1.2. L'authenticité
Le critère d'authenticité des biens culturels
semble avoir été défini au départ par
référence à un concept européen, lui-même
évolutif et extrêmement variable selon
les pays qui le mettent en pratique3. Le
plus souvent confondu avec l'originalité : car un bien est reconnu comme
authentique s'il est matériellement original, ce concept paraissait trop
rigide dans la mesure où de nombreux biens sont taxés
d'inauthenticité à cause d'entretiens réguliers, des
restaurations répétitives et des modifications morphologiques
(extension, adjonction d'éléments nouveaux, etc.) qu'ils ont
dû subir
au cours de leur histoire4.
Les contraintes du critère d'authenticité sont
manifestement très pesantes dans
plusieurs régions du monde5
où l'emploi des structures périssables comme le bois, ou
précaires telle la terre ou l'adobe est largement répandu pour
différentes raisons. La conservation de ces structures passe
forcément par une restauration qui, de ce fait,
« altère » le concept strict de
l'authenticité du patrimoine dans ces
régions6.
Dans quelques cas précis, comme celui du Fort Bahla au
Sultanat d'Oman inscrit en 1987, le Comité a considéré que
l'authenticité était liée à un savoir-faire et non
à pérennisation du matériau. Cette décision a
profité à de nombreux sites et pourrait faire jurisprudence dans
le cas d'un grand nombre de structures
1 Sur ce document voir plus loin.
2 ibid.
3 Léon Pressouyre, loc. cit.
4 le critère d'authenticité, au sens
où l'entend la Charte de Venise de 1964, a été
appliqué dans toute sa rigueur lors de l'examen de la cité de
Carcassonne en France (bien ajourné en 1985), mais non dans le cas de la
Ville médiévale de Rhodes, inscrite en 1988. Cf. Léon
Pressouyre, op. cit. p12.
5 Au Japon, les temples les plus anciens sont
périodiquement reconstitués à l'identique,
l'authenticité s'attachant à la fonction essentiellement,
à la forme accessoirement, mais nullement au matériau. Cf.
Léon Pressouyre, loc. cit.
6 La question a été soulevée à
propos des constructions en bois des pays scandinaves, sans que le
remplacement, même massif, de pièces de charpenterie ait
été considéré comme déterminant une perte
d'authenticité. Cf. Léon Pressouyre, op. cit. p.14
traditionnelles caractérisées par l'emploi de la
terre, du bois ou d'autres matériaux d'origine végétale et
dont l'inscription sur la Liste du patrimoine Mondial serait exclue
par un respect strictement littéral du critère
d'authenticité1.
La question de l'authenticité commençait
dès lors à occuper une place prépondérante dans le
discours et la réflexion des professionnels du patrimoine, tant au
niveau de la conservation qu'au niveau de l'inscription sur la liste du
patrimoine mondial.
La diversité du patrimoine et ce qui en
découlent comme méthodes de traitement et de conservation a
conduit à définir des normes variables pour une
conservation authentique2.
Le document de Nara sur l'authenticité (adopté
en 1994 et fondé sur la Charte de Venise de 1964) s'est
proposé d'étudier le sens et l'applicabilité du concept
dans les différentes cultures, et s'est attaché à la
diversité et à la spécificité des biens du
patrimoine, ainsi qu'à la diversité des valeurs qui
leur sont associées3.
Depuis lors, le concept d'authenticité a
évolué et la dernière version des Orientations
considère l'authenticité sous quatre aspects :
1. l'authenticité des matériaux : décrite
parfois comme « la fidélité de l'objet »,
cette notion met l'accent sur la nature de la substance physique du bien.
2. l'authenticité de l'exécution : elle
correspond à la substance et les signes de la technologie
utilisée lors de la construction et des techniques originelles de
traitement des matériaux et structures;
3. l'authenticité de la conception : elle renvoie aux
valeurs qui résident dans les intentions initiales de l'architecte,
l'artiste, l'artisan ou de l'ingénieur ;
4. l'authenticité de l'environnement (la
fidélité du contexte) : dans l'esprit de la Convention du
patrimoine Mondial, l'authenticité de l'environnement souligne
les relations entre le bien culturel et le contexte
physique4.
Pour être inscrit sur la Liste du patrimoine Mondial, le
bien doit conserver son
intégrité au regard de ces quatre facettes de
l'authenticité5.
1 Léon Pressouyre, loc. cit.
2 Jean-louis Luxen, « la dimension
immatérielle des monuments et des sites avec les
références de la liste du patrimoine mondial », in
Authenticité et intégrité dans le contexte africain,
Réunion d'experts, Zimbabwe,2000 (p.20)
3 J. Jokilehto & J. King, « l'authenticité et
l'intégrité», in Authenticité et
intégrité dans le contexte africai , p. 31.
4 Dawson Munjeri, « les notions
d'intégrité et d'authenticité : les modèles
émergents en Afrique, in Authenticité et
intégrité dans le contexte africain, pp.14-15
5 Bernard M.Feilden et Jukka Jukilehto, Guide de gestion
des sites du patrimoine culturel mondial, iccrom, 1996 (p.17).
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