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Communication politique et communication électorale sur l'Internet

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par Marjorie Pontoise
Université Panthéon Assas Paris II - Master 2 Recherche Droit de la communication 2007
  

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e. Le « e-mailing » ou la prospection électronique au service du politique

La prospection politique peut se définir comme le fait d'adresser un message à caractère politique à une personne qui ne l'a pas demandée. Sur Internet, cette prospection se fait généralement par courrier électronique, et poursuit diverses finalités : communication, invitation à une réunion, adhésion à un parti. Divers partis ou hommes politiques ont déjà utilisé ce type de communication en ligne. En septembre 2005, l'UMP avait procédé à une telle prospection, en adressant plus de 300 000 courriers électroniques114(*) (sur les deux millions programmés). En prévision de l'élection présidentielle de 2007, le président de l'UMP, Nicolas Sarkozy, invitait les internautes à rejoindre son parti, sous la formule : « Nicolas Sarkozy a besoin de vous. Il vous veut à ses cotés pour participer à l'oeuvre de redressement et [...] préparer les élections législatives et présidentielles de 2007 », ce message était accompagné de la signature manuscrite du candidat, de sa photo, et d'un lien sur un « OUI » renvoyant à la page d'inscription sur le site de l'UMP pour suivre les débats à venir. L'objectif de la campagne étant d'attirer 10 000 nouveaux adhérents, comme l'a déclaré Yves Jego, secrétaire national du parti, « le but est d'amener la modernité dans la vie politique. C'est un peu le tract du vingt-et-unième siècle ». Une centaine d'internautes s'était alors plaint auprès de la CNIL d'avoir reçu ces courriers sans avoir préalablement donné leur consentement à la réception de tels messages115(*). Pourtant selon les responsables du parti, « quand quelqu'un se promène sur un marché avec des tracts, on peut prendre ou refuser le tract. Sur Internet, c'est pareil : le mail, vous l'ouvrez ou vous ne l'ouvrez pas ».

La CNIL avait examiné la conformité de cette prospection, selon elle, le mailing de l'UMP n'était pas a priori illicite : les adresses ayant été collectées légalement avec l'accord préalable des personnes par les deux prestataires techniques, Maximiles et Impactnet. La loi de 1978 dite « Informatique et Liberté »116(*), n'interdit pas en effet la prospection politique, mais le fait d'utiliser, sans le consentement des personnes intéressées, des données relatives à leurs opinions politiques (article 8 de la loi de 1978117(*)). Ce qui, en cas de prospection politique, n'a pas lieu, puisque la prospection vise justement à forger l'opinion des personnes destinataires des messages, sans connaissance de leurs opinions initiales. Par ailleurs, la licéité de la prospection politique ressort d'une interprétation a contrario de la LCEN, laquelle interdit uniquement la prospection commerciale, et non la prospection politique, ou toutes autres formes de prospection : religieuse, informative, sportive. La prospection politique par courrier électronique implique l'utilisation automatisée de données nominatives : les adresses de courriers électroniques.

