3.2.4. Approche cartographique de gestion : l'apport du
SIG
Les nouvelles technologies de l'information sont devenues
très sollicitées par les
gestionnaires du patrimoine. Le recours à ces outils de
gestion est impératif dans la mesure où il permet un meilleur
stockage de l'information, sa diffusion à une grande échelle,
l'accès à l'information de n'importe quel endroit, et le travail
en réseau (basé sur l'échange des informations).
L'exploitation de ces outils de travail dépend de la capacité des
gestionnaires (décideurs et acteurs directs en matière de
gestion) à investir dans les outils informatiques et à en tirer
le meilleur profit.
L'une des dernières avancées dans le domaine du
patrimoine est l'application de systèmes informatiques liés
à l'espace. Ils sont désignés par le terme de
Système d'Information Géographique ou SIG.
Le SIG consiste à associer des données
informatisées (de tout genre) à des données
cartographiques ou spatiales. Les systèmes d'information
géographique peuvent être constitués pour répondre
à des demandes spécifiques et assez variées ; à
titre d'exemple, l'étude des phénomènes statiques ou
dynamiques dans une aire spatiale donnée. Le SIG est le plus souvent
appliqué à l'urbanisme et à l'aménagement du
territoire. La mise en oeuvre du SIG fait appel à trois niveaux
d'information. Dont le premier est touj ours de nature cartographique, les
autres niveaux dépendent de la nature des données à
gérer.
Comme le système standard n'existe pas, il faut les
adapter selon les objectifs fixés. Ainsi, l'application du SIG dans le
patrimoine peut s'adapter à des domaine variés selon qu'il
s'agisse de la gestion de centres historiques, de la gestion du patrimoine
architectural spécifique dans une aire géographique
étendue, de la gestion des musées à l'échelle
nationale, de la gestion des bibliothèque ou des fonds d'archives
à une échelle régionale donnée, etc. Toutefois, les
systèmes du SIG ont en commun des fonctionnalités que l'on
retrouve dans chaque système ; elles sont regroupées en 5
familles sous le terme des « 5A », à savoir : Abstraction,
Acquisition, Archivage,
Affichage et Analyse1.
a. Le contexte international : le SIG appliqué au
patrimoine mondial
On assiste aujourd'hui à la diffusion des outils
informatiques gérant l'information
géographique pour l'analyse et la gestion des territoires
et des sites patrimoniaux. L'utilisation de ces outils est en plein essor aussi
bien dans les collectivités territoriales,
1 Patrick Marmonier, L'information géographique,
document de l'Ecole Nationale des Sciences Géographiques, ENSG
(France), 2002 (diffusé sur Internet).
que dans les organismes qui s'intéressent à des
problématiques de gestion du territoire et sa composante patrimoniale
(patrimoine architectural, urbain, paysager, et archéologique). Le
recours au SIG est en vogue actuellement.
En 2002, la Convention pour la protection du patrimoine
mondial, fêtait son trentième anniversaire. C'était
l'occasion de dresser un bilan en matière de conservation et de gestion.
Un cycle de conférences virtuelles a été organisé
par l'Unesco dans sept villes différentes qui ont formé un
Congrès virtuel sur le thème << Le patrimoine mondial
à l'ère numérique ». Entre la mi-octobre et la
mi-novembre 2003, à Alexandrie, Beijing, Dakar, Mexico, Paris,
Strasbourg et Tours, des centaines de participants venus d'univers
géographiques et professionnels différents tenteront de
définir ensemble comment tirer le meilleur parti des nouvelles
technologies de l'information et de la communication pour mieux gérer
les sites du patrimoine mondial. Deux conférences ont porté sur
le thème du SIG : Alexandrie (<< Cartographie de la gestion du
patrimoine : système d'information géographique (SIG) et
multimédia »), et Mexico (<< La gestion du
patrimoine des centres historiques : plan ification pour l'usage mixte et
l'équité sociale »). Elles s'articulaient autour de
l'application du SIG à la gestion des sites, et les moyens de pouvoir en
tirer le meilleur parti, en matière d'aménagement des espaces
géographiques, de gestion des facteurs dynamiques affectant les sites
(immigration, urbanisation, croissance démographique, risques, etc.).
