présent et l'avenir de toute l 'humanité". Cf. Kit d'informations
du patrimoine mondial (la Convention).
La Convention explique l'utilisation et la gestion du
Fonds du patrimoine mondial (section IV) et les conditions et
modalités de l'assistance financière internationale (section
V).
Fonctionnement la Convention
La proposition d'inscription d'un site sur la Liste du
patrimoine mondial doit
émaner du pays lui-même. L'UNESCO ne fait pas de
recommandations pour l'inscription. La proposition doit inclure un plan
exposant en détail la gestion et la protection.
Le Comité du patrimoine mondial se réunit une
fois par an et étudie les propositions d'inscription à partir
d'évaluations techniques. Ces évaluations, indépendantes
des sites culturels et naturels proposés, sont réalisées
par deux organismes consultatifs, le Conseil international des monuments et des
sites (ICOMOS) et l'Union mondiale pour la nature (UICN) respectivement. Le
Centre international d'études pour la conservation et la restauration
des biens culturels (ICCROM) est également sollicité pour fournir
un avis.
Une fois qu'un site a été
sélectionné, son nom, son emplacement et la date de son
inscription figurent sur la Liste du patrimoine mondial. Des informations
concernant les biens inscrits figurent sur des documents annexes :
coordonnées, critères d'inscription, description du bien, et les
justifications d'inscription. La Liste du patrimoine mondial compte
désormais 788 biens inscrits avec 611 biens culturels, 154 biens
naturels, et 23 biens mixtes, situés dans 134 Etats parties.
Cette Liste, classée par ordre alphabétique des
pays ayant des sites inscrits, est actualisée et arrêtée
à chaque session du Comité (la dernière Liste date de
juillet 2004).
b. Les Orientations
Les Orientation devant guider la mise en oeuvre de la
Convention du patrimoine
mondial (ci-après dénommées les
Orientations), est le principal instrument normatif qui découle
de la Convention. Rédigé en 1977 et plusieurs fois
révisé pour intégrer de nouveaux concepts
(authenticité, paysages culturels entre autres), et de
nouvelles orientations, il a été préparé pour
informer les Etats parties à la Convention sur la procédure de
préparation des dossiers d'inscription sur la Liste, et d'autre part sur
les principes qui guident les travaux du Comité dans
l'établissement de la Liste du Patrimoine Mondial et de la liste du
patrimoine mondial en péril, ainsi que sur l'octroi d'une
assistance internationale au titre du Fonds du Patrimoine Mondial. Ce
document peut être révisé à tout moment par le
Comité.
Les Orientations sont considérées comme
un outil de travail ; elles ont dû être à maintes reprises
révisées par le Comité du patrimoine Mondial pour
être adaptées en
fonction des besoins locaux, et être en conformité
avec les politiques de la Convention
définies par le Comité. La dernière
version est celle de 20051.
Le principal apport des Orientations se situe au
niveau des critères sur lesquels est décidé l'inscription
d'un bien sur la Liste du Patrimoine Mondial par le Comité du patrimoine
Mondial. Ces critères sont au nombre de six pour les biens culturels, et
quatre pour les biens naturels.
Ainsi, les biens culturels doivent :
i. soit représenter un chef-d'oeuvre du
génie créateur humain ;
ii. soit témoigner d'un échange
d'influences considérable pendant une période donnée ou
dans une aire culturelle déterminée, sur le développement
de l'architecture ou de la technologie, des arts monumentaux, de la plan
ification des villes ou de la création de paysages ;
iii. soit apporter un témoignage unique ou du moins
exceptionnel sur une tradition culturelle ou une civilisation vivante ou
disparue ;
iv. soit offrir un exemple éminent d'un type de
construction ou d'ensemble architectural ou de paysage illustrant une ou des
période(s) significative(s) de l'histoire humaine ;
v. soit constituer un exemple éminent
d'établissement humain ou d'occupation du territoire qui soit
traditionnel et représentatif d'une culture (ou de cultures), surtout
quand il devient vulnérable sous l'effet de mutations
irréversibles ;
vi. soit être directement ou maté riellement
associé à des événements ou des traditions
vivantes, des idées, des croyances ou des oeuvres artistiques et
littéraires ayant une signification universelle exceptionnelle
(critère utilisé uniquement dans des circonstances
exceptionnelles ou appliqué concurremment avec d'autres
critères).
c. les Recommandations :
Les Recommandations émanent des Conférences
générales de l'Unesco, pour
inspirer les Etats en matière de protection et de
sauvegarde de leur patrimoine. Elles n'ont pas la même force juridique
que les Conventions qui engagent les Etats signataires, mais en constituent le
prolongement et servent également d'outil de référence
pour ces Etats afin de développer leur politique de gestion de leur
patrimoine. Dans cette catégorie, une série de Recommandations
méritent d'être citées :
1 Cette version des Orientation (WHC.05/2) vient
d'être adoptée par le Comité du patrimoine mondial lors de
la 7 ème session extraordinaire. Elle est entrée en vigueur
depuis le 2 février 2005. Cette version a dû intégrer des
éléments nouveaux ; elle a l'avantage d'être plus
détaillé avec ses 10 chapitres et ses 290 paragraphes (plus 8
annexes, une bibliographie et un index). Malheureusement, ma découverte
de ce document a été assez tardive et, vu le délai qui m'a
été imparti, je n'ai pas pu l'exploiter à fond. Par
conséquent mon examen s'est limité à la version de 1999
(désigné par la référence WHC.99/2)
- Recommandation concernant la sauve garde de la
beauté et du caractère des paysages et des sites (11
décembre 1962) ;
- Recommandation concernant la préservation des biens
culturels mis en péril par les travaux publics ou privés (19
novembre 1968) ;
- Recommandation concernant la protection sur le plan
national du patrimoine culturel et naturel (16 novembre 1972) ;
-Recommandation concernant la sauvegarde des ensembles
historiques ou traditionnels et leur rôle dans la vie contemporaine (26
novembre 1976) ;
- Recommandation sur la sauvegarde de la culture
traditionnelle et populaire (15 novembre 1989).
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d. les Déclarations
Les Déclarations s'inscrivent généralement
dans le même registre que les
Recommandations, dans le sens où elles émanent
également des Conférences générales de l'Unesco et
traduisent le consensualisme de la communauté internationale, mais
à la différence des Recommandations, elles ont un
caractère plus engageant du moins sur le plan moral. Deux
Déclarations relatives au patrimoine mondial s'inscrivent dans cette
nomenclature :
-Déclaration universelle de l'UNESCO sur la
diversité culturelle
(2 novembre 2001) ;
-Déclaration de l'UNESCO concernant la destruction
intentionnelle du patrimoine culturel (17 octobre 2003).
e. les Chartes
Les Chartes émanent généralement des
professionnels du patrimoine et
constituent jusqu'à présent des
éléments normatifs de référence en matière
de sauvegarde pour les professionnels aussi bien nationaux qu'internationaux.
Dans ce registre, dont le contenu est dominé largement par le patrimoine
architectural et urbain, s'inscrivent deux chartes :
-La Charte d'Athènes pour la Restauration des
Monuments Historiques Adoptée lors du premier con grès
international des architectes et techniciens des monuments historiques,
Athènes 1931 ;
-La Charte Internationale Sur la Conservation et la
Restauration
des Monuments et des Sites dite Charte de Venise (II
ème Con grès international des architectes et des techniciens des
monuments historiques, Venise, 1964. Adoptée par l'ICOMOS en
1965).
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