CHAPITRE II
L'UNION EUROPEENNE ET KALININGRAD
Séparée géographiquement du reste de la
Russie, Kaliningrad constitue un territoire particulier qui est appelé
à être entouré par l'UE après
l'élargissement. Celui-ci se rapprochant, la région fait l'objet
de tous les regards. Dans le droit fil du document stratégique de la
Commission de novembre 2000 sur l'élargissement, la présente
communication vise à apporter des éléments à un
débat que l'UE doit avoir avec la Russie (notamment avec Kaliningrad) et
avec les deux futurs États membres voisins, à savoir la Pologne
et la Lituanie, sur des questions qui se répercuteront sur notre avenir
commun.
La présente communication se penche sur l'impact de
l'élargissement de l'UE et fait une distinction entre les questions qui
se poseront pour toutes les régions russes64(*)et celles qui sont
spécifiques à Kaliningrad. L'élargissement de l'UE sera un
événement positif pour ses voisins, en contribuant à la
stabilité et à la prospérité. La Russie devrait
bénéficier de façon substantielle de
l'élargissement et les régions telles que Kaliningrad sont bien
situées pour tirer parti des nouvelles opportunités qui seront
créées.
L'adoption de l'acquis par la Pologne et la Lituanie
impliquera inévitablement des modifications dans certaines règles
et pratiques en vigueur entre la Russie, l'UE et les nouveaux États
membres. Certains de ces changements auront un impact égal sur toutes
les régions russes tandis que d'autres auront des implications
spécifiques pour Kaliningrad, essentiellement en ce qui concerne la
circulation des marchandises, des personnes et l'approvisionnement
énergétique. Le présent document examine également
les modalités par lesquelles l'UE et la Russie peuvent coopérer
dans le cadre de ces avantages mutuels afin de réduire l'impact des
problèmes existants auxquels Kaliningrad est confrontée et qui ne
sont pas directement liés à l'élargissement dans des
domaines tels que l'environnement, la lutte contre la criminalité, les
soins de santé et le développement économique.
Le présent document ne définit pas de
proposition de décision officielle de la Commission mais présente
en revanche des suggestions et des éléments de discussion entre
les parties. Les décisions en ce qui concerne Kaliningrad sont de la
compétence de la Russie et de la région elle-même.
Néanmoins, l'UE et ses futurs États membres ont
intérêt à oeuvrer à la bonne marche des changements
requis par l'adhésion et à encourager la coopération avec
Kaliningrad dans un certain nombre de questions régionales. Des
suggestions sont faites afin de donner des idées permettant de
s'attaquer aux questions mises en évidence dans le présent
document. Si elles s'avèrent utiles, elles pourront par la suite servir
de base aux décisions à prendre par les autorités
compétentes.65(*)
Des informations de base sur la situation actuelle de
Kaliningrad et sur ses relations avec ses voisins et organisations
internationales figurent dans les annexes du document.
SECTION 1 : CONSEQUENCE DU PROCESSUS DE L'ELARGISSEMENT
DE L'UNION
L'élargissement de l'UE aux États baltes
représente pour la Russie une perspective d'affaiblissement
stratégique mais aussi d'isolement économique et humain de la
région, en raison du renforcement prévu des contrôles aux
frontières et de la nouvelle législation commerciale en voie
d'adoption par les pays adhérents. Le risque serait alors que l'oblast'
se transforme en une zone de pauvreté enclavée dans une
région en pleine expansion, ce qui pourrait provoquer des flux
migratoires et générer des tensions locales et régionales
importantes.
Paragraphe 1 : questions découlant du processus
d'élargissement
A / Circulation des marchandises
Actuellement, les relations commerciales entre l'UE et la
Russie sont régies par l'Accord de partenariat et de coopération
(APC) signé en 1994. Lors de l'adhésion, la Pologne et la
Lituanie reprendront l'APC, qui fait partie de l'acquis, et le tarif
extérieur commun s'appliquera aux échanges entre la Russie et
l'UE élargie. Étant donné que l'UE applique
déjà des tarifs très bas à ses échanges de
produits industriels avec la Russie dans le cadre de la NPF tandis que la
Pologne applique des tarifs NPF de 15,8 % et la Lituanie de 5,3 %, les
marchandises russes bénéficieront de tarifs sensiblement plus bas
après l'élargissement. Ces niveaux tarifaires plus bas
s'appliqueront aux marchandises originaires de Kaliningrad de la même
manière qu'au reste de la Russie. Étant donné sa
proximité par rapport aux marchés de l'UE, cette perspective
d'accès allégé représente une importante
opportunité pour Kaliningrad.
