3.
L'INTERACTIVITÉ : nouvelle alternative de la communication
politique en ligne
En
investissant le Web, les partis tentent de revaloriser leur image et cherchent
à capter un public qui tendait à leur échapper. L'Internet
leur ouvre de nouvelles voies de communication et revitalise un débat
politique souvent verrouillé ou formaté. L'Internet se propage en
même temps que se produit une mutation du militantisme, mieux encore,
l'Internet accompagne et soutient ce changement. Il y a peu de temps encore,
les équipes dédiées aux sites de partis adoptaient la
technique du « show-room » pour mettre en ligne
des produits de communication qui existaient déjà. De leur
côté, sans consignes particulières, les militants et
sympathisants inondaient la toile de messages politiques spontanés. A
partir du moment où l'Internet est devenu un objet de mobilisation
politique, au tournant des années 2000, les partis ont voulu
contrôler l'expression et investir l'espace pour l'occuper. Aujourd'hui,
ce n'est plus le militant qui s'exprime directement, c'est le parti qui lui
demande d'observer blogs et forums, et c'est le parti (toute proportion
gardée) qui codifie l'utilisation du message.
L'e-militantisme
a ainsi pris forme28(*) : tout est fait pour que le site partisan casse
avec l'image que l'on prête habituellement au parti politique, le
modèle suivi est celui du média en ligne structuré par une
charte graphique précise. On reprend la même présentation
d'un article, la même police de caractères, on établit une
hiérarchie de l'information et des barres de navigation interactive, le
tout pour que l'internaute ne fasse pas de différence entre les deux
types de services. Or, sur un site politique, ce n'est pas la recherche de
l'information qui est privilégiée mais plutôt la recherche
de la communication : les sites des grands partis sont en train de sortir
de leur phase d'appropriation des outils. Après l'amateurisme, nous
sommes dans une phase de professionnalisation, les militants sont
utilisés pour les discours idéologiques, mais en ce qui concerne
le positionnement marketing, des services externalisés sont mis en
place. D'ailleurs, les sites de partis, garants de la démocratie,
proposent peu de forums sur leur page d'accueil, le débat
démocratique est ouvert, mais pas en ligne.
Officiellement
les partis affirment qu'ils laissent une liberté quasi totale à
leurs militants en ligne : « nous avons une
communauté de blogueurs, qui s'organisent entre eux en sous-groupes ; ce
n'est pas le QG qui dirige tout. Contrairement à ce que l'on entend
beaucoup, la Netcampagne de l'UMP n'est pas très
centralisée », explique Thierry Solère,
responsable de la campagne en ligne de l'UMP. Nous retrouvons la même
politique au PS : « nous essayons d'intervenir dans les
débats de la manière la moins intrusive possible, et nous avons
signé la charte néthique. Si nous demandons à nos
militants de s'organiser par thèmes, c'est justement pour qu'ils
puissent intervenir de manière argumentée dans les débats,
pas pour qu'ils fassent des copier-coller. Je crois beaucoup à
l'efficacité du travail souterrain, à l'implication des militants
des micro-communautés thématiques », explique
Benoît Thieulin, du PS. Cette stratégie est aussi une façon
pour les partis de se démarquer d'actions qui ne sont pas toujours bien
perçues par les internautes.
Sur
le fond, les directions de partis utilisent l'Internet pour dynamiser les
troupes : « formation, recrutement et échanges sont
les maîtres mots ». La formation s'effectue par les
idées mais aussi par la livraison clés en main d'un site
partisan, où la direction garde un contrôle sur la charte
graphique, la ligne politique et l'usage des produits. Ce réseau
organisé est le socle du e-militantisme, en effet les
revendication, et la participation ont donné lieu à
l'émergence de nouvelles formes d'affrontements politiques mais surtout
à de nouvelles plate-formes en ligne comme le site e-soutiens
de l'UDF ou le site des e-supporters de Sarkozy29(*) ou encore à de nouveaux
outils très innovants comme la coopérative militante du PS. Comme
l'a constaté Stéphane Dreyfus pour « La
Croix », le nombre de militants en ligne n'a cessé d'augmenter
depuis le début de la campagne pour aboutir aujourd'hui à des
dizaines de milliers de nouveaux militants mobilisés en ligne et
mobilisables sur le terrain. Une véritable interdépendance des
médias traditionnels et de l'Internet a permis de faire émerger
une partie jusque là peu exposée : les
phénomènes observés sur l'Internet n'auraient eu que peu
d'impact si les grands médias traditionnels n'avaient pas trouvé
en eux une manière de renouveler leur angle de traitement de la
campagne. Les médias, de crainte de passer à côté
d'un nouveau phénomène ont suivi la net-campagne au microscope,
amplifiant considérablement les événements, les opinions
« blogosphériques » et les actions en ligne.
Cette net-campagne de 2007 aura nécessairement
un impact à long terme sur les usages et les attentes des citoyens
connectés, en matière d'interactivité, de
réactivité et de participation ; en outre, l'utilisation de
l'Internet par les candidats à des fins de communication politique devra
se faire dans le respect des règles du droit commun de la communication,
à ce titre, nous allons voir quels services de communication en ligne
sont privilégiés.
* 28 Avec un Français
sur deux devenu internaute depuis décembre 2005, selon une étude
Médiamétrie rendue publique lundi 13 mars 2007, le travail des
e-militants ne peut que se développer.
* 29 Le site des supporters
de Nicolas Sarkozy :
http://www.supportersdesarkozy.com/
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