Par conséquent, la question de l'e-mailing politique a donné lieu à l'expression de nombreuses interrogations. Cette question s'avère être l'une des plus débattues, en raison de son impact sur des libertés fondamentales. La possibilité de s'adresser aux personnes par courriel118(*) s'apparente pour plusieurs formations politiques à l'exercice même de la liberté d'expression et de communication. Les tenants d'une grande liberté de recours à cette technique, c'est à dire hors consentement spécifique des destinataires, font valoir que cette sollicitation politique est une forme noble de communication et contribue à l'implication des citoyens dans la vie politique. Il apparaît donc paradoxal de stigmatiser ce qui peut s'avérer être un moyen efficace de rapprocher les citoyens de la vie publique de laquelle ils semblent se désintéresser. À l'opposé, certains estiment que la liberté d'expression se heurte à un principe tout aussi fondamental, celui du respect de la vie privée. Les techniques de prospection par e-mail sont en effet jugées particulièrement intrusives, ce qui justifierait que la personne sollicitée ait par avance consentie à être sollicitée dans un cadre de prospection politique. Les candidats ou les éditeurs de sites qui souhaitent participer à la vie politique sont alors invités à prendre connaissance des délibérations et informations diffusées par la CNIL, notamment la recommandation du 3 novembre 1996119(*) qui concerne la communication l'utilisation des courriels à des fins de prospection politique. Plus récemment la CNIL a décidé d'adopter (le 05 octobre 2006) une recommandation120(*), après consultation des partis politiques, sur la protection des données personnelles lors d'opérations de prospection politique. Certains fichiers ne peuvent en aucun cas être utilisés à des fins de prospection politique, tel est le cas des fichiers de gestion et de paie des personnels, des fichiers des administrations ou des collectivités locales (registres d'état civil, fichiers de taxes et redevances, fichiers d'aide sociale, etc.)121(*). La liste électorale, elle, peut être communiquée à quiconque pour une utilisation de prospection politique. Il est précisé qu'aucune disposition de la loi n'interdit à un parti ou un candidat d'utiliser les mêmes moyens de prospection que ceux utilisés en matière commerciale, par exemple, la location de fichiers auprès de sociétés spécialisées. Néanmoins, la sensibilité particulière des opérations de prospection politique impose une information claire et transparente des personnes sur les conditions d'utilisation de leurs données. Ainsi, lors de la collecte de leurs données :

? « les personnes doivent avoir été averties de la possible utilisation de leurs données à des fins de prospection politique et mises en mesure de s'opposer à la transmission de leurs données à des tiers » ;

? « la prospection politique opérée par courrier électronique ne peut concerner que des personnes qui y ont consenti » : sur ce point, la CNIL aligne le régime protecteur que la loi prévoit en matière commerciale à la prospection politique.

Ainsi, les citoyens ne recevront des e-mails politiques que s'ils ont donné au préalable leur accord, procédure connue sous l'anglicisme d'opt-in122(*) ; ce qui implique une contrainte nouvelle pour les gestionnaires de bases de données commerciales : re-contacter, individuellement, toutes les personnes qui y figurent pour les informer que, désormais, leurs coordonnées sont susceptibles d'être utilisées à des fins politiques et en leur donnant la possibilité de refuser. Seuls les internautes qui s'y opposeront ne recevront pas d'e-mails de partis. Cette information est nécessaire du fait que la vocation de ces bases de données n'incluait pas, à l'origine, la politique.

Ensuite, le message expédié devra mentionner qui en est à l'origine, de quelle base provient l'adresse e-mail utilisée et surtout, indiquer que les acteurs politiques eux-mêmes ne possèdent pas lesdites adresses123(*). Ceci est un point essentiel pour la Cnil : « un candidat ne peut pas posséder et constituer lui-même un fichier, pour qu'il ne puisse pas savoir qui s'oppose à y figurer, ce qui reviendrait à faire un fichier d'opposants », insiste Alex Türk124(*), « seul le prestataire de la campagne doit gérer les fichiers ». En revanche, un parti ou un candidat a toute liberté de se servir des adresses e-mails laissées volontairement par des visiteurs sur son site Web.

Une autre obligation apparaît : la déclaration à la CNIL : lorsqu'un acteur politique voudra lancer une campagne d'e-mailing à partir de fichiers commerciaux, il devra le faire savoir à la Commission. Mais il s'agira d'une déclaration de principe125(*), qui sera faite une fois pour toutes. En revanche, même s'il passe par des prestataires, le parti ou la personnalité politique sera responsable de l'opération, en tant que donneur d'ordre. En cas de manquement, il pourra faire l'objet d'une information en contentieux et de sanctions (un pouvoir que la Cnil s'est vu accorder récemment). Enfin, la CNIL préconise aux partis et élus de ne pas utiliser des moyens de prospection qui sont jugés particulièrement intrusifs par les personnes démarchées, tels que les automates d'appel ou les télécopieurs, ou qui ne permettent pas de délivrer une information complète (les SMS sont limités à 160 caractères).

