Communication politique et communication électorale sur l'Internet( Télécharger le fichier original )par Marjorie Pontoise Université Panthéon Assas Paris II - Master 2 Recherche Droit de la communication 2007 |
d. La réservation des noms de domaine, le risque de l'abus patronymiqueLe problème de la réservation et de l'utilisation abusives de noms de domaine, autour des dénominations utilisées par les candidats à l'élection présidentielle, se rencontre à chaque campagne. Les registres de noms de domaine deviennent des lieux de lutte des communicants en mal de reconnaissance sur le web, mais les motifs exacts sont parfois tout autres. Pour le FDI, les motivations des dépositaires des noms de domaine sont multiples : polémique électorale, soutien et anticipation, expression personnelle, humour, recherche du profit. Le phénomène de réservation des noms de domaine est connu depuis 2002 par les candidats, mais les pratiques actuelles n'ont guère changé depuis : les réservations largement anticipées sont le fait de personnes qui souhaitent intervenir dans la campagne, soit au soutien, soit en opposition au programme des candidats. La plupart des partis confirment l'existence de ces pratiques, tout en reconnaissant que le phénomène de la réservation de noms de domaine liés aux slogans ou aux noms des hommes et femmes politiques se concentre surtout sur ceux dont la notoriété est la plus grande, les candidats bénéficiant d'une notoriété moindre ne suscitant que peu de réservations. « Le phénomène semble « ennuyeux » mais pas nécessairement stratégique »109(*) pour les partis. Ce sont les combinaisons nom2007.extension, le .fr et le .eu qui ont eu les plus grands succès, du fait de l'ouverture au grand public en 2006 de la faculté de réservation. La permanence du phénomène est consécutive à l'impossibilité matérielle de réserver toutes les variations autour d'un nom de candidat. A ce jour, il a été jugé dans la décision « francois-bayrou.fr »110(*), que l'utilisation, pour tirer profit par la revente, d'un nom de domaine reproduisant les prénoms et nom d'un homme politique était « constitutive d'un trouble manifeste et que Monsieur Bayrou avait droit au respect de sa personnalité» : François Bayrou, rappelle dans cette affaire qu'il est député des Pyrénées-Atlantiques et président du parti politique UDF, et fait valoir qu'il a droit, à titre personnel, au respect de son prénom et de son patronyme. Il ai fait référence aux dispositions de l'article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle, qui prévoit expressément que le droit à la personnalité, notamment un nom patronymique, un pseudonyme ou une image, est susceptible de constituer un droit antérieur à une marque. On peut observer que l'AFNIC111(*) a modifié récemment sa charte de « nommage » applicable au 11 mai 2004 afin de permettre l'enregistrement, sans formalisme ni justificatif de noms de domaine en « .fr », alors que jusqu'alors il n'était possible d'obtenir un nom de domaine que sous la double condition que le demandeur à l'enregistrement, personne morale, dispose de droits sur le nom de domaine dont il demande l'enregistrement en en justifiant par communication par exemple d'un extrait dit « Kbis » ou de l'enregistrement d'une marque. Désormais, toute personne physique ou morale pouvant déposer des noms de domaine en « .fr » sans aucun justificatif ; dans notre espèce Stéphane H. avait enregistré le 20 mai 2004 le nom de domaine « francois-bayrou.fr », et proposait par l'intermédiaire d'une société sa vente contre versement de la somme de 10 000 €. Il avait été jugé qu' «il n'est pas contestable que François Bayrou a droit au respect des attributs de sa personnalité, et en particulier de ses prénom et patronyme ; qu'au demeurant, Stéphane H. ne pouvait ignorer qu'il lui appartenait en vertu de l'article 19 de la charte de l'Afnic de s'assurer que le terme utilisé pour nom de domaine ne portait pas atteinte aux droits de François Bayrou à ses nom et prénom ; qu'enfin, il apparaît évident que le comportement de celui-ci n'est inspiré que par l'intention de tirer profit de la notoriété attachée au nom de ce personnage public ». Au vu de cet arrêt, le FDI recommande aux formations politiques et aux candidats de procéder au dépôt des noms patronymiques des candidats et des slogans qui seront utilisés dans la perspective des élections à venir. Celui-ci recommande aussi aux formations politiques et aux candidats d'assurer une veille sur les utilisations manifestement abusives des noms de famille ou de leurs signes distinctifs dont l'utilisation par des tiers pourrait prêter à confusion et induire en erreur le public sur l'identité du responsable d'un service de communication au public en ligne. La réservation d'un nom de domaine par un tiers peut relever des usages suivants :
