Communication politique et communication électorale sur l'Internet( Télécharger le fichier original )par Marjorie Pontoise Université Panthéon Assas Paris II - Master 2 Recherche Droit de la communication 2007 |
B) L'IMPACT RÉEL DE LA WEB CAMPAGNE : quel avenir pour cette forme de communication politique virtuelle ?Internet pèse-t-il sur le choix des électeurs ? A cette question Thierry Vedel répond par une boutade : « est-ce que le chemin de fer a changé la politique ? Non, le chemin de fer a nationalisé le débat. En quelque sorte, grâce à lui, le thème de la démocratie et les capacités cognitives des individus se sont développés ». Ainsi, selon un dossier du Monde231(*), « Internet serait devenu l'équivalent virtuel et post-moderne du réseau ferroviaire. Un outil utile pour la démocratie, mais pas déterminant dans son bouleversement ». Internet n'aurait pas plus d'impact qu'un autre média, « chacun va sur les sites qui l'intéressent et y interprète les textes en fonction de sa sensibilité. Les effets produits sur les gens sont donc multiples, parfois contradictoires. Ceci dit, Internet est jeune. Et toutes ses potentialités pour la communication politique n'ont pas encore été exploitées ». 1. Les actions d'INFLUENCE DE LA TOILE232(*)Nous essayerons d'analyser si, en donnant à tout à chacun la possibilité d'exercer une forme de « cinquième pouvoir », qui succède à un quatrième pouvoir des médias, l'Internet est entrain ou non de modifier la communication politique telle que nous la connaissions auparavant (a) ; en effet avec l'essor de nouveaux carrefours participatifs, la communauté de blogueurs, de podcasteurs ou de vidéoblogueurs est sans cesse courtisée par les partis politiques. Mais cette communauté est l'arbre qui cache la foret d'une multitude anonyme à l'oeuvre dans le débat public sur l'Internet, cependant qu'en est-il des citoyens qui ne disposent pas de cet outil de communication, quel avenir pour la démocratie si tous les électeurs ne peuvent pas donner leur avis de façon égalitaire ? (b) et quel impact pour cette forme de communication virtuelle sur le vote des électeurs ? a. L'outil Internet, entre nécessité communicationnelle et efficacité symboliqueLa science politique s'est tardivement penchée sur cet outil. Considéré comme un gadget au début des années 1990, l'Internet, n'était pas pris au sérieux par les spécialistes de la rationalisation de la décision. Au départ, la communauté des politologues a hésité pour considérer l'intérêt que cela représentait comme support de communication politique : « l'Internet était rangé dans la catégorie des sous-disciplines de l'analyse des politiques publiques et de la sociologie des médias, au même titre que le Minitel ». A mesure que l'outil a gagné en visibilité et massivement pénétré les foyers vers la fin des années 1990233(*), la réflexion des politologues a changé, l'Internet a suscité davantage d'intérêt et n'était plus juste perçu comme un moyen de fluidifier la communication. Les chercheurs se sont penchés sur les normes d'utilisation de cet outil pour arriver à la conclusion qu'il constituait un prolongement des outils de la communication traditionnelle. Avec L'Internet, la réussite et la visibilité des sites et blogs passent par la constitution d'un réseau, ce fonctionnement particulier renverse la structure pyramidale des formations politiques, selon Gaidz Minassian, « le parti des internautes serait anti-appareils, les échelons intermédiaires seraient contournés ou réduit à peu de chose ». En effet des liens sociaux se tissent sur la Toile, il existe un véritable communautarisme virtuel, constitué d'une multitude d'individu rassemblé en groupe, forum, centre d'intérêts, classe sociale et par opinion (y compris opinion politique) : « l'Internet sublime l'esprit communautaire par les affinités et la formation d'un moi collectif »234(*). Ce modèle particulier de réseaux permet un échange sans contrainte de temps ou d'espace, le web, qualifié de pluri-média au vu de ses différentes composantes, devient un modèle de communication innovant pour la stratégie politique. Mais même s'il touche de plus en plus de monde, son impact n'est pas de nature révolutionnaire, « il s'intègre au fur et à mesure, fait sa place parmi les outils que nous utilisons quotidiennement, et son appropriation progresse encore plus lentement dans les esprits. S'il semble naturel à ceux qui sont nés avec ou ceux qui l'utilisent tous les jours, son usage et son impact restent