Procédures collectives et voies d'exécution( Télécharger le fichier original )par Guy Jules KOUNGA Université de Yaoundé II - DEA en Droit des Affaires 2003 |
Paragraphe 2 : Le caractère d'ordre public de la suspension des voies d'exécutionLa paralysie des voies d'exécution par l'ouverture d'une procédure collective telle qu'énoncée par les articles 9 et 75 de l'acte uniforme sur les procédures collectives est une mesure d'ordre public aussi bien sur le plan interne qu'international (A). Toute contravention à cette mesure doit faire l'objet d'une sanction (B). A- La suspension des voies d'exécution, une mesure d'ordre public La suspension des voies d'exécution est une mesure d'ordre public aussi bien sur le plan interne (1) qu'international (2). 1- L'ordre public interne La décision de suspension des poursuites individuelles qui inclut la suspension des voies d'exécution ne peut faire l'objet d'aucune voie de recours. Cette absence de voies de recours explique le caractère d'ordre public de la suspension et est justifiée par le fait qu'il s'agit d'une mesure temporaire et urgente88. Le principe de l'arrêt des voies d'exécution qui est un principe d'ordre public est confirmé par la jurisprudence89. Il ne s'applique selon les articles 9 al. 2 et 75 al.1 qu'aux créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture90. Ces textes 88 V. P. G. POUGOUE et Y. KALIEU, op. cit. n° 54. 89 Cass. Com. 6 décembre 1994, Quot. Jur. 12 janvier 1995, p. 4. 90 Cass. Com. 28 février 1995, Bull. Civ. IV, n°59. utilisent donc le clivage reposant sur le caractère antérieur ou postérieur de la créance afin de déterminer son régime91 Le caractère d'ordre public de la suspension doit être respecté par toutes les juridictions de l'Etat dans lequel est ouverte une procédure collective. Cet ordre public s'applique différemment dans un cadre international. 2- L'ordre public international Avant de parler de la suspension des voies d'exécution comme une mesure d'ordre public international, il importe au préalable de définir ce qu'on entend par procédure collective internationale. Au regard de la diversité des systèmes juridiques en présence sur le plan international, il faut considérer comme relevant des procédures collectives internationales les faillites et autres insolvabilités internationales pouvant conduire au redressement ou à la liquidation de l'entreprise et comportant un certain redressement du débiteur au profit d'un syndic ou d'un organe équivalent dès lors que le débiteur n'est plus en mesure de payer ses dettes92. Toutefois il y a lieu de souligner qu'il n'y a de procédure collective internationale que si les activités ou les biens du débiteur se localisent dans au moins deux Etats différents. Sans vouloir verser dans la controverse doctrinale sur l'unité ou la pluralité des procédures collectives internationales93, il importe de se consacrer sur la position de l'OHADA. D'abord, l'OHADA légifère sur les effets à l'étranger d'une procédure ouverte dans un Etat. Aux termes de l'article 247 AUPCAP, les décisions d'ouverture et de clôture des 91 Marie Hélène MONSERIE, Entreprises en difficulté-Redressement judiciaire (Période d'observation), Rep. Com. Dalloz, Mars 1997. 92 F. M. SAWADOGO, op. cit. n°387. 93 Pour le développement de ces théories, V. SA WADOGO précité, n° 389 et s. procédures collectives ainsi que celles relatives aux contestations acquièrent l'autorité de la chose jugée dans les autres Etats parties. Cette disposition laisse logiquement penser que la décision qui arrête les voies d'exécution produit ses effets dans tous les Etats membres de l'OHADA. Ensuite, l'OHADA émet l'hypothèse d'ouverture de plusieurs procédures collectives. Nonobstant le principe de l'unité de procédure, il est possible que plusieurs procédures collectives soient ouvertes contre un même débiteur lorsque par exemple celui-ci a des établissements situés dans des territoires différents. A ce propos, l'article 251 AUPCAP dispose que la procédure ouverte sur le territoire où le débiteur a son principal établissement est appelée « procédure principale » et que celle ouverte sur le territoire où le débiteur n'a pas son principal établissement est appelée « procédure secondaire ». Les créanciers pourront dans ce cas produire dans toutes les procédures. En conséquence, leurs voies d'exécution seront suspendues ou interdites dans toutes ces procédures. Il convient de relever que le caractère d'ordre public international de la suspension ne s'étend que dans les Etats membres de l'OHADA, ce qui laisse un doute sur les voies d'exécution menées en dehors de ce cadre. Lesdites voies d'exécution seront alors à l'abri des sanctions de l'Acte uniforme sur les procédures collectives. B- La sanction de la violation de la suspension La suspension ou l'interdiction des voies d'exécution par la décision d'ouverture d'une procédure collective d'apurement du passif est une mesure d'ordre public dont la violation entraîne une sanction. Cette sanction est principalement l'inopposabilité à la masse des créanciers (1). Le juge appelé à se prononcer doit prononcer la mainlevée des voies d'exécution ou la discontinuité (2). 1- La nature de la sanction : l'inopposabilité et la nullité La procédure collective ne se contente pas de figer le passif, de bloquer l'exercice des voies d'exécution. Parfois, elle les terrasse, notamment par le jeu des inopposabilités de la période suspecte ou les nullités des voies d'exécutions exercées postérieurement à la décision d'ouverture. Il s'agit pour les inopposabilités d'éviter qu'un créancier ne se taille «la part du lion», au moyen d'une voie d'exécution pratiquée antérieurement à la procédure ; pour les nullités qu'aucune mesure d'exécution ne soit prise au mépris de la décision de suspension des poursuites individuelles. 2- Les effets de la sanction La sanction du mépris de la suspension entraîne soit la main levée de la saisie (a), soit la discontinuité de celle-ci (b). a- La mainlevée de la saisie En vertu de la règle saisie sur saisie ne vaut, le débiteur soumis à une procédure collective ne devrait plus faire l'objet d'une voie d'exécution. Etant dessaisi de ses biens qui sont rendus indisponibles, tout créancier qui exercerait une saisie sur ces biens fera l'objet d'une poursuite. Cette poursuite doit aboutir à la mainlevée de la saisie. Cette mainlevée qui n'est pas règlementée par l'Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif doit se faire selon les règles de droit commun ; c'est-à-dire selon les dispositions de l'Acte uniforme sur les voies d'exécution. Il est alors logique que la mainlevée ressortisse de la compétence du juge de l'exécution. C'est d'ailleurs lui qui s'est déclaré compétent pour prononcer la discontinuation des poursuites. b- La discontinuité de la poursuite La discontinuation des poursuites en parlant des voies d'exécution n'est qu'une application raffinée de la mainlevée. C'est du moins ce que l'on peut déduire du jugement rendu par le Tribunal du Travail Hors Classe de Dakar en date du 4 mars 2003 dans l'espèce Moustapha KEBE contre Papa Samba KAMA et 149 autres94. Dans son raisonnement, le juge pour ordonner la discontinuation des poursuites déclare « Qu 'il s'y ajoute au demeurant, qu 'il n 'est pas contesté que ladite société est en liquidation judiciaire ; Qu 'or, aux termes de l 'article 75 de l 'Acte Uniforme sur le redressement et la liquidation judiciaire, « la décision d 'ouverture suspend ou interdit toutes les poursuites individuelles... >>. >>. Comme on peut le comprendre la décision de discontinuation des poursuites n'est qu'une autre façade de la demande de mainlevée sur les saisies pratiquées. 94 V. supra. |
|