Communication politique et communication électorale sur l'Internet( Télécharger le fichier original )par Marjorie Pontoise Université Panthéon Assas Paris II - Master 2 Recherche Droit de la communication 2007 |
2. Le droit ÉLECTORAL à l'ÉPREUVE de la net-campagne : LE financement SPÉCIFIQUE des campagnes sur l'InternetAvec le développement d'Internet dans les campagnes électorales, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est confrontée à de nouvelles questions (a), s'agissant en particulier des conséquences du versement des dons en ligne (b) et des nouvelles formes de participation de militants bénévoles dans le cadre de la stratégie de campagne sur Internet des candidats et des partis politiques (c). En pratique, les candidats ne sont, en général, pas seuls pour mener à bien leur campagne et bénéficient souvent de l'aide bénévole de nombreuses personnes, il convient donc de rappeler que le terme de « dépense électorale » implique que l'acte générant la « dépense » soit effectué (ou engagé) en vue de l'élection, dans l'objectif de recueillir des voix192(*) ; que la condition impérative, rappelée par le Conseil constitutionnel pour que le temps passé par une personne physique pour aider à une campagne soit chiffrable, demeure celle du lien de subordination entre « le candidat donneur d'ordre » et « le subordonné », au service du candidat ; enfin, que la dépense, pour le candidat, peut provenir d'un « concours en nature » accordé en vue de l'élection. Compte tenu des conditions impératives il convient d'examiner un cas de figure qui se présente fréquemment lors de campagne sur le web : la participation de bénévole pour l'entretien, la mise à jour ou le renouvellement des supports sur la toile au service d'un candidat ou d'un parti. Comment enregistrer cette collaboration au sein des comptes de campagnes ? Le principe à retenir lorsque que celui du bénévolat est avancé, est que lorsque aucune rémunération n'est versée, à quelque titre que ce soit, par aucune des parties prenantes à l'action ou au travail fourni pour la campagne, aucune dépense électorale ne doit être comptabilisée. Ainsi, les tâches effectuées par les militants et les sympathisants, que ce soit des distributions de tracts ou de courrier dans les boîtes aux lettres, du collage d'affiches, une aide à la préparation ou à la surveillance de réunions électorales, ne génèrent pas de rémunération sous quelque forme que ce soit. Le Conseil constitutionnel considère que le lien de subordination n'existe pas, qu'il n'y a donc pas application du droit du travail et pas de charges sociales à verser et donc à intégrer. Néanmoins, il est demandé aux partis de procéder à une comptabilisation rigoureuse des dépenses liées à la « webcampagne » et de veiller à ne ²recourir au travail bénévole de militants que dans un cadre non professionnel, c'est-à-dire, après s'être bien assuré qu'ils le font effectivement hors de leur lieu de travail et sans avoir utilisé du matériel professionnel. Le travail des militants dans leur cadre professionnel et avec les moyens d'une entreprise risque d'être requalifié comme un don d'une personne morale lequel est prohibé. De plus, une grande prudence doit être requise pour l'utilisation des services gratuits de toutes sortes (hébergement, forums, chats ...). a. Un financement encadré des sites InternetTransparence et égalité des candidats : tels sont les principes présidant à l'adoption d'un certain nombre de lois et textes réglementaires dans le domaine du financement des campagnes électorales193(*). La loi impose à chaque candidat d'établir « un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte (...) Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord de celui-ci, par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié ». En vertu de l'article L. 52-12 du code électoral194(*), chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors campagne officielle, par lui-même ou pour son compte pendant l'année qui précède le mois de l'élection. Les dépenses liées à la réalisation et à la vie d'un site Internet de campagne ne font pas exception à ces règles d'ordre général195(*). Elles doivent être intégrées au compte de campagne sur la base d'une évaluation au prix du marché, puisque l'article L. 52-17 du code électoral impose de prendre en compte les « prix habituellement pratiqués ». Ainsi, doivent être inscrites dans le compte de campagne, « les seules dépenses liées au site, mais toutes ces dépenses ». Dans le cas où un site Internet aurait été créé par le candidat préalablement à l'ouverture de la campagne, seules devraient être intégrées au compte les dépenses qui sont directement rattachables à la campagne. Une réponse ministérielle du 15 août 2006196(*) vient préciser que « dès lors que le site Internet d'un candidat est utilisé à des fins de propagande électorale, celui-ci est tenu d'intégrer dans son compte de campagne l'ensemble des dépenses liées à cet outil et exposées pendant l'année précédent le premier jour du mois de l'élection et jusqu'à la date du dépôt du compte de campagne du candidat. Sont donc considérés comme des dépenses électorales les frais éventuels d'hébergement ainsi que les frais de maintenance du site Internet, si sa mise à jour est confiée à un prestataire de services». Les mêmes principes s'appliquent dans le cas où le candidat n'aurait pas de site web propre, mais utiliserait un site Internet partenaire ou partagé avec d'autres candidats. Il convient alors d'évaluer la part de dépense correspondant à ce site qui peut être attribuée au candidat, en proportion, par exemple, du nombre de pages qui lui sont consacrées, et de l'intégrer au compte de campagne. Il s'agit alors d'évaluer le nombre de pages concernées et la dépense correspondante au prix du marché, en prenant également