A titre indicatif, la recommandation de la CNIL du 05 octobre 2006 ne concerne pas uniquement l'organisation d'opérations de prospection politique mais aussi les conditions dans lesquelles les partis gèrent leurs propres fichiers d'adhérents, de militants et d'internautes. Ainsi, les personnes doivent être informées de leurs droits (droit d'accès, de rectification et d'opposition) qui doivent pouvoir s'exercer facilement et dans des délais courts. La Commission rappelle les règles de confidentialité qui doivent être mises en oeuvre dans la gestion de ces fichiers : accès limité réservé aux seuls responsables du parti, contrôle des accès individuels aux données et mise en place de mesures de sécurité lors de la transmission du fichier.

Nous avons pu voir au travers de tous ces dispositifs de communication en ligne, une large place est laissée à la liberté d'expression et d'opinions politiques, libertés fondamentales, telles que définis à l'article 11 de la DDHC. Cependant nous savons que toute liberté à des limites et que les abus doivent être sanctionnés. L'émergence d'une communication politique en ligne n'échappe pas à cette règle légale. Nous allons voir dans quelles mesures la législation électorale et de droit commun s'applique à la communication au public en ligne dans le cadre d'une utilisation politique de celle-ci.

* 114 Christophe Guillemin, «La campagne Internet de Sarkozy vire au vinaigre », ZDNet, le 04 octobre 2005

* 115 En réaction à ce spam massif (3 millions d'internautes visés) un collectif, « les Pastamen », et l' « Agence_Konflict_SysTM », ont ouvert un site, leur slogan : « tu nous spam, on te hack ! »

* 116 Loi n° 78-17 du 06 Janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés

* 117 Article 8 (loi 1978) : « Il est interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l'appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci. II. - Dans la mesure où la finalité du traitement l'exige pour certaines catégories de données, ne sont pas soumis à l'interdiction prévue au I :

1° Les traitements pour lesquels la personne concernée a donné son consentement exprès, sauf dans le cas où la loi prévoit que l'interdiction visée au I ne peut être levée par le consentement de la personne concernée ;
2° Les traitements nécessaires à la sauvegarde de la vie humaine, mais auxquels la personne concernée ne peut donner son consentement par suite d'une incapacité juridique ou d'une impossibilité matérielle ;
3° Les traitements mis en oeuvre par une association ou tout autre organisme à but non lucratif et à caractère religieux, philosophique, politique ou syndical :

- pour les seules données mentionnées au I correspondant à l'objet de ladite association ou dudit organisme ;

- sous réserve qu'ils ne concernent que les membres de cette association ou de cet organisme et, le cas échéant, les personnes qui entretiennent avec celui-ci des contacts réguliers dans le cadre de son activité ;

- et qu'ils ne portent que sur des données non communiquées à des tiers, à moins que les personnes concernées n'y consentent expressément ;

4° Les traitements portant sur des données à caractère personnel rendues publiques par la personne concernée ;5° Les traitements nécessaires à la constatation, à l'exercice ou à la défense d'un droit en justice ;

6° Les traitements nécessaires aux fins de la médecine préventive, des diagnostics médicaux, de l'administration de soins ou de traitements, ou de la gestion de services de santé et mis en oeuvre par un membre d'une profession de santé, ou par une autre personne à laquelle s'impose en raison de ses fonctions l'obligation de secret professionnel prévue par l'article 226-13 du code pénal ;

7° Les traitements statistiques réalisés par l'Institut national de la statistique et des études économiques ou l'un des services statistiques ministériels dans le respect de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, après avis du Conseil national de l'information statistique et dans les conditions prévues à l'article 25 de la présente loi ;

