Procédures collectives et voies d'exécution( Télécharger le fichier original )par Guy Jules KOUNGA Université de Yaoundé II - DEA en Droit des Affaires 2003 |
CHAPITRE 2 : LA SUPPLEANCE DES VOIES D'EXECUTION PAR LES PROCEDURES COLLECTIVESL'effet perturbateur qu'exerce l'ouverture d'une procédure collective sur les voies d'exécution n'est pas sans remède. En effet si les procédures collectives neutralisent ou paralysent les voies d'exécution, c'est parce qu'elles s'analysent en une voie d'exécution collective (Section 1). Comme les voies d'exécution, elles ont pour finalité la recherche de l'intérêt des créanciers. Mais pendant que les voies d'exécution les traitent individuellement, les procédures collectives les considèrent collectivement. Il y a plus, la procédure collective sanctionne également le débiteur saisi en le protégeant pareillement. Elle se présente sous cet angle comme une voie d'exécution spécifique (Section 2). Section 1 : La procédure collective, voie d'exécution collectiveIl a été dit plus haut132que l'interdiction d'exercice des voies d'exécution par l'ouverture d'une procédure collective était justifiée par le fait qu'elle entraînait le dessaisissement du débiteur et l'indisponibilité de ses biens133. Ce sont là certains traits qui caractérisent les voies d'exécution et que nous ne reprendront pas dans ce chapitre. Il faut plutôt noter que, comme les voies d'exécution, la procédure collective est une mesure forcée de désintéressement car elle contribue au paiement des créanciers (Paragraphe 1). Elle a aussi pour finalité la recherche de l'intérêt des créanciers pris collectivement (Paragraphe 2). 132 Cf. Première partie, chapitre 1, section 1. 133 Ibid. Paragraphe 1 : Traits communs quant aux finalités des procédures collectives et des voies d'exécutionA côté du redressement de l'entreprise du débiteur134 qui caractérise les procédures collectives, elles s'occupent aussi du paiement des créanciers (A) comme les voies d'exécution et est par conséquent une mesure forcée de désintéressement (B). A- Paiement des créanciers A côté de la recherche de l'intérêt du débiteur, la procédure collective s'occupe du paiement des créanciers même si ce paiement n'est pas toujours prioritaire. En privilégiant le terme apurement dès le titre de l'Acte uniforme sur les procédures collectives, le législateur OHADA a entendu souligner qu'il se préoccupait tout autant sinon plus de l'extinction du passif que de son règlement. Le paiement des créances demeure cependant l'un des modes d'extinction du passif utilisé par l'Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif. Mais il s'effectuera selon les modalités qui sacrifient les droits des créanciers à la sauvegarde de l'entreprise sans méconnaître le principe d'un traitement égalitaire de ces créanciers compte tenu de la catégorie à laquelle ils appartiennent135. Avant le paiement proprement dit des créanciers on passe d'abord par la détermination du passif. Cette détermination du passif se réalise par la production et la vérification des créances136. 134 V. infra. 135 V. Yves GUYON et Jean DERRUPE, Entreprises en difficulté - redressement judiciaire (phase de traitement - les créanciers), Rép. Com. Dalloz, septembre 1996, n° 630. 136 V. supra. En ce qui concerne les modalités de paiements des créanciers, il faut relever qu'en vue de favoriser le redressement de l'entreprise, un traitement privilégié a été réservé aux créanciers postérieurs à l'ouverture de la procédure137. Les créanciers liés à la poursuite de l'entreprise sont payés à leur échéance, sinon ils bénéficient d'un paiement prioritaire. Sous réserve du cas des créanciers rétenteurs, le règlement des créanciers antérieurs ne peut avoir lieu qu'après la solution du redressement judiciaire et ses modalités varient selon le choix retenu : continuation de l'entreprise, cession de l'entreprise et liquidation des biens. Pendant l'assemblée concordataire, des propositions de règlement du passif sont élaborées. Elles contiennent habituellement des délais et des remises. Ces délais et remises qui constituent des restrictions au paiement des créanciers aboutissent au paiement en fonction du délai ou de la remise accordé par chacun. Pour les créanciers qui ont refusés tous délais et remises, le tribunal impose des délais et remises uniformes de paiements. Par cette réaction, le législateur a eu le souci d'établir un traitement égalitaire des créanciers. La mesure concerne toutes les catégories des créanciers, chirographaires ou titulaires de sûretés, dont la créance est antérieure au jugement de redressement