CHAPITRE 2 : CHAMP D'APPLICATION DU BLOCAGE DES VOIES
D'EXECUTION
Les articles 9 al. 2 et 75 al. 1er de l'Acte
uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du
passif énoncent clairement que l'ouverture d'une procédure
collective (règlement préventif, redressement judiciaire et
liquidation des biens) contre un débiteur entraîne l'interdiction
ou la suspension des voies d'exécution ainsi que les mesures
conservatoires. Pour apurer le passif du débiteur, ces dispositions
décident que la décision d'ouverture d'une procédure
collective empêche l'exercice de toute voie d'exécution. Cette
suspension ou cette interdiction ne concerne que certaines personnes
précises (Section 1). L'absence de voies de recours contre cette mesure
consacre à cet empêchement un caractère d'ordre public donc
aucune juridiction ne peut ignorer (section 2).
Section 1 : Champ d'application quant aux personnes
La décision de suspension ou d'interdiction des voies
d'exécution est une règle classique dans les procédures de
règlement du passif. Elle a pour but d'organiser collectivement ces
procédures. La mesure s'applique en faveur du débiteur
(Paragraphe 1) au profit collectif des créanciers et leur est
individuellement préjudiciable (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'application de la mesure au
bénéfice du débiteur
Il convient de déterminer le débiteur
concerné par la mesure (A) car alors il faudra le distinguer de celui
qui est extérieur à la suspension des voies d'exécution
(B).
A- Le débiteur concerné par la
mesure
Les personnes au bénéfice desquelles s'applique
le blocage des voies d'exécution sont les débiteurs auxquels
s'appliquent les mesures prises par l'ouverture d'une procédure
collective. C'est le lieu de souligner que contrairement à l'opinion
émise par certains auteurs notamment le Professeur
SAWADOGO62, le règlement préventif doit être
considéré comme une procédure collective comme le
redressement judiciaire et la liquidation des biens. Cette proposition est
vraie pour au moins trois raisons : d'abord, la loi le considère
expressément comme une procédure collective (art. 1er
AUPCAP) ; ensuite, comme les autres procédures, le
règlement préventif est une procédure
judiciaire63 ; enfin, les créanciers concernés par
cette procédure sont aussi traités
collectivement64.
Après cette clarification, il faut noter que les
procédures collectives sont destinées à soigner les
difficultés des personnes mentionnées à l'article 2 de
l'AUPCAP qui se trouvent dans la situation visée par le même
article. Ces personnes peuvent être : toute personne physique ou morale
commerçante, toute personne morale de droit privé non
commerçante ainsi que toute entreprise publique ayant la forme d'une
personne morale de droit privé65. Les personnes non
éligibles à la procédure collective qui ne peuvent pas
payer leurs dettes sont en état de déconfiture, laquelle se
caractérise par une inorganisation ; le paiement sera le prix de la
course. Cette désignation des personnes pouvant faire l'objet d'une
procédure collective et par voie de conséquence d'une suspension
des voies d'exécution permet de les regrouper en deux grandes
catégories à savoir les personnes physiques et les personnes
morales.
62 Cet auteur pense que le règlement
préventif ne doit pas être considéré comme une
procédure collective dans la mesure oh il intervient avant la cessation
des paiements, et est ouverte à l 'initiative exclusive du
débiteur. V. SA WADOGO (F., M.), op. cit. n°3.
63 Contrairement au règlement amiable de la loi
française n°84-148 du 1er mars 1984 relative à la
prévention et au règlement amiable des difficultés des
entreprises auquel l 'auteur semble comparer.
64 V. supra.
65 Relativement au droit comparé, il faut dire qu 'en
France, la procédure collective est applicable même aux
agriculteurs et aux artisans.
Dans la catégorie des personnes physiques, on peut
citer les commerçants et les dirigeants des personnes morales. Ces
derniers ne peuvent être condamnés que dans des cas précis
: il en est par exemple en cas d'action en comblement du passif.
En ce qui concerne les personnes morales, l'OHADA fait une
grande innovation dans cette catégorie66. A côté
des personnes morales commerçantes traditionnellement admises, on ajoute
désormais toute personne morale de droit privé et toute personne
publique ayant la forme d'une personne morale de droit
privé67. Pour les personnes morales de droit privé les
sociétés commerciales en particulier, la lecture des textes
permet de déduire qu'une société fictive puisse faire
l'objet d'une procédure collective68.
Seules ces personnes soumises à la procédure
collective verront les voies d'exécution dirigées contre eux se
suspendre. Autrement dit, leurs propres débiteurs n'y sont pas
concernés.
B- Le débiteur extérieur à la
mesure
Dans quelle mesure peut-on envisager un débiteur qui
ressent les effets de l'ouverture d'une procédure collective alors que
les voies d'exécution diligentées contre lui ne sont pas
arrêtées ? La suspension peut-elle ne pas bénéficier
à certains débiteurs ? La question mérite d'être
posée car lorsque l'ouverture de la procédure collective
entraîne le dessaisissement du débiteur69, il reviendra
au syndic qui le représente (dans la liquidation des biens) de recouvrer
ses créances envers ses propres débiteurs.
66 Avant l 'entrée en vigueur de l 'OHADA, seules les
personnes morales commerçantes pouvaient subir une telle
procédure au regard des dispositions du Code de commerce de 1808 qui
était applicable dans la plupart des Etats membres de l'OHADA. V.
Philippe TIGER, les procédures collectives après cessation des
paiements : P.A., OHADA, Numéro spéciale, 13 oct. 2004, PP. 35 et
s.
67 Pour l'application de la procédure collective aux
personnes publiques, V. Venant TCHOKOMAKOUA, La réforme du cadre
juridique des entreprises du secteur public et parapublic : J.P. n°26,
Yaoundé, P. U.A, 1996, PP. 97 et s.
68 V. P. G. POUGOUE et Y. KALIEU, op. cit. n°
26.
69 V. supra.
On en déduit que les débiteurs du
débiteur soumis à la procédure collective,
précisément les personnes tenues envers lui, avec lui ou pour lui
sont extérieurs à la suspension des voies d'exécution. Il
en est ainsi, de ses propres débiteurs, de ses codébiteurs
solidaires, de ses codébiteurs tenus in solidum, de ses cautions.
Cet ensemble de personnes ne bénéficient pas des
effets positifs de la suspension des voies d'exécution. Celles-ci
pourront être exercées envers eux toutes les fois que les
conditions d'exercice sont remplies. Il ne sera autrement que si
eux-mêmes se trouvent dans les situations similaires à celle du
débiteur c'est-à-dire, soit dans une situation financière
et économique difficile mais non irrémédiablement
compromise, soit en état de cessation des paiements. Dans de pareils
cas, leurs propres créanciers subiront eux aussi les préjudices
de la suspension des poursuites.
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