8° Les traitements nécessaires à la recherche dans le domaine de la santé selon les modalités prévues au chapitre IX ». ( http://www.cnil.fr/index.php?id=301#Article8)

* 118 Le courrier électronique ou courriel ou mél (ou e-mail -- c'est-à-dire electronic mail en anglais) désigne le service de transfert de messages envoyés par un système de messagerie électronique via un réseau informatique (aujourd'hui Internet) vers la boîte aux lettres électronique d'un destinataire choisi par l'émetteur. « Service de correspondance qui permet l'échange de messages électroniques à travers un réseau informatique. » Le courriel, contraction des mots courrier et électronique, désigne également le message échangé par ce moyen selon la terminologie officielle en langue française[] : http://fr.wikipedia.org/wiki/Courrier_%C3%A9lectronique

* 119 Délibération n° 96-105 du 3 décembre 1996 portant recommandation relative à l'utilisation de fichiers à des fins politiques au regard de la loi du 6 janvier 1978 : http://www.cnil.fr/index.php?id=1368 et plus récemment voir la publication d'un guide pratique sur « L'utilisation des fichiers dans le cadre de l'activité politique en ligne » : http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/La_CNIL/publications/CNIL_Politique.pdf

* 120 « Prospection politique : c'est plus net », Recommandation du 05 octobre 2006 :

http://www.cnil.fr/index.php?id=2132&news[uid]=391&cHash=1cca7d85ed, (voir aussi à ce sujet : JO du 18 novembre 2006, n°267, p.17361 à 17363).

* 121 « Recommandation de la Cnil sur la prospection politique », La Semaine Juridique Administrations et collectivités territoriales, n°46, 13 novembre 2006, act.929. Voir aussi Dépêches jurisclasseur, 20 octobre 2006, 1133 (Libertés publique set droits de l'Homme - Informatique).

* 122 Définition de Wikipédia pour l'Opt In : une adresse courriel « Opt In » signifie que l'utilisateur de cette adresse a eu préalablement un accord, de la part du propriétaire de l'adresse, pour l'utilisation de cette adresse dans un cadre précis. L'accord pouvant être donné par validation écrite ou électronique. Une adresse dite « double opt in » est une adresse opt in pour laquelle le contrôle de l'accord a été effectué à deux niveaux : généralement par accord électronique (en cochant une case) puis par l'envoi d'un courrier électronique à l'adresse courriel indiquée. Cette adresse courriel n'est qualifiée comme double opt in uniquement lorsque le réceptionnaire a cliqué sur un lien contenu dans le courrier électronique. Ce procédé permet d'être sûr que la personne qui a fourni le courriel est le réel propriétaire de l'adresse, ce qui n'est pas le cas dans une adresse simple Opt In ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Opt_in).

* 123 Ainsi, la CNIL recommande que le message reçu précise : « l'origine du ou des fichiers utilisés ; le fait que le parti ou l'élu ne dispose pas de l'adresse utilisée mais a eu recours à un prestataire extérieur ; le moyen dont la personne dispose pour s'opposer à la réception de tels messages : cas à cocher, lien de désinscription, etc ».

* 124 Alex Türk : président de la CNIL et sénateur du Nord ( http://www.senat.fr/senfic/turk_alex92044u.html)

* 125 Les partis, élus ou candidats peuvent facilement déclarer à la CNIL leurs fichiers utilisés à des fins de communication politique. La CNIL a actualisé en ce sens le texte de la norme simplifiée n° 34 (Délibération n° 2006-229 du 5 octobre 2006 portant adoption d'une norme simplifiée relative aux traitements automatisés de données à caractère personnel mis en oeuvre par les partis ou groupements à caractère politique, les élus ou les candidats à des fonctions électives à des fins de communication - norme simplifiée numéro 34)

: http://www.cnil.fr/index.php?id=1239

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius