b.
« Fracture numérique, fracture communicationnelle, fracture
civique »
Internet se développe, c'est un fait : son taux de
pénétration dans les foyers s'approche, lentement mais
sûrement, de celui de la télévision. Certains y voient un
progrès pour la démocratie. La toile oblige en effet les
gouvernements à plus de transparence, elle propose un nouvel espace pour
le débat public, elle permet d'accéder sans se déplacer
à toutes sortes de documents, ou encore de trouver des réponses
à ses questions sans passer par un intermédiaire.
« Mais la consultation des sites politiques reste marginale. En
France, à peine 1 % des électeurs l'ont fait avant les
dernières présidentielles. Aux États-Unis, pays plus
équipé, ils sont 10 à 12 % »,
tempère Thierry Vedel. La navigation demande un minimum de
compétences informatiques, et du temps ; Seules les personnes
intéressées par la politique font donc l'effort de se renseigner
activement. Nous pouvons constater qu'une technologie ne change pas une
réalité sociale, le profil de l'internaute politique est celui
d'un homme, jeune, intégré et urbanisé. Une large plage de
la population reste dans l'ombre de l'information politique
dématérialisée : Gaidz Minasssian parle alors de
« fracture numérique, fracture sociale et fracture
civique ».
Face à cette fracture numérique, le FDI a voulu
connaître les objectifs de chaque candidat à l'élection
présidentielle en constituant un dossier « Quel projet
présidentiel pour l'Internet ? » ; il en
ressort que la fracture numérique reste une priorité commune aux
formations politiques. Cette fracture est d'abord appréhendée
dans sa composante « accès » : les
réponses proposées par les différents candidats
diffèrent sur ce point. Le PCF propose ainsi une politique de service
public de l'accès à l'Internet pour tous, couplée à
une volonté de parvenir à un taux d'équipement pour tous
les ménages de 75% d'ici 2008 (cet équipement étant
entendu comme « abordable », c'est à dire moins de
500€). L'UMP, lui, propose que le marché et la concurrence soient
les facteurs de la réduction du coût de l'offre d'accès
mais insiste sur la nécessité d'aboutir à un taux
d'équipement domestique permettant l'accès à 80% des
foyers en 2010. Quant au PS, il apparaît qu'une offre d'accès
« triple play » pour un coût modique doit
répondre à sa dimension spéciale de la fracture et offrir
l'opportunité aux ménages les plus modestes ne pas rester en
dehors de cette économie numérique. Enfin plusieurs formations
entendent favoriser l'utilisation des points d'accès publics pour
mailler le territoire. Il ressort de cette consultation des réponses
assez consensuelles, se recoupant mais présentant néanmoins des
différences de traitement en fonction des cultures politiques. Entre le
service public de l'accès universel et le libre jeu de la concurrence,
toute une palette de propositions est formulée pour répondre aux
contraintes économiques ou sociales liées à
l'accès.
Mais une fois la question de l'accès
réglé, il s'avère qu'un autre problème
surgit : celui de la fonctionnalité et du bon usage des outils
disponibles sur l'Internet. En effet, bien qu'Internet permette une formidable
vivacité de la démocratie et de la mobilisation partisane des
citoyens, il n'est pas forcément très facile de débattre
au sein de cette agora citoyenne numérique, de participer ou de
collaborer en ligne : les forums manquent de lisibilité en
général (sauf ceux des candidats ou ceux des sites officiel), et
nous retrouvons souvent une surreprésentation des mêmes acteurs,
qui se déplacent de forum en forum. Selon Philippe Aigrain, qui
participe à un observatoire des débats publics en ligne
(débatpublic.net), les forums institutionnels se multiplient, notamment
depuis le renforcement en 2002 de la Commission nationale du débat
public, qui met en oeuvre une obligation de consultation. Il est ressorti de
l'analyse, sur un échantillon, que sur les 40 000 contributions,
certains internautes avaient posté jusqu'à 800 messages !
Pour faire avancer le débat sur l'Internet une amélioration des
outils est peut être envisageable, cependant il reste un moyen
privilégié de communication libre, sans contrainte de temps ou de
moyens pour les partis politiques, mais cet investissement numérique
n'est pas encore aussi rentable que les médias plus traditionnels et
l'impact de celui-ci s'avère étroit.
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