judiciaire ; tous devront subir le moratoire décidé et être payés à l'issue de ces échéances. Tout paiement avant l'échéance est sévèrement sanctionné. A l'inverse, le défaut de paiement aux échéances prévues par le concordat de redressement permet aux créanciers de recourir aux voies d'exécution s'ils disposent d'un titre exécutoire ou après en avoir obtenu un ; c'est aussi une cause de résolution du concordat. Le paiement des créanciers en cas de cession de l'entreprise s'analyse selon qu'elle est partielle ou totale. En cas de cession partielle, d'actifs, liée au plan de continuation, le prix est versé à l'entreprise. Le règlement des créanciers s'effectue donc sans changement selon les modalités d'apurement arrêtées par le concordat de redressement. En cas de cession totale, le 137 C'est ce qui justifie par ailleurs l'admission de leurs voies d'exécution dans les procédures collectives. règlement des créanciers est immédiat. Il sera effectué avec le prix de cession et le prix de vente des autres éléments du patrimoine non compris dans la cession de l'entreprise138. En cas de liquidation des biens, le paiement des créanciers devient la seule finalité de la procédure. Les déchéances du terme facilitent le règlement global. Qu'il ait reçu un paiement complet ou partiel, le créancier perd en principe ses droits à l'égard du débiteur dès lors qu'il n'y a plus d'actif à répartir. Le créancier serait alors totalement ou partiellement payé selon qu'il y a suffisamment d'actif ou pas. Ce paiement qui ne satisfait pas toujours le créancier est une mesure de désintéressement forcé commune à la procédure collective et aux voies d'exécution. B- Mesures forcées de désintéressement La procédure collective se conçoit comme une mesure forcée de désintéressement dans la mesure où le paiement des créanciers n'émane pas de la volonté du débiteur dont l'entreprise connaît des difficultés. L'application contemporaine de cette mesure forcée de désintéressement a une origine historique. La faillite139 trouve son origine dans les statuts des villes italiennes, à la fin du XVe siècle, notamment à Gênes, Florence et Venise. Ces procédures avaient essentiellement un caractère pénal. Elles étaient limitées aux commerçants. Ceux-ci bénéficiaient de nombreux avantages en matière de crédit. S'ils en abusaient, c'est-à-dire s'ils ne pouvaient pas payer leurs créanciers à l'échéance, le droit les traitait comme des délinquants. Celui qui avait failli à ses engagements était présumé être un fraudeur (faillitus, ergo fraudator). Il pouvait donc être emprisonné. Ces sanctions déjà sévères étaient aggravées lorsque les faillis avaient 138 Yves GUYON et Jean DERRUPE, op. cit. n° 734. 139 C'est sous cette appellation qu 'on désignait la procédure de concours. commis des malhonnêtetés caractérisées140. On brisait solennellement leur banc à l'assemblée des marchands, d'où l'expression encore en vigueur de banqueroute (« banca rotta »). En même temps on liquidait leurs biens en suivant une procédure respectueuse de l'égalité des créanciers et aboutissant si possible au vote d'un concordat. Même si le caractère pénal de la procédure collective a sensiblement diminué, il n'en demeure pas moins qu'elle demeure une mesure forcée de désintéressement par son ouverture et par sa gestion. Comme dans les voies d'exécution, dans les procédures collectives après cessation des paiements, le créancier qui trouve le recouvrement de sa créance menacé peut déclencher la procédure collective. Cette initiative du créancier doit aboutir normalement à la prise des mesures forcées pour favoriser le paiement collectif des créanciers. C'est ainsi que par exemple dans la liquidation des biens, la loi uniforme donne le pouvoir au syndic de gérer les biens du débiteur. Le syndic pourra prendre des mesures forcées afin de pouvoir apurer le passif. Dans l'action en comblement du passif, l'article 185 AUPCAP énonce que La juridiction compétente peut enjoindre aux dirigeants à la charge desquels a été mis tout ou partie du passif de la personne morale de céder leurs actions ou parts sociales de celle-ci ou ordonner leur cession forcée par les soins du syndic, au besoin après expertise. On peut aussi citer l'exemple de la vente sur saisie immobilière qui est une mesure forcée pour désintéresser les créanciers. Ces mesures forcées de désintéressement convergent inévitablement à la recherche de l'intérêt du créancier. 140 V. Yves GUYON, Entreprise en difficulté (Avant-propos), Répertoire commercial Dalloz, mars 1996, n° 9. |
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