2 Le modèle de chaîne trophique DEBf
La théorie DEB (Dynamic Energy and Mass Budgets) de
Kooijman (2000a), offre une nouvelle approche pour la modélisation de
nombreux processus du vivant. Le but de cette théorie est de
décrire les processus physiologiques indépendamment de
l'espèce considérée { 1 }4. L 'échelle
de référence utilisée pour cela est l'individu {10} et
plus précisément le niveau physiologique, pour éviter des
modèles trop complexes. Le niveau individuel est naturel car il est
facile de mesurer les masses et les énergies a cette échelle
d'organisation {19}. La théorie est aussi basée sur des
phénomènes actifs de niveau inférieur comme les
unités de synthèse {43} qui traitent de la cinétique
enzymatique ou la thermodynamique {3,35} qui traite du devenir de
l'énergie. Des phénomènes de niveau supérieur sont
aussi inclus comme les relations de forme entre aire et volume {23} ou la
température {53}. Cette approche prend en compte certaines
considérations importantes de modélisation sur l'utilisation des
dimensions {12} ou sur le lien entre la testabilité d'un modèle
et l'évaluation de paramètres {14}. Une autre idée clef
est que, dans le vivant, les
3Les mots en écriture penchée
sont définis dans l'annexe A
4Les nombres entre accolades renvoient pour ces deux
paragraphes au numéro de la page de l'ouvrage de référence
sur la théorie DEB : Kooijman, 2000
processus de production sont liés aux volumes tandis
que les processus d'échange sont liés aux surfaces.
Ces réflexions mènent a un petit nombre de
choix et d'hypothèses utilisées pour construire la théorie
DEB. Les variables d'état sont choisies pour leur
capacité a bien décrire le système {20}. La variable d'
age est rejetée parce qu'elle ne prend pas en compte l'impact de
l'environnement. Le volume, comme descripteur de la taille, est
préféré au poids a cause des multiples relations
impliquant des aires dans les processus physiologiques {22}. Les modèles
issus de la théorie DEB décrivent un individu grace a deux
variables d'état : la structure ou biomasse irréversible et les
réserves ou biomasse réversible. Une variable de réserve
de l'individu {20} est nécessaire pour pouvoir lisser l'influence des
fluctuations de nourriture sur la croissance et pour assurer une maintenance
continue de l'organisme. Une règle d'allocation
énergétique, la règle ê {65,86}, stipule
qu'il il y a une part ê de l'énergie dédiée
au développement pour les juvénile et a la reproduction pour les
adultes tandis qu'une part 1 - ê est allouée a la
croissance. Ceci est mis en oeuvre pour autoriser la continuité de la
croissance entre le stade juvénile et le stade adulte et pour autoriser
différentes dynamiques de croissance avec un même
mécanisme. Cette architecture est complétée par de la
maintenance {89} prélevée sur chacune de ces deux partie pour
respectivement l'entretien de maturité et l'entretien somatique. Les
hypothèses d'homéostasie {30} traduisent le fait que la
composition de la structure et de la réserve ne change pas au cours du
temps