Au niveau de la Région des pays arabes, un atelier
s'est tenu en Egypte (Le Caire, 18 février-4 mars). Il s'inscrivait dans
le cadre du projet de « Développement des capacités de
gestion de l'information sur les sites du patrimoine mondial dans la
région des Etats arabes » conçus en collaboration avec
les autorités flamandes et le Fonds en dépôt
Unesco-Flandres de soutien aux activités de l'Unesco. Il était
organisé avec le Centre de documentation du patrimoine culturel et
naturel (CULTNAT) et le Conseil Suprême des Antiquités. 13
participants - dont le Maroc, représenté par un conservateur issu
du CERKAS - ont été formés à l'utilisation des
technologies de l'information (SIG, GPS, photogrammétrie, stations
totales..) pour recueillir des données et des informations, produire des
modèles et des cartes en 3D et mettre en place des systèmes de
surveillance dans le but d'améliorer la préservation et la
gestion
des sites du patrimoine mondial dans la Région des Etats
arabes1.
1 Cf. Rapports périodiques et programmes
régional : Etats arabes 2000-2003, Centre du Patrimoine Mondial-Unesco,
2004 (p.54)
b. L'application du SIG au patrimoine architectural des
vallées présahariennes : l'expérience du CERKAS
(2000-2005)
Depuis 2000, le CERKAS mène un programme intitulé
: « Inventaire par
photographie aériennes du patrimoine culturel de la
Vallée du Draa » en collaboration avec l'institut de
Photogrammétrie de l'Ecole Polytechnique Fédérale de
Lausanne (Suisse) et le Bureau d'Architecture et d'Urbanisme Hans Hostettler de
Berne (Suisse). Il est financé par le Ministère marocain de la
Culture et la Direction du développement et de coopération du
Département Fédéral des Affaires Etrangères de la
Confédération Helvétique. C'est un programme unique en son
genre à l'échelle nationale au niveau des services du
Ministère de la Culture. Il s'agit d'un programme scientifique
fondé sur un système d'information géographique (SIG).
Le programme a été défini en termes de
champs d'intervention (vallée du Draa),
de durée et de calendrier d'exécution
(2000-2005)1.
Fig. 19 - Carte de la vallée du Draa (extrait de
la Carte Michelin, 1:1.000.000)
1 Le descriptif du système d'information
géographique (SIG) appliqué à l'inventaire du patrimoine
culturel de la vallée du Dràa, est publié par : Mohamed
Boussalh, « Conception d'un système d'information
géographique pour l'inventaire du patrimoine culturel de la
vallée du Dràa », in Patrimoine culturel marocain,
Publication de l'Université Senghor sous la direction de Caroline
GaultierKurhan, Ed. Maisonneuve & Larose, Paris, 2003 (pp.411-42 9). Pour
des raisons d'éthique professionnelle, les détails de ce
programme ne seront pas développés dans ce volet.
Il est à signaler qu'un projet pilote a
déjà été réalisé dans le courant des
années 1999 et 2000 et a permis d'inventorier 58 villages communautaires
(Ksour) répartis entre Ouarzazate, Agdz et Zagora
sur la base des photographies aériennes.
L'objectif général du programme est non
seulement la saisie systématique des monuments historiques de la
vallée du Draa mais également une contribution à la
conservation et à la réhabilitation d'un certain nombre de ces
monuments. Cet inventaire devrait aussi servir comme modèle pour un
inventaire global du patrimoine architecturel du sud marocain.
Cette démarche s'inscrit dans une perspective globale
qui permettra l'accès à l'information dans le but de faciliter la
prise de la décision, en matière d'aménagement
géographique, de développement du tourisme, de
développement des activités économiques porteuses,
d'identification des ensembles en péril nécessitant des
interventions d'urgence, et d'identification des facteurs de risque.