Vu sa forte dépendance à l'égard du
commerce avec les pays voisins, Kaliningrad devrait avoir intérêt
à adopter les normes techniques de l'UE pour tirer pleinement parti de
cette facilité d'accès. Néanmoins, avant que ne soit faite
une évaluation plus détaillée, on ne peut pas exclure que
les modifications du régime commercial qui auront lieu à
l'adhésion pourraient avoir un impact sur des produits particuliers.
Il est proposé que l'UE et la Russie examinent l'impact
commercial de l'élargissement sur Kaliningrad au sein du
sous-comité pour le commerce et l'industrie de l'APC. Celui-ci pourra
être invité à recommander des solutions si des
problèmes particuliers y sont recensés. Cette évaluation
devrait être réalisée durant le premier semestre de
2001.
Pour le moment, les marchandises originaires de Kaliningrad
qui sont destinées à la Russie, et vice versa, passent en transit
par la Lituanie et la Lettonie/Belarus. Après l'élargissement,
l'APC permettra le libre transit entre la Lituanie et/ou la Lettonie, sans
droits de douane ni autres droits de transit (autres que les redevances pour le
transport et l'administration). L'APC bénéficiera
également au commerce de marchandises entre la Russie et l'UE
étant donné qu'il offre à la Russie le traitement de la
NPF. Lorsque la Russie deviendra membre de l'OMC, ses règles
s'appliqueront également au commerce entre l'UE et la Russie.
À plusieurs reprises, il a été
proposé d'instituer un régime commercial spécial en faveur
de Kaliningrad. Or Kaliningrad faisant partie intégrante de la Russie,
il serait difficile de la doter d'un statut particulier, tel une zone de
libre-échange ou une union douanière. Des problèmes
politiques et juridiques particuliers en découleraient, outre que la
Russie n'est pas susceptible d'octroyer à Kaliningrad le degré
d'autonomie nécessaire. De plus, il n'est pas certain qu'un tel
traitement spécial serait nécessaire, vu la situation
généralement favorable décrite ci-avant.
Un aspect de la circulation des marchandises dont il faudra se
préoccuper est le franchissement des frontières. Aujourd'hui, il
y a 23 points de franchissement entre Kaliningrad, la Pologne et la Lituanie.
Pour assurer des flux de marchandises satisfaisants à la
frontière extérieure de l'UE, des améliorations pourraient
être apportées tant dans les infrastructures matérielles
que dans la gestion, notamment par l'amélioration des systèmes
d'information. Le dernier élargissement a montré que
l'introduction de l'acquis à la frontière entre la Finlande et la
Russie peut accélérer les formalités de passage aux
frontières.
L'UE, la Russie, la Pologne et la Lituanie doivent examiner
les modalités pratiques de gestion du franchissement des
frontières, sous l'hypothèse de leur admission à
l'OTAN66(*). En
commençant par les principaux points de passage par route et chemin de
fer, surtout dans les liaisons de la région avec les corridors
paneuropéens de transport. Il y a lieu de traiter des problèmes
douaniers, de la surveillance des frontières, des aspects
phytosanitaires, vétérinaires et sanitaires. Les discussions
pourraient se tenir dans des groupes de travail dans les sous-comités
concernés de l'APC en ce qui concerne la Russie et dans le cadre de
l'accord européen en ce qui concerne la Lituanie et la Pologne. Elles
doivent encourager la ratification des accords en suspens qui portent sur la
démarcation des frontières et les points de passage et viser
l'adoption d'une approche pluriannuelle visant à moderniser les
installations à mettre en oeuvre par les autorités nationales
compétentes. Dans le cadre de ces discussions, il y aurait lieu de
donner des conseils sur l'utilisation optimale des moyens financiers, quelle
que soit leur origine.
Les activités de transit futures seront
également facilitées par l'amélioration des liaisons de
transport; Kaliningrad est actuellement intégrée dans le
réseau de transport paneuropéen, en particulier dans les
corridors I et IX. Le programme Tacis a déjà financé une
stratégie de transport multimodal en faveur de Kaliningrad. Des
investissements considérables devraient être consentis pour porter
les corridors routiers I et IX aux niveaux européens.
Il est proposé que le résultat de cette
étude soit examiné avec les IFI et la Russie et les
autorités des pays limitrophes, afin de garantir le financement des
projets prioritaires.
Pour le moment, le matériel et les effectifs militaires
sont transportés par la Lituanie dans le cadre d'un accord
spécial conclu avec la Russie. Ces dispositions doivent être
examinées dans le contexte de l'élargissement.
* 64 Et tous les pays tiers
voisins
* 65 Des informations de
base sur la situation actuelle de Kaliningrad et sur ses relations avec ses
voisins et organisations internationales figurent dans les annexes du
document.
* 66
Susanne Nies ; «les pays baltes dans leur
environnement : enjeux et perspectives stratégiques» ;
études CERI, décembre 2002, p 50.
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