Il est de toute évidence que la réhabilitation
des tissus traditionnels est porteuse
non seulement d'éléments d'amélioration
des structures patrimoniales et du cadre de vie (restauration,
aménagement, équipement, etc.), mais également
d'éléments d'épanouissement de la population à
travers le développement des systèmes productifs locaux en crise
ou en déclin, et d'activités génératrices de
revenus ayant un effet de retour sur la sauvegarde des entités
patrimoniales.
Les premiers secteurs d'activité à
réhabiliter sont bien entendu : l'agriculture et l'artisanat.
Par rapport au premier secteur, il y a plusieurs actions
à entreprendre dont on cite entre autres :
- la protection des terres cultivables qui occupent les
terrasses fluviales par la mise en place de gabions longeant de part et d'autre
les berges. Celle-ci est une mesure à entreprendre d'urgence ;
- la réhabilitation des seguias, et la redynamisation des
systèmes de gestion communautaire des canaux d'irrigation ;
- l'amélioration de la productivité par
l'introduction de techniques appropriées ;
- l'organisation des groupements de producteurs et leur
encadrement technique ;
- le développement de l'arboriculture et l'apiculture.
Il faudrait procéder à l'introduction d'espèces (arbres
fruitiers et autres) pouvant s'acclimater au milieu, et/ou susceptibles de
freiner la désertification. Il serait également judicieux
d'entreprendre des recherches agronomiques dans le but de mettre au point des
cultures adaptées à la salinité et la
sécheresse.
En matière d'élevage, il serait opportun
d'intégrer le programme RBOSM en vue de renforcer la biodiversité
par l'introduction d'espèces adaptées au milieu (la chèvre
laitière notamment). Il y aurait lieu également de :
- améliorer les parcours pastoraux ;
- procéder à la reconstitution du cheptel ;
- le développement de la production
laitière.
Il faut souligner à ce titre qu'il y a un avantage
à tirer du soutien du L'ORMVAO (Office régional de mise
en valeur agricole de Ouarzazate) et des mesures incitatives dans le domaine,
surtout en matière d'exonération fiscale dont
bénéficient jusqu'à maintenant les agriculteurs
marocains.
Quant à l'artisanat, les ksouriens du site
n'ont visiblement pas préservé un savoir-faire varié.
C'est surtout le tissage des tapis qui revient dans les monographies
effectuées sur le site. Il est urgent que les organismes en charge du
secteur (Délégation
du ministère de l'Artisanat et de l'Economie Sociale
et la Chambre de l'Artisanat de Ouarzazate) prennent en charge le
développement de cette activité avec les artisans qui sont
presque exclusivement des femmes. Des mesures d'incitation sont à
entreprendre pour améliorer la production, relancer la promotion, et
développer les structures de corporation.
Le développement de ce secteur d'activité est
tributaire du contrôle de plusieurs facteurs qui entravent son
épanouissement : absence de corporation, absence d'une promotion du
produit de la part des organismes de tutelle, et surtout le non accès
aux services bancaires selon qu'il s'agisse de banques commerciales ou
d'organismes de micro-crédit. L'organisation des artisans en
coopératives dans l'environnement du ksar est une condition pour
bénéficier de l'assistance prévue dans le secteur :
formation, mise en place d'ateliers collectifs de production, financement
à la production, identification des points de vente.
Les artisanes du village pourront toutefois s'inspirer du
modèle de production du tapis de Taznakht ( situé non
loin du site), qui a bénéficié de cette assistance et ce
tapis est commercialisé à l'étranger sous un label
<< qualité >. Le label Ksar Aït Ben Haddou -
Patrimoine Mondial, associé à un label <<
qualité > attribué par les autorités de labellisation
marocaines serait une valeur ajoutée d'un apport précieux et
considérable.
D'autre part, une analyse économique des secteurs
d'activités pourrait faire ressortir celles qui engendreraient des
revenus pour la population qui en est dépourvue ou qui n'en a pas assez
pour assurer son quotidien. L'initiative sera laissée à la
population de s'investir dans les activités qu'elle juge compatible avec
ses aspirations. Il revient aux autorités territoriales et aux acteurs
sociaux d'orienter les choix des habitants vers une dynamique de
durabilité socioéconomique et non vers des secteurs porteurs
à court terme.
