Procédures collectives et voies d'exécution( Télécharger le fichier original )par Guy Jules KOUNGA Université de Yaoundé II - DEA en Droit des Affaires 2003 |
Paragraphe 2 : Une saisie immobilière déformée par la procédure collectiveLa saisie immobilière de l'article 150 de l'Acte uniforme sur les procédures collectives n'obéit pas au même régime que le droit commun124. La procédure ne s'ouvre pas par un commandement aux fins de saisie immobilière mais par une décision du juge commissaire (A) ; le prix n'est pas réparti comme en droit commun, par le juge des saisies immobilières, mais par le syndic (B). A- La nécessité de l'ordonnance du juge commissaire. Contrairement au droit commun, la notification d'un commandement n'est pas nécessaire ; l'article 150 de la l'acte uniforme impose l'intervention du juge commissaire. L'ordonnance du juge commissaire sera publiée à la conservation foncière. Elle se substitue 124 Ici, il s 'agit des dispositions de l 'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution. au commandement comme le prévoit l'article 152 alinéa 1 de l'acte. Dès lors, comme en droit commun, l'ordonnance emporte indisponibilité du ou des immeubles visés par celle-ci. L'immeuble saisi ne pourra donc plus faire l'objet d'aliénation. Cependant, la saisie immobilière se trouve déformée en l'absence de commandement. La vente faite sans l'autorisation du juge commissaire est nulle 125 car la compétence d'attribution du juge commissaire est d'ordre public. De même, toute saisie immobilière engagée sans l'intervention du juge commissaire est nulle. Le principe a été rappelé par un arrêt de la chambre commerciale du 19 mars 1991 à propos d'une saisie engagée par un créancier hypothécaire ayant recouvré son droit de poursuite126. En l'espèce, le cahier des charges fixant les conditions de la vente avait été déposé sans l'intervention du juge commissaire, ce qui enlevait toute validité à la procédure de saisie immobilière. Dès lors, la procédure engagée par le créancier était irrégulière et la radiation du commandement était justifiée car le créancier reprenant les poursuites doit préalablement demander l'autorisation du juge commissaire. Cet arrêt résout implicitement le point de savoir quelle procédure doit suivre le créancier hypothécaire. Le créancier qui reprend les poursuites, est soumis au même régime que le syndic, il devra donc présenter par une requête au juge commissaire. On constate alors que la procédure a été considérablement accélérée et simplifiée. C'est ce même esprit de rapidité qui préside dans les dispositions relatives au prix. 125 Com 28 mars 1995, cité par SOINNE B , n° 2412. 126 Com 19 mars 1991, D 1991, JP 360, note Honorat. B - La répartition du prix par le syndic En droit commun, l'ordre est fixé par un magistrat spécialisé127 du Tribunal de grande instance. L'article 150 alinéa 6 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif dispose que « le syndic répartit le produit des ventes et règle l 'ordre entre les créanciers ». Dès la publication de la vente, le syndic requiert du conservateur foncier, l'état des inscriptions. Puis il dressera l'état de collocation, au vu de ces inscriptions, des créances admises et des créances des créanciers postérieurs. L'état de collocation est ensuite déposé au greffe du tribunal de la procédure qui le fera publier. S'il ne s'élève aucune contestation, le syndic procédera à la clôture de l'ordre par le dépôt d'un procès verbal de clôture d'ordre au greffe du tribunal de la procédure. Les contestations éventuelles devront être formées dans un délai de 30 jours à compter de la publication. Les contestations devront être dénoncées, à peine d'irrecevabilité, aux créanciers inscrits et au syndic. Elles seront tranchées par le tribunal de la procédure. Dans les 8 jours suivant le règlement définitif des contestations, le syndic règle définitivement l'ordre entre les créanciers par le procès verbal de clôture d'ordre. Il fera procéder enfin à la radiation des inscriptions en saisissant le juge aux ordres128 par voie de requête. Ces dispositions relatives à l'ordre s'appliquent à l'exclusion de toutes autres nous indique une jurisprudence constante de la cour de cassation. En droit commun, un décret de 1852 prévoit un mécanisme d'avance sur collocation au profit du Crédit Foncier lors de l'adjudication d'un immeuble grevé à son profit d'une hypothèque. A ce titre, le crédit foncier demandait au notaire lors de la cession amiable ou à l'adjudicataire lors d'une vente à la barre du tribunal de lui remettre les fonds sur le fondement de ce texte. Par trois arrêts successifs du 127 Ce magistrat est le président de la juridiction compétente ou le magistrat délégué par lui, art. 326 A UPSRVE. 128 Il s 'agit ici du juge de l 'art.326 A UPSR VE. 9 juin 1992129, 19 octobre 1993130 et 28 juin 1994131 ; la chambre commerciale de la cour de cassation affirme « l 'inapplicabilité » de ce mécanisme en cas de procédure collective sur le fondement des dispositions de l'AUPCAP qui prévoient que le prix d'adjudication doit être versé au compte ouvert à la caisse des dépôts et consignation. L'admission directe des voies d'exécution dans les procédures collectives est soit fonction des créanciers qui les exercent, soit fonction de la nature même de ces voies d'exécution. En fonction des créanciers qui les exercent, les voies d'exécution peuvent collaborer avec les procédures collectives pour le recouvrement des créances postérieures et des créances non suspendues par la décision d'ouverture des procédures collectives. En fonction de la nature des voies d'exécution, l'admission des voies d'exécution accompagne l'efficacité de certaines voies d'exécution. Au-delà de ces considérations, l'exercice des voies d'exécution dans les procédures collectives peut se justifier par la réalisation de l'actif de l'entreprise. A côté de cette admission directe, il existe une admission indirecte qui se justifie par le fait que les procédures collectives sont des voies d'exécution collective. 129 Cass. Com. 9 juin 1992, D. 1992, JP 388, note Honorat. 130 Cass. Com. 19 Octobre 1993, D. 1994, som. com. 179, obs. Honorat. 131 Cass, Com, 28 juin 1994, D ; 1994, JP 477, note Honorat. |
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