La mission d'expertise effectuée par Jean-Louis
Michon (du 17 au 30 juillet) fut
d'un apport considérable, étant donné que
celle-ci a été menée par un expert qui connaît bien
la région (compte tenu des ses missions antérieures) et
parfaitement le site
(il lui revient le mérite d'inscrire le ksar sur la
liste du patrimoine mondial)1. Il a mené une
opération similaire sur le Fort Bahla au Sultanat d'Oman (inscrit sur la
Liste en 1987 et sur la liste du patrimoine en péril en 1988 et
retiré de cette liste en 2004).
La 24ème session du Comité du
Patrimoine Mondial tenue à Cairns en Australie (29 novembre-2
décembre 2000) avait tenu compte des recommandations de l'expert et
formulé son souhait que le ksar soit inscrit sur la liste du patrimoine
en péril. Et depuis, le Comité ne cesse de réitérer
cette recommandation lors des sessions ultérieures, et envisage
l'inscription d'office sur la liste en question si le Maroc n'assure pas la
sauvegarde de ce site dans les délais impartis.
La position du Maroc est défavorable à cette
initiative, malgré les bénéfices qui pourraient être
tirés de cette mesure, grâce à la mobilisation
internationale des fonds nécessaires et l'assistance technique fournie
par l'UNESCO, conformément aux Orientations (WHC.99/2 ;
Chapitre III/ §§. 80-93).
Depuis 2000, le Maroc maintient sa position alors que la
dégradation du ksar continue et s'accentue, et aucune mesure
sérieuse ou concrète n'a été entreprise.
Il semble que le Maroc craint soit la perte de la
notoriété du ksar et les potentialités touristiques qu'il
détient, soit la remise en cause de son système de gestion de son
patrimoine culturel et notamment les sites proposés pour inscription sur
la Liste du patrimoine mondial (liste indicative).
En fait, cette mesure ne comporte aucun préjudice
moral au Maroc quant à sa gestion de la chose patrimoniale ; au
contraire, elle semble porteuse d'espoir pour le ksar des Aït Ben
Haddou.
Au-delà du soutien financier et l'assistance fournie
par l'Unesco, qui découlent de l'inscription sur la liste du patrimoine
en péril, le ksar attirerait l'attention de la communauté
internationale, et une sensibilisation de grande envergure serait
enclenchée auprès de la population et les pouvoirs publics.
Les annales de l'Unesco témoignent d'une série
d'expériences réussies où, grâce à
l'inscription sur la liste du patrimoine mondial en péril, des sites ont
été sauvés et
1 Architecte, titulaire d'un Doctorat en Etudes
islamiques, ancien conseiller technique principal des projets : «
Préservation des Arts traditionnels » (MOR/71/009) et «
Inventorisation du patrimoine culturel » (MOR 74/005)
réalisées de 1972 à 1977 dans le cadre d'une
coopération PNUD/UNESCO /Ministère des Affaires Culturelles du
Maroc. Consultant du PNUD/Unesco en déc. 1986 pour la création du
CERKAS à Ouarzazate, puis en déc. 1989 et mars 1990 pour le
lancement de premières opérations de sauvegarde des kasbas du
Sud, dont le ksar des Aït Ben Haddou.
préservés à l'image de la vieille
Ville de Dubrovnik en Croatie (la perle de l'Adriatique)
et les
Mines de sel de Wieliszka en Pologne entre
autres1. Plusieurs sites sont systématiquement
retirés de cette liste après que les facteurs de
dégradation soient
neutralisés, et les gestionnaires aient fait preuve de
bonne gestion2.
Le Maroc est entrain de manquer l'occasion de préserver
le site du Ksar Aït
Ben Haddou qui risque, faute d'une telle
mobilisation et d'une politique sérieuse, de perdre les valeurs pour
lesquelles il a été classé patrimoine mondial, et de se
faire retirer de la Liste de l'Unesco.