Procédures collectives et voies d'exécution( Télécharger le fichier original )par Guy Jules KOUNGA Université de Yaoundé II - DEA en Droit des Affaires 2003 |
Paragraphe 2 : L'application de la mesure au préjudice du créancierLa législation OHADA, tendue vers la recherche du redressement de l'entreprise et faisant passer au second plan l'intérêt des créanciers, il était logique qu'elle réduise sensiblement les droits individuels des créanciers (A). Mais tous les créanciers du débiteur ne sont pas concernés par le blocage des voies d'exécution (B). A- Les créanciers soumis à la suspension des voies d'exécution Les articles 9 al.2 et 75 al. 1er de l'acte uniforme sur les voies d'exécution suspendent ou interdisent toute voie d'exécution de la part des créanciers antérieurs au jugement d'ouverture. Désormais, la procédure assure l'organisation des poursuites. Le « gel » qu'engendrent ces articles ne peut être nié et est donc patent. Postérieurement au jugement d'ouverture, les voies d'exécution sont suspendues, car la procédure fige le passif. Le jugement d'ouverture «arrête ou interdit toute voie d'exécution de la part de ces créanciers (les créanciers antérieurs) tant sur les meubles que sur les immeubles », dispose les articles 9 al. 2 et 75 al. 1er de l'Acte uniforme précité. En effet, la procédure entraîne une saisie collective des créanciers70. Corrélativement, elle fige l'élément passif du patrimoine du débiteur. Mais surtout, la procédure collective nie les voies d'exécution ; voire les détruit purement et simplement. C'est ainsi que les dispositions de l'acte uniforme précité suspendent ou interdisent les poursuites individuelles des créanciers antérieurs. Cependant, la procédure collective " ne supprime pas les poursuites des créanciers ; elle les canalise dans un moule unique et collectif "71. Les créanciers sont désormais placés sur un pied d'égalité et ils devront même être replacés sur ce pied d'égalité si un créancier, pressentant des difficultés financières, avait agi après la cessation des paiements72. Les procédures collectives organisent un règlement collectif des dettes de l'entreprise en difficulté et imposent, pour un certain temps, l'arrêt des poursuites individuelles et interdit les paiements volontaires des créanciers antérieurs. Ces atteintes aux droits des créanciers sont nécessaires pour que soit mis en place le processus de désintéressement collectif. Seules les voies d'exécution exercées par des créanciers antérieurs au jugement sont arrêtées ; les créanciers postérieurs n'auront pas à subir la suspension des poursuites individuelles ; ils disposent des voies d'exécution de droit commun73. 70 Sur cette notion ; voir LE CANNU et ALII, Droit des Entreprises en difficulté, ed GLN Joly, 1994, cité par David DEFRANCE, Procédure collective et voies d'exécution, mémoire de D.E.A, Université de LIILE II, 1997- 1998 in www2.univ-lille2.fr. 71 Voir Le Cannu, Pitron, Sénéchal ; Droit des entreprises en difficulté, édition GLN Joly, 1994, n°1163. 72 Cf POLLAND - DULIAN, Le principe d'égalité dans les procédures collectives, JCP ed G 1998, I, 138, n°6 et n°12, cité par David DAFRANCE, op. cit. 73 Elles sont appelées voies d'exécution de droit commun par opposition aux procédures collectives qui sont des voies d'exécution spéciales. V. infra. B- Les créanciers non soumis à la suspension des voies d'exécution Il est question ici d'envisager les créanciers antérieurs qui ne sont pas concernés par la décision de la suspension et surtout les créanciers postérieurs au jugement d'ouverture encore appelés créanciers de la masse ou créanciers contre la masse74. D'abord, en ce qui concerne les créanciers antérieurs et extérieurs à la mesure, on retrouve implicitement les créanciers de salaires dont les poursuites ne sont pas suspendues et surtout les créanciers qui n'ont pas été désignés par le débiteur dans le règlement préventif. Les créanciers postérieurs n'auront pas à subir la suspension des poursuites individuelles ; ils disposent des voies d'exécution de droit commun. Toutefois, ce droit de poursuite individuelle n'est reconnu qu'aux créanciers dont la créance est née régulièrement après le jugement d'ouverture. La date de naissance de la créance constitue alors le critère permettant de déterminer si le créancier est soumis aux interdictions des articles 9 al. 2 et 75 al. 1er de l'acte uniforme sur les procédures collectives ou non. Les choses sont donc parfaitement claires et simples. Le paiement préférentiel de certains créanciers, en dehors du processus de désintéressement, s'explique par la volonté affichée de maintenir l'emploi et l'activité. Mais quelle serait l'utilité de la reconnaissance d'un droit sans sanction ? Les créanciers, qui assurent le maintien de l'activité, bénéficient de la faculté d'exercer des voies d'exécution afin d'assurer une sanction et une garantie de leur paiement à l'échéance75. Ainsi, les créanciers postérieurs (c'est à dire ceux dont la créance est née postérieurement au jugement d'ouverture) échappent au principe de l'interdiction des paiements énoncés par les articles 9 et 75 de l'AUPCAP. Le créancier postérieur est traditionnellement présenté comme bénéficiant d'une situation particulièrement avantageuse 74 V. supra. 75 V. infra. au sein de la procédure collective. Cette situation crée un privilège de procédure au profit des créanciers postérieurs, qui se manifeste de deux façons. Tout d'abord, ce créancier a un droit au paiement à l'échéance ; ensuite, s'il n'obtient pas ce paiement à l'échéance, il participera aux répartitions dans le cadre collectif, mais à un rang préférentiel. Le créancier postérieur, non réglé à l'échéance, bénéficie d'un droit de priorité par rapport aux créanciers antérieurs. Comme on le constate, il y a d'un côté des débiteurs et créanciers concernés par le blocage des voies d'exécution et de l'autre des débiteurs et créanciers dont la mesure ne les atteint pas. Par conséquent ceux-ci ne sont pas concernés par le caractère d'ordre public de la mesure. |
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