1.1.3.3 Les SIG comme constructions sociales, culturelles
et politiques
Après avoir envisagé les SIG à travers
leurs caractéristiques techniques et méthodologiques, nous allons
maintenant nous intéresser à d'autres dimensions. Une des
premières définitions intégrant une dimension
extra-technique et extra-organisationnelle est celle de N. Chrisman ; pour lui
« rien n'est moins objectif que l'information géographique »
24 . Celle-ci est toujours construite à l'intérieur de relations
institutionnelles, sociales et culturelles. Et de tout temps, la
création de l'information géographique a été
déterminée autant par des moyens techniques que par des
règles économiques et sociales d'une société.
Dans un premier temps, nous pouvons aborder les SIG par une
entrée économique. De ce point de vue, M.
Didier25 distingue l'information géographique qui est un bien
public (SCAN25®, orthophotos, etc.), des produits d'information (cartes,
atlas, guides) qui sont des biens privés On peut véritablement
parler d'une économie globale de l'activité géomatique qui
contribue à modeler le développement et les usages des
techniques. La géomatique est devenue une industrie productrice non
seulement de données mais aussi d'instruments, de logiciels, de services
et d'expertises.
24 CHRISMAN N., 1994, GIS as social practice, National
Center for Geographic Information and Analysis
25 DIDIER, 1990, Utilité et valeur de l'information
géographique, Economica, 255p.
Les SIG relèvent aussi d'une analyse politique.
L'information géographique est depuis toujours un instrument
important du pouvoir politique. Pour une bonne part, les technologies de la
géomatique sont issues du domaine militaire, comme les GPS. En France le
groupe Thalès est un acteur important de la géomatique
industrielle. On voit bien l'intérêt de l'information
géographique pour les politiques avec le développement du
programme de positionnement par satellite Galilélo qui permettra une
indépendance vis à vis des Etats-Unis et de leur système
GPS.
De la dimension politique nous glissons vers la
dimension sociale. Nous abordons ici des questions de
perception et d'appropriation de ces outils que nous développerons plus
tard. On peut néanmoins introduire quelques idées comme celle de
l'égalité d'accès à l'information
géographique au même titre que l'accès au TIC. On peut
aussi mentionner l'utilisation des TIG dans la surveillance sociale et la
surveillance du territoire en général.
Afin d'illustrer les diverses considérations d'une
information géographique dans un SIG, nous allons prendre l'exemple de
l'intégration d'une base d'orthophotographies dans le SIG d'une
collectivité territoriale. Le cas des orthophotos est intéressant
car elles offrent un nouveau regard sur le territoire, un regard plus
précis. En découlent de nouvelles applications comme la mise en
place de contrôles fiscaux pour les piscines, les terrasses ou encore les
fenêtres de toit, avec en écho des questions d'éthique, de
libertés individuelles, comme le montre ce tableau.
TECHNIQUE
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Format de fichier, fonctionnement
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ORGANISATIONNEL
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Justificatif par apport au projet
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ECONOMIQUE
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Le calcul de l'amortissement (ce que cela va coûter et ce
que cela peut rapporter)
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CULTUREL
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La question culturelle française, la
légitimité de la délation de délits comme la
construction de piscines, la pose de fenêtres de toit
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POLITIQUE
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La place du géomaticien dans la société, son
rôle
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SOCIAL
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Les critiques qui dénoncent la volonté de
contrôle social et la question de l'accès à l'information
pour les citoyens
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Tableau 2: Les différents registres
qui entrent en jeu dans la mise en place d'une base
d'orthophotos26
26 D'après les travaux de T. JOLIVEAU
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