La Répression de la concurrence déloyale en République Démocratique du Congo : cas de la ville de Bukavu de 1996 en 2006( Télécharger le fichier original )par Justin BAHIRWE MUTABUNGA Université Catholique de Bukavu (UCB) - graduat en Droit 2006 |
Section 2ème : Place de l'Administration dans la répression de la concurrence déloyale àBukavu.En droit positif congolais, l'Administration joue un rôle prépondérant dans la répression de la concurrence déloyale. §1. Notion d'Administration.Dans ce paragraphe, nous essayerons de définir le concept Administration (A), nous indiquerons son but (B), et enfin nous toucherons l'aspect lié à ses moyens d'action (C). A. Définition. Dans la langue courante, écrit Jean RIVERO, le mot administration désigne tantôt une affaire, le fait d'administrer, c'est-à-dire de gérer une affaire (sens matériel), tantôt l'organe ou les organes qui exercent cette activité (sens organique). Dans un sens plus étroit, poursuit-il, et aussi plus courant, c'est à l'administration publique celle que le mot se rapporte105(*). En RDC, lorsqu'on parle de l'Administration tout court, avec une majuscule, on entend designer un ensemble d'organes par lesquels sont conduites et exécutées des taches publiques : il en est par exemple, dans l'approche qui nous concerne, de la police du commerce, de la commission de la concurrence, etc. Dans cette perspective, l'administration est conçue tout à la fois comme essentiellement différente de l'activité des particuliers et comme distincte de certaines autres formes de l'activité publique : la législation, l'exercice de la justice. C'est dans ces deux directions qu'il faut préciser le concept d'administration. B. Le but de l'Administration. L'Administration, telle que définie ci-avant, n'a d'autre but que l'intérêt général. L'homme, en tant qu'être social, ne peut se suffire à lui-même. Le libre jeu des initiatives privées lui permet de poursuivre à certains de ses besoins grâce à la division du travail et des échanges. Mais il en est d'autres, et des essentiels, qui ne peuvent recevoir satisfaction par cette voie soit que, communs à tous les membres de la collectivité, ils excèdent par leur ampleur les possibilités de n'importe quel particulier : c'est le cas de la répression de la concurrence déloyale, soit que leur satisfaction soit par nature exclusive de tout profit, de tel sorte que nul ne s'offrira à l'assureur. RIVERO pense à juste titre que, ces nécessités auxquelles l'initiative privée ne peut répondre, et qui sont vitales pour la communauté tout entière et pour chacun de ses membres, constituent le domaine propre de l'administration ; c'est donc la sphère de l'intérêt public106(*). Les particuliers, dans leur exercice commercial, poursuivent un avantage personnel, profit matériel, réussite humaine. Il arrive qu'au cours de leurs activités il ait coïncidence entre le but ainsi poursuivi et le bien être de tous ; mais la coïncidence n'est nullement nécessaire, et elle ne saurait marquer le caractère personnel de l'entreprise. A Bukavu, le boulanger assure la satisfaction du besoin de pain qui est important pour la collectivité bukaviènne ; toutefois, ce n'est pas le souci désintéressé de nourrir les affamés qui dicte sa vocation, c'est l'intention d'ailleurs entièrement légitime de gagner sa vie en vendant du pain. L'action administrative, au contraire, est essentiellement désintéressée : c'est la poursuite de l'intérêt général, ou encore de l'utilité publique. CORNU soutient à ce sujet que, l'intérêt général n'est nullement l'intérêt d'une communauté, considérée comme une entité distincte de ceux qui la composent et supérieure à eux ; c'est plutôt simplement, un ensemble de nécessités humaines, celles auxquelles le jeu des libertés ne pourvoit pas de façon adéquate, et dont la satisfaction conditionne pourtant l'accomplissement des destinées individuelles.107(*) C. Les moyens de l'action administrative. L'Administration n'a pour d'autre moyen d'action que la puissance publique. Il