en compte une partie des frais d'hébergement du site. Enfin, seuls doivent être intégrés les frais de promotion électorale, si le candidat se voit consacrer quelques pages sur un site qui n'est pas à proprement parler un site de campagne ou un site politique, l'intégration au compte de campagne dépendra de la teneur de ces pages. Par ailleurs, les incidences financières ne paraissent pas devoir prendre des proportions significatives pour le calcul du montant des dépenses électorales des candidats : les coûts engendrés par de telles dépenses restent relativement limités au regard des sommes engagées par ailleurs. A titre indicatif, en France, les dépenses ne peuvent excéder 15,5 millions d'euros pour les candidats du premier tour et 20,7 millions d'euros au second tour (en comparaison, en 2004 aux Etats-Unis, de nouveaux records avaient été battus à la présidentielle : le comité Bush-Cheney avait recueilli 269,6 millions de dollars). Il n'est cependant pas inintéressant de relever que Nicolas Sarkozy a alloué un budget de un million d'euros pour son site, alors que la candidate socialiste en a alloué le double. Cela représente pour cette dernière 10% du capital attribué pour le second tour. Cette investissement, limitée, mais néanmoins existant, nous montre quelle importance les candidats accordent aux nouvelles technologies. Rappelons qu'en matière d'Internet, quelque soient les moyens engagés, ce qui compte avant tout c'est le réseau et le développement efficace d'un « maillage numérique » permettant d'accéder à la plus grande écoute et réceptivité possible. Une fois le site crée, l'optimisation de celui-ci et la valorisation du candidat passe par un appel au soutien, qui peut prendre la forme d'un soutien moral : par une adhésion au parti, ou un soutien pécuniaire : avec la possibilité de verser des dons en ligne. * 192 Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques : Décision du 4 mai 2006 relative à la présentation des comptes de campagne en vue de l'élection présidentielle, NOR : CCCX0609316S ( http://www.conseil-constitutionnel.fr/dossier/presidentielles/2007/documents/memento1.pdf) * 193 La Documentation Française, rapport public DE Michel Fromion, Clotilde Valter et Dider Laval : « Les dépenses électorales, mission d'audit et de modernisation » : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/064000656/index.shtml * 194 Article L.52-12 : « Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord de celui-ci, par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Au plus tard avant 18 heures le neuvième vendredi suivant le tour de scrutin où l'élection a été acquise, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes, présentés par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés et accompagné des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. Cette présentation n'est pas nécessaire lorsque aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne. Dans ce cas, le mandataire établit une attestation d'absence de dépense et de recette. Sous réserve du règlement de dépenses engagées avant le premier tour de scrutin, le compte de campagne des candidats présents au seul premier tour ne peut retracer de dépenses postérieures à la date de celui-ci. La valeur vénale résiduelle des immobilisations éventuellement constituées au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4 doit être déduite des charges retracées dans le compte de campagne. La commission assure la publication des comptes de campagne dans une forme simplifiée. » * 195 S'il est facile de comptabiliser les coûts d'une affiche, d'un journal, d'un tract (factures d'imprimeur), cela devient plus confus pour un site Internet (nous le verrons dans un C). * 196 Question n° 93922 d'André Chassaigne sur la prise en compte du budget des sites Internet pour les comptes de campagnes ; la réponse (intégrale) étant : « Le premier alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral prévoit que pendant les trois mois précédent le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour du scrutin où celle-ci est acquise, l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite. Toutefois, le Conseil d'État (élections municipales de Rodez, 8 juillet 2002) a estimé qu'un site Internet, s'il constituait bien une forme de propagande électorale par voie de communication audiovisuelle, ne revêtait pas un caractère de publicité commerciale. Le deuxième alinéa de l'article L. 49 du code électoral, qui précise qu'à partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication audiovisuelle tout message ayant le caractère de propagande électorale, est applicable aux sites Internet des candidats. Cette disposition n'est pas interprétée par la jurisprudence comme prohibant le maintien en ligne du site, mais seulement comme interdisant sa modification. Un candidat peut donc maintenir en ligne son site Internet jusqu'à ce que l'élection soit acquise, toute modification du contenu du site étant interdite à partir de la veille du scrutin à zéro heure. Les candidats peuvent financer leur campagne électorale à l'aide de leur apport personnel, même si cet apport a été constitué en partie par les salaires et indemnités versés en leur qualité d'élus. Dès lors que le site Internet d'un candidat est utilisé à des fins de propagande électorale, celui-ci est tenu d'intégrer dans son compte de campagne l'ensemble des dépenses liées à cet outil et exposées pendant l'année précédent le premier jour du mois de l'élection et jusqu'à la date du dépôt du compte de campagne du candidat. Sont donc considérés comme des dépenses électorales les frais éventuels d'hébergement ainsi que les frais de maintenance du site Internet, si sa mise à jour est confiée à un prestataire de services ». |
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