6.4 Temps de persistance des chaînes trophiques
à trois échelons
Le temps de persistance (Fig. 11) pour chacun des
échelons pour le modèle R-M apporte des informations
supplémentaire car il permet de prendre en compte les différences
de dynamique des attracteurs complexes, ce qui est impossible avec de
simples portraits de phases. En ce sens, en les comparant a la figure
qui présente la répartition des différents type de
régimes asymptotiques (Fig. 4), il devient possible de classer
les différentes dynamiques complexes précédemment
rencontrées, a savoir fluctuations périodiques basse et
haute fréquence et chaos en terme de persistance des
espèces. Sans surprise, pour les trois échelons, les zones
d'équilibre stationnaires offrent un temps de persistance soit infini
soit nul.
Pour les proies, il apparalt peu de différences de temps
de persistance entre
Concentration du substrat Xr Concentration en glucose
Xr
Proie uniquement
Coexistence proie et prédateur
Coexistence de la proie, du prédateur et
du superprédateur
0.05
0.04
0.03
0.02
0.01
0
0.2
Survie de la proie
0.15
0.1
Survie de la proie et du prédateur
0.05
0.5 1 1.5 2
0 100 200 300 400
FIG. 10 - Zones de survie des espèces du modèle
DEBf en fonction de Xr et de hÿ avec
un seuil d'un individu dans le chemostat pour des chalnes trophiques a 2 (a
gauche) ou 3 (a droite) échelons.
les fluctuations périodiques basse
fréquence et le chaos. La plus forte perte de persistance
lorsqu'on enrichi le système selon K se trouve a la transition
entre chaos et fluctuations périodiques haute
fréquence. Le temps de parcours de l'attracteur est en effet plus faible
et amène le système plus rapidement dans les zones d'extinction.
Il est aussi remarquable que le chaos puisse localement augmenter le temps de
persistance en fonction de l'enrichissement.
Pour les prédateurs, la perte de persistance lorsqu'on
enrichi le système selon K apparait lors de deux changements de
dynamique : entre la coexistence a biomasses constantes et les fluctuations
périodiques basse fréquence et entre le chaos et les
fluctuations périodiques haute fréquence. Il n'y a
là aussi pas de différence importante de temps de persistance
entre les fluctuations périodiques basse fréquence et la
dynamique chaotique.
Pour le super-prédateur, la biomasse très
supérieure de ce dernier échelon le place au-dessus du seuil
d'extinction dans toute sa zone d'existence en régime asymptotique.
Ceci provient probablement de l'absence de calibrage des paramètres
du modèles sur des populations réelles. Une manière de le
corriger serait de donner un seuil d'extinction différent au
superprédateur, mais une telle démarche est difficile a justifier
écologiquement.
L'analyse du temps moyen de persistance pour le modèle
R-M renforce donc l'idée d'une persistance inversement proportionnelle a
l'enrichissement avec des baisses importantes lors de l'apparition de
fluctuations périodiques. Le chaos a une place a part dans ce
schéma car son apparition ne provoque pas de baisse importante de la
persistance avec l'enrichissement du milieu. La persistance est même plus
importante sur le bord de la zone délimitant la dynamique chaotique,
FIG. 11 - Temps moyen de persistance pour les trois
échelons du modèle R-M au sein de l'espace des paramètres
de bifurcation.
ce qui rejoint des observations sur le maximum de biomasse du
superprédateur (Rinaldi & De Feo, 1999). Pour ce qui est du taux de
croissance de la proie, r, il doit être suffisant pour permettre la
survie des échelons supérieurs, mais ne crée pas de
variations continues de leur persistance.
FIG. 12 - Temps moyen de persistance pour les trois
échelons du modèle DEBf au sein de l'espace des paramètres
de bifurcation.
La même analyse sur le temps de persistance a
été effectuée sur le modèle DEBf a trois
espèces (Fig. 12). L'ajustement du modèle DEBf a des
données expérimentales permet de donner une signification aux
temps de persistance. Il s'agit ici du nombre d'heure moyen avant que les
populations de proies, de prédateurs ou de superprédateurs qui
forment la chalne trophique expérimentale ne passent sous un seuil de
respectivement environ 1011, 109 et 107
individus. Ces seuils correspondent a une même biomasse de 0,
5mm3.mL-1. Même avec des seuils aussi
élevé et peu réaliste, les temps moyens de persistance
restent élevées : environ 1 jour dans la
zone la plus claire pour les proies, 1 a 2 jours pour les
prédateurs. Le superprédateur fait preuve d'une très
grande persistance sur toute sa zone de survie. Cette grande persistance du
dernier échelon, déjà remarquée pour le
modèle R-M, est associée pour le modèle DEB a des
biomasses inférieures a celle des échelons de niveaux
inférieurs. Cette robustesse peut être due a la
linéarité de la mortalité du superprédateur qui est
le terme de fermeture de la chalne trophique. ce terme semble avoir en effet
une importance particulière pour les modèles de chalne trophique
(Caswell & Neubert, 1998).
De tels temps de persistance dans des conditions
d'équilibres, permettent de fournir une hypothèse pour expliquer
la répartition très cosmopolite de nombreux micro-organismes. Les
environnements naturels sont en effet, au contraire des hypothèses
faites ici, fortement hétérogènes spatialement et
subissent des conditions d'enrichissement qui ne sont pas constantes. Ces deux
facteurs rendent d'autant plus difficile une extinction au niveau global. Ainsi
même si, lorsque le milieu est enrichi, une plus grande
instabilité est remarquée, cette instabilité paralt
insuffisante pour causer la disparition des espèces de la chalne
trophique étudiée ici.
Ces premiers résultats appellent plusieurs
développements logiques. Des améliorations sont a
apportées a la méthode de calcul de la persistance. Le choix
d'une distribution uniforme n'est pas satisfaisant pour décrire la
distribution des probabilités de biomasse sur l'attracteur.
L'invariabilité de cette distribution au cours du temps peut en
outre être utilisée pour identifier de manière
numérique le passage du régime transitoire au
régime asymptotique. Une optimisation de ce calcul permettrait
aussi d'augmenter le temps maximum de persistance du système et donc la
sensibilité de cette analyse. Ceci pourrait aussi se faire par le
développement d'une méthode de calcul analytique de la
persistance sur la base du travail de Mangel & Tier (1993).
|