Il est fort probable qu'on va assister à un engouement
vers les métiers liés essentiellement au tourisme - et
accessoirement au cinéma- donc au secteur tertiaire. Ceci risque
d'engendrer des effets défavorables au site et particulièrement
au ksar, de développer chez la population un comportement <<
mercantilisé > occasionné par les effets pervers du tourisme,
et de mettre cette population dans une situation d'attente surtout que le
secteur du tourisme est volatile et connaît parfois des fluctuations
liées à plusieurs facteurs : climat, sécurité,
infrastructures défaillantes, réputation altérée,
situation géopolitique défavorable, etc.
Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que le tourisme a
un coût financier (en terme d'investissement public en infrastructures)
et environnemental du à la consommation dommageable
irréversiblement à l'environnement et le patrimoine.
D'autre part, il faut prévoir que le site pourrait
subir le phénomène du Cycle d'épuisement (d'un site),
engendré par la fréquentation excessive des visiteurs
(ceux-ci auraient tendance à chercher d'autres sites touristiques).
D'autant plus que le tourisme (source de création d'emploi et
d'entrées de devises) ne profite pas uniformément à
toute la population, et contribue parfois à creuser les
écarts sociaux1.
Toutefois, l'initiative prise par de jeunes habitants pour
réaliser, à l'intérieur du ksar, un projet de maison
d'hôtes (le premier du genre) et un atelier de peinture traduit une prise
de conscience perceptible chez la jeune génération, ainsi qu'une
dynamique d'ancrage qu'il faudra encadrer pour mieux en maîtriser les
effets.
Il y aura tout un travail à mener en amant et en aval
de ce processus, en matière de stimulation, d'incitation,
d'accompagnement, de suivi et d'intégration sociale et économique
au niveau de la Province (Ouarzazate) et la Région
(Souss-Massa-Draa). Les acteurs locaux sont amenés à
contribuer à une refonte de l'assiette foncière qui - en raison
de sa complexité - bloque toute initiative sérieuse
d'investissement ; l'incitation à l'immatriculation des biens fonciers
aura certainement un grand apport.
Il faudrait par ailleurs que la population soit
impliquée dans ce processus. Plus ses apports en capitaux seront
importants, plus elle se sentira impliquée et plus performante serait sa
contribution. La population sera amenée à développer un
esprit entrepreneurial - et non celui de personnes assistées -
qui s'inscrirait dans le prolongement de l'esprit communautaire. Il ne faut
surtout pas perdre de vue que le développement de cette bourgade doit
être synonyme de sauvegarde des valeurs grâce auxquelles le site a
gagné sa notoriété.
La réhabilitation du site, bien qu'elle soit porteuse
d'une nouvelle dynamique
sociale, économique, culturelle et scientifique, elle
risque par ailleurs - si elle est mal contrôlée - de
déboucher sur une structure bipolaire du site : un village dortoir
(issiwid) et un village actif (le ksar). Néanmoins, elle aura
l'avantage de réanimer l'ancienne structure, sans pour autant
dévitaliser le nouveau noyau qui est apte à accueillir de
nouvelles structures plus adaptées à son environnement (terrain
plat, bordure sur la route, extensibilité). Les initiatives de
développement doivent être destinées non seulement aux
familles qui s'approprient le ksar mais à l'ensemble de la
localité.
En conséquence, quelque soient les démarches
entamées, il faut que cela aient
un effet d'incitation, car les autorités locales ne
peuvent se substituer à la population. Celle-ci est en mesure de mener
ses projets, et de gérer ses affaires. Il revient aux
1 Cf. Partenariat pour les villes du patrimoine mondial :
la culture comme vecteur de développement
urbain durable, in Cahiers du patrimoine mondial
n°9, Ateliers 11-12 novembre 2002 tenus à Pesaro (Italie),
Centre du Patrimoine Mondial-Unesco (p.91).
acteurs institutionnels de structurer les activités
porteuses (à moyen et à long terme), d'en amplifier les effets
sur le développement local, et de faciliter les actions de la population
pour le bon devenir du site.