encore bien souvent étrangers à ceux qui le maîtrisent mal, voire pas du tout ». Pour les sociologues, l'impact de cette technologie de l'information et de la communication sur la mobilisation et le vote définitif des électeurs est incertain, Philippe Batreau, trésorier de l'ISOC France235(*) résume « Internet n'est pas une baguette magique...Cela donne des possibilités à ceux qui voulaient déjà s'impliquer ». Nous pouvons constater que certains sujets ou actions ne dépassent pas le cadre de l'Internet ou peinent à rebondir dans le monde réel. L'audience de la plupart des blogs reste très faible et leur impact au-delà d'un cercle d'amis ou d'initiés, est limité. L'IFOP236(*) vient de publier une étude montrant que si 40 % des Internautes déclarent utiliser régulièrement le web pour s'informer sur l'actualité politique (via les sites d'informations davantage que les sites des élus), seuls 10 % visiteraient de temps en temps les blogs politiques, moins encore que les vidéos politiques en ligne (12 %). Certes, pour la première fois, les médias traditionnels relayent massivement ce qui se passe sur la Toile, c'est une grande nouveauté ; jusqu'à cette campagne électorale, l'Internet et les blogs étaient ignorés et souvent méprisés par les médias traditionnels, aujourd'hui les micro- évènements comme la vidéo pirate montrant Ségolène Royal discourir sur les enseignants émerge sur les médias à plus grande écoute. Tous les médias, télévision, radio, journaux se sont mis à lire ce qui s'écrivait sur la Toile pour mieux relayer les informations. L'Internet a fait incontestablement partie du paysage médiatique de cette campagne électorale. Cela a favorisé une plus grande transparence, c'est-à-dire l'accès à toute l'information : les citoyens qui s'intéressent à la vie politique pouvant aujourd'hui s'informer et forger leur opinion sans l'aide de personne. Il y a eu aussi, et c'est l'un des faits marquants de cette net-campagne, l'explosion des sites créés par les médias traditionnels et, surtout, par des citoyens, souvent venus du milieu de la communication. Au-delà de ces sites, il y a bien sûr les écrits des blogueurs, avec l'émergence du concept de « blogueurs influents », devenus les porte-paroles, encensés par les médias traditionnels, des citoyens-internautes. Les personnalités de la blogosphère politique ont été, pendant cette campagne, Loic Le Meur237(*), Versac238(*) ou Quitterie Delmas239(*). Mais les journalistes « traditionnels » se sont mis, eux aussi, à écrire sur les blogs, comme Christophe Barbier240(*) ou Jean-Michel Apathie241(*) dont les écrits racontent les coulisses de la politique. Certains « gourous » de la communication politique, comme Jacques Séguéla et Thierry Saussez, ont tenu en commun une chronique vidéo hebdomadaire pour partager avec les Internautes leurs analyses (« La prise de l'Elysée : duel de campagne »242(*)). Mais pour André Gunthert, « il nous faudrait consigner au fur et à mesure ces déplacements mineurs dont la somme fait la matière du changement ». Au-delà de l'impact présumée ou réelle de ce mode de communication politique, nous pouvons aussi nous interroger sur une éventuelle fracture numérique qui déboucherait sur une distorsion de l'accès à l'information pour une certaine tranche de la population, qui se trouverait alors « informationnellement défavorisée ». * 231 Le Monde, « Cyberpolitiques, cybercitoyens », dossier publié le 15 mars 2007 * 232 Les actions d'influence consistent à utiliser tous les moyens autres que la force et l'autorité, pour créer, maintenir ou modifier le comportement d'une personne, d'un groupe ou d'une organisation. (Voir aussi l'article de Pascal Froissart, « Des images rumorales en captivité, émergence d'une nouvelle catégorie de rumeur sur les sites de référence sur Internet »). * 233 En décembre 2006, la barre des 50 % de Français se connectant à l'Internet a été franchie. * 234 Bruno Villalba : http://droit.univ-lille2.fr/enseignants/villalba/ * 235 Association ayant pour but de promouvoir et coordonner le développement des réseaux informatiques dans le monde : www.isoc.fr/ * 236 L'Institut Français d'Opinions Politiques : http://www.ifop2007.fr/ * 237 http://loiclemeur.com/france/ * 238 http://vanb.typepad.com/versac/ * 239 http://lesjeuneslibres.hautetfort.com/ * 240 http://blogs.lexpress.fr/elysee2007/ * 241 http://blogs.rtl.fr/aphatie/index.php/ * 242 http://www.laprisedelelysee.com/index.php |
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