Les responsables des campagnes politiques sur l'Internet partagent l'idée que la campagne en ligne doit conserver son caractère éthique et qu'il convient de garantir la clarté du débat. Cette clarté suppose que les internautes puissent identifier le caractère officiel d'un site et qu'aucune confusion sur l'identité de l'éditeur du site ne puisse être entretenue dans l'esprit des internautes. L'AFNIC, quant à elle, même si elle peut demander certaines vérifications aux bureaux d'enregistrement, ne dispose pas d'un pouvoir de police sur le .fr permettant un contrôle a posteriori au delà de la vérification d'éligibilité. Dès lors, des formes d'action nouvelles doivent être recherchées afin d'anticiper toute difficulté à naître relevant des cas décrits. « L'une des pistes envisageables pour faciliter la lecture du débat politique par les internautes pourrait être la création d'un domaine de second niveau au .fr. Le domaine, à l'instar des .gouv.fr ou .com.fr pourrait prendre la forme d'un « .election.fr ». Ce sous domaine, créé sur décision des pouvoirs publics, serait géré techniquement par l'AFNIC et soumis à une charte de nommage spéciale, notamment quant aux conditions d'éligibilité ». Ainsi, les candidats aux élections politiques seraient, sur ce sous domaine, les seuls à pouvoir être présents sous leurs noms, dénominations ou slogans de campagne au sein de cet espace réservé. Le principal obstacle à ce niveau concerne la notion de candidat et spécialement l'exigence d'une déclaration de candidature préalablement enregistrée, qui n'existe pas nécessairement. Cette solution permet d'écarter une partie des risques de cybersquatting112(*)ou typosquatting113(*) et apporte un bénéfice certain dans la mesure où, comme pour les URL recourant au .gouv.fr, les sites ainsi identifiés sont nécessairement les sites officiels des candidats. Ceux-ci pourront par ailleurs préférer conserver un site avec domaine .fr, .eu, .org, .info ou autre et effectuer un lien vers ces sites depuis l'URL utilisant le sous domaine. Une telle solution est cependant limitée, elle ne fait que déporter en partie le problème qui se maintiendra dans les autres domaines. En revanche, le FDI va plus loin, il propose que : « les formations politiques puissent être appelées à se prononcer publiquement dans une déclaration d'intention pour préserver la qualité du débat démocratique sur le web. Cette déclaration pourrait s'inscrire au sein d'une charte. Par cet engagement commun, les responsables des formations, au travers de leurs organes de communication (sites ou publications), adresseraient un message aux militants ou aux sympathisants les invitant à ne pas prendre d'initiatives pouvant porter atteinte à la qualité du débat et spécialement en se livrant à des réservations de noms de domaine incluant le nom de famille d'un opposant lorsque la seule lecture de ce nom de domaine conduit à une confusion sur l'objet des pages et à n'utiliser ces noms de domaine que pour des fins légitimes de critique ou de polémique et non de détournement ou de cybersquatting ». Les formations, lorsqu'une situation litigieuse leur est notifiée par le responsable d'une formation adverse, exerceraient réciproquement une fonction de médiation auprès des réservataires des noms de domaine ou éditeurs des sites litigieux. Cette procédure réciproque n'a vocation à intervenir que lorsque les noms de domaine ou sites sont manifestement destinés à soutenir le candidat de la formation appelée à être médiateur. Il n'apparaît pas à l'évidence qu'une solution unique puisse parer aux réservations et utilisations illégitimes de noms de domaine durant la campagne présidentielle en ligne. * 109 www.cyber-strategie.com/strategies/ndm.html * 110 Tribunal de grande Instance de paris, ordonnance de référé du 12 juillet 2004, François Bayrou c/Stéphane H. * 111 Association à but non lucratif, l'Association Française pour le Nommage Internet en Coopération est le gestionnaire (aussi appelé registre ou registry) de la base de données des noms de domaine géographiques .fr (France) et .re (Île de la Réunion). L'AFNIC n'est pas un bureau de vente de noms de domaine mais un centre de gestion et d'information neutre : www.afnic.fr * 112 Définition : « technique de parasitisme consistant à enregistrer un nom de domaine afin de détourner le trafic destiné à une marque possédant une forte notoriété. Le cybersquatting consiste à déposer, en contrevenant délibérément au droit de la marque, le nom de domaine correspondant au nom d'une entreprise ou de l'une de ses marques, afin de profiter du trafic qui se crée spontanément dessus. Il peut être pratiqué à priori (avant que la société ait pensé à déposer elle-même son nom de domaine) ou a posteriori (dans le cas où la société oublie de le renouveler. Selon la jurisprudence, le cybersquatting tombe sur le coup du droit de la propriété intellectuelle et du droit des sociétés (concurrence déloyale, parasitisme) ». http://www.dicodunet.com/definitions/noms-de-domaine/cybersquattage.htm. Cette même définition est transposable au cybersquattig de nom de domaine politique, l'acte de parasitisme ou de confusion restant identique. * 113 Définition : « technique de parasitisme consistant à enregistrer un nom de domaine très similaire à un existant, mais qui comporte une faute d'orthographe. Le typosquatting, est une forme de cybersquatting se fondant principalement sur des erreurs typographiques des utilisateurs du web ; Concrètement, il s'agit d'acheter tous les domaines dont l'orthographe est proche de celle d'un domaine connu afin que l'utilisateur faisant une faute d'orthographe involontaire, soit dirigé vers le site du typosquatteur. Pour le typosquateur, il s'agit de choisir un domaine très connu, et si possible dont le thème est proche de celui de son site ». http://www.journaldunet.com/rubrique/gouvernance/gouvernance030312.shtml et http://www.dicodunet.com/definitions/noms-de-domaine/typosquatting.htm |
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