En outre, cet inventaire permettra au CERKAS de disposer d'une
banque de données qui favorisera la recherche scientifique et
historique.
La méthodologie adoptée est la collecte sur le
terrain des données historiques, sociales, ethnographiques ; ce travail
de terrain est complété par des relevés architecturaux
(plans croquis, etc.) et photographiques.
Ensuite, on procède par la digitalisation des
données recueillies sur le terrain à l'aide de
MicroStation (logiciel de dessin assisté par
ordinateur/DAO). Les données graphiques sont transposées sur une
photographie aérienne du site restituée et
numérisée (Orthophoto) à l'aide du MGE
(Modular GIS Environnement). Il convient de signaler que les
photographies aériennes sur lesquelles est fondée la
numérisation des données graphiques datent de 1977, ce qui rend
évident les missions de terrain pour constater les altérations
des tissus et des structures et les modifications de l'occupation de l'espace
réalisées depuis cette date.
Les autres types de données sont organisés sous
forme de bases de données constituées de tables (à base
d'un catalogue de critère approprié).
Fig.20- Modèle d'une orthophoto (la Qasba de Taourirt/
CERKAS)
Digitalisation du périmètre Digitalisation des
voiries
Fig.21 : Digitalisation des
différents niveaux de dessin à l'aide de
MicroStation (la Qasba de Taourirt/CERKAS )
Le lien entre les donnés graphiques (cartographiques et
architecturales) et la base de donnée est assuré par l'outil
Engineering Links qui permet de stocker une
quantité importante d'informations (texte, plans, photos, etc.) et les
visualiser en mode HTML. La recherche de l'information est
formulée sous forme de requête (fig. 31 et 32).
Fig.22 - Requête indiquant les bâtiments
alimentés par le réseau public en eau potable à la
Qasba de Taourirt (CERKAS)
Fig.23 - Requête illustrant le schéma de voirie
d'un ksar (CERKAS)
Le choix du logiciel MGE parait judicieux dans ce sens, qu'il
répond aux exigences de modélisation notamment en 2D et 3D.
Néanmoins, il présente un aspect relativement complexe. Il est
vrai qu'il offre beaucoup de possibilité et une grande
flexibilité dans l'introduction et la gestion de
l'information1, mais il soulève le problème
d'harmonisation avec les logiciels appliqués dans les SIG au Maroc :
notamment l' ArcView qui est fortement
recommandé par les utilisateurs. Ce logiciel est même
utilisé dans le SDAU du Grand Ouarzazate faisant de cet outil de
planification l'un des rares documents urbains où est utilisé le
SIG à l'échelle nationale.
Etant donné que le programme en question n'intervient
actuellement que sur la vallée du Draa, le Ksar Aït Ben Haddou
n'est pas concerné par cet inventaire. Il appartient à
l'équipe du CERKAS dans un futur proche d'intégrer le ksar en
question dans sa démarche même s'il ne fait pas partie du
programme, ni du champs spatial où
1 Cf. Mohamed Boussalh, « Conception d'un
système d'information géographique pour l'inventaire du
patrimoine culturel de la vallée du Dràa », in Patrimoine
culturel marocain, Publication de l'Université Senghor sous la
direction de Caroline Gaultier-Kurhan, Ed. Maisonneuve & Larose, Paris,
2003 (p.419)
s'inscrit ce programme. Le site du Ksar Alt Ben Haddou
gagnerait énormément à être approché
grâce à l'application du SIG dans la démarche transversale
et intégrée de sauvegarde, de réhabilitation et de
gestion.
Ayant acquis un savoir-faire en la matière, le CERKAS est
en mesure de mener
une approche si pertinente pour le site, afin de servir
d'outil de planification et de gestion en matière de prise de
décision et de monitorage par rapport au ksar et son environnement, et
de servir éventuellement de modèle pour les gestionnaires des 7
autres sites du patrimoine mondial existant au Maroc.
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