s'agit de l'ensemble de prérogatives accordées à l'administration pour lui permettre de faire prévaloir l'intérêt général lorsqu'il se trouve en conflit d'avec des intérêts particuliers108(*). L'action législative s'achève au niveau de l'élaboration des normes juridiques. L'administration, elle, assure une gestion permanente. Administrer, c'est donc accomplir la série des actes que requiert, au fil des jours, la poursuite d'un certain but. L'action administrative est donc, tout à la fois, continue et concrète ; deux traits par lesquels elle se distingue de l'activité législative. Le juge congolais dans les limites de l'Ordonnance législative de 1950, a pour fonction d'appliquer le droit à la solution des litiges ayant trait à la concurrence déloyale. C'est dire qu'il n'intervient qu'en cas de contestation, et que son rôle est terminé lorsqu'il a rappelé la règle applicable au cas litigieux et annoncé les conséquences qui en résultent dans l'espèce. L'Administration congolaise est, elle aussi, soumise au droit ; mais contrairement au juge, elle agit de son propre mouvement, en dehors de toute contestation. D'une autre manière, le droit constitue pour elle une limite, non un but ; elle agit dans le cadre du droit, mais pas seulement comme le juge pour faire respecter le droit : son but, c'est la satisfaction des besoins qu'elle a pris en charge. Cela exige, outre le respect du droit, le sens de l'opportunité et la compétence technique : c'est le cas par exemple de l'OCC dans son rôle de contrôle des produits avariés. Dans le cas sous examen, le législateur congolais a résolu le problème à travers les articles 25 et 26 du Décret-loi de 1961 relatifs aux prix. Ceci dit, les agents de l'administration publique (la Division de l'économie nationale pour la province) ont la latitude d'assurer le respect permanent des règles réprimant la concurrence déloyale. L'art. 25 dispose : « les agents commissionnés par le Ministre des affaires économiques et des classes moyennes ou par le Gouvernement provincial chargé des affaires économiques sont spécialement chargés de rechercher et constater les infractions au présent décret-loi et à ses mesures d'exécution ». Son alinéa 2 dispose : « ces agents ont qualité d'officier de police judiciaire ». L'art. 26 poursuit : « dans l'exercice de leur mission, les agents visés à l'article 25 peuvent pénétrer, entre 9 heures et 21 heures, dans les dépôts, entrepôts privés, fabriques, usines, débits et, en général, en tous lieux où des produits sont détenus à des fins industrielles, commerciales ou spéculatives, exposés ou mis en vente ; si les lieux sont ouverts au public, ils peuvent y pénétrer même en dehors des heures fixées ci-dessus ; Se faire produire à première réquisition, ou rechercher tous documents, pièces ou livres utiles à l'accomplissement de leur mission, notamment les documents officiels ; les documents de transport, les documents de correspondance et les livres commerciaux ». Au regard de ces dispositions, il est à remarquer qu'il est laissé à l'administration, par le biais des agents de la division de l'économie, un grand pouvoir dans le but de faire respecter les restrictions relatives à la concurrence déloyale. Dans le cas d'espèce, l'administration est une tache quotidienne qui descend jusqu'aux actes les plus humbles tels qu'ils sont prévus par l'article 2 de l'Ordonnance législative de 1950. Il a été dit ci-avant que l'administration congolaise, pour protéger les consommateurs, intervient à travers plusieurs ministères. Dans le même cadre, pour lutter efficacement contre la concurrence déloyale, interviennent la police du commerce et la commission de la concurrence toujours sous un triple but : protection des professionnels entre eux, des consommateurs et de l'ordre public économique en général. * 105 RIVERO J., Droit Administratif, 3ème éd., Paris, DALLOZ, 1990, p. 11 * 106 Idem, p. 13 * 107 CORNU, op.cit., p. 187 * 108 RIVERO, op.cit., p. 14 |
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