3.2. La gestion intégrée
La gestion intégrée des sites patrimoniaux fait
souvent référence à la conservation
intégrée ; une notion qui revient souvent dans la
littérature relative aux méthodes contemporaines de conservation
des biens patrimoniaux situés dans des contextes
aussi bien urbains que ruraux. Les biens ne sont plus
considérés individuellement ou indépendamment du contexte
où ils se situent et évoluent. Tous les éléments de
du contexte (physique, naturel, économique, social, etc.) sont pris en
compte dans les actions rapportées aux biens patrimoniaux.
Dans le cas du Ksar Aït Ben Haddou, la gestion
intégrée aura tendance à privilégier cette
approche, celle de la conservation intégrée :
3.2.1. Approche des paysages
culturels
Cette approche a tendance à être
privilégiée dans la gestion des sites patrimoniaux.
Elle favorise une conception du patrimoine comme
système intégré où la relation entre les parties a
plus d'importance que les parties elles-mêmes. L'approche conventionnelle
du patrimoine s'attache à l'état de conservation de
caractéristiques et d'éléments particuliers des biens. Une
approche du paysage culturel privilégie les processus essentiels qui ont
modelé - et continuent de modeler - le caractère du paysage.
Nombreux sont les paysages culturels qui continuent à
évoluer : la difficulté, pour les gestionnaires, est alors de
guider le processus de telle sorte que les qualités
essentielles du lieu perdurent1.
Dans un chapitre précédent, il a
été question de reconsidérer les valeurs du ksar des
Aït Ben Haddou s'il est perçu dans sa double dimension :
matérielle et immatérielle. Le paysage culturel parait à
ce titre le qualificatif adéquat.
L'approche des paysages culturels soulève une question
majeure par rapport à la gestion des sites patrimoniaux : quel est
l'intérêt de cette approche dans la gestion d'un site tel que le
Ksar Aït Ben Haddou ?
La gestion des paysages culturels met en valeur les techniques
traditionnelles de gestion en matière de ressources naturelles et
d'utilisation des terres. Des mécanismes qui ont su préserver
l'équilibre écologique des sites, ainsi que l'interaction entre
l'homme et son environnement. La qualification des sites patrimoniaux de
paysages culturels offre de nouvelles opportunités devant les
gestionnaires de réhabiliter ces modes de gestion et de restaurer
l'équilibre qui a tendance à s'effondre.
La gestion d'un paysage culturel passe forcément par la
participation de la population qui est concernée en premier lieu. C'est
ce qui a marqué justement l'histoire du ksar et le processus de sa
survie dans un environnement aussi fragile.
1 Cf. Paysages culturels : les défis de la
conservation (en anglais seulement), Centre du Patrimoine Mondial, 2003
(p.173). Sur le sujet, voir également Gérard CHOUQUER,
Patrimoine et paysages culturels. Actes du colloque international de
Saint-émilion (30 mai-1er juin 2001). Coll. Renaissance des cités
d'Europe Éditions Confluences, octobre 2001 (synthèse des
interventions diffusée sur Internet).
Les processus de conservation et de gestion des paysages
culturels réunissent des individus soucieux de leur identité et
de leur patrimoine collectif, créant dans un contexte communautaire une
vision partagée de responsabilité, de solidarité et de
gestion commune. C'est le cas, entre autres, des communautés issues du
Ksar Aït Ben Haddou.
L'approche des paysages culturels dans la gestion du site en
question profite largement au ksar et son environnement, dans la mesure
où la population locale aura un regain de confiance de la part des
pouvoirs locaux. Elle doit par conséquent s'impliquer dans tous les
aspects de l'identification, de la planification et de la gestion de ce
lieu.
D'autre part, La formation et le renforcement des
capacités sont des éléments-clés pour une gestion
et un suivi efficaces de ce site. De nouvelles approches de la formation
à la gestion du territoire et des paysages, comme celles de l'ICCROM,
sont recommandées pour les gestionnaires du site du Ksar Aït
Ben Haddou. L'ICCROM met à la disposition des gestionnaires un
programme de formation intitulé ITUC
(Conservation territoriale et urbaine
intégrée), lancé en 1995. L'ITUC est
précisément centré sur l'intégration du patrimoine
culturel dans la gestion durable des établissements urbains et ruraux.
Le volet territorial du programme aborde une large série de sujets, dont
des stratégies pour le développement des paysages vivants, et la
gestion des sites dans les paysages conçus intentionnellement et les
paysages reliques. L'accent est mis sur la gestion durable des valeurs
patrimoniales des paysages dans le contexte de la diversité des cultures
et des pratiques traditionnelles existantes dans le monde.
En novembre 2002, l'ICCROM a commencé un cours de
formation d'un mois destiné à 18 experts internationaux en la
matière, première activité de formation de l'ICCROM
exclusivement consacrée aux paysages culturels. L'ICCROM espère
pouvoir mettre à la disposition de toutes les institutions et agences de
formation les leçons d'aménagement du programme apprises durant
le cours, après expérimentation et
finalisation1.
Le Maroc aura intérêt à intégrer le
programme en question pour en assurer une large diffusion au niveau national,
au sein des gestionnaires des sites ayant des similitudes avec les paysages
culturels conventionnels.
A défaut, il faut envisager le recours aux services du
Centre international pour les paysages culturels qui
propose un programme de formation pour les
1 id., p.177.
gestionnaires de sites de la région arabe, mis en place au
Parc national du Cilento (jumelé au site archéologique de
Volubilis)1.
3.2.2. Gestion de proximité : l'antenne locale
du CERKAS
La création d'une antenne du CERKAS sur le site de
Alt Ben Haddou a pour
objectifs :
- la participation à la réhabilitation du ksar
;
- la mise en valeur culturelle du site ;
- la mise en application des recommandations du Centre du
Patrimoine Mondial ;
- le contrôle de proximité du site ;
- assistance de la population locale à la restauration
des constructions en terre ;
- la sensibilisation du public à l'intérêt
patrimonial du site ;
- une meilleure information des visiteurs.
Cette idée a été évoquée
par un certain nombre d'experts auparavant. Mais le statut foncier des
propriétés a bloqué toute possibilité
d'intervention dans les bâtiments en vue de leur réutilisation. Il
est à rappeler que les dernières enquêtes
réalisées sur le site et les différents contacts avec la
population locale montrent que la plupart des propriétaires refusent
toute sorte de transaction ou même de partenariat.
En 2001, un des habitants s'est montré favorable
à la vente de sa propriété et a proposé une offre
de prix. Un dossier détaillé a déjà
été transmis au Ministère pour étude (plans,
reportage photographique et acte de propriété). A noter qu'une
seule maison a été déjà été vendue
jusqu'ici dans le vieux ksar et concerne un projet de création d'une
coopérative de tissage.
Le projet de création d'une antenne du CERKAS sur le
site du Ksar Alt Ben
Haddou présente à priori, une
volonté de proximité, mais il comporte le risque de disperser
davantage les moyens réduits dont dispose le Centre, à moins que
le personnel du centre soit renforcé par le ministère ( ce qui
lui permet une disponibilité sur le site), ou bien dans une perspective
d'autonomie du CERKAS, il soit en mesure de recruter du personnel ayant le
profil adéquat et l'affecter sur place, ou du moins accueillir des
agents de la commune ou de la société civile désireux de
travailler au service de cette structure.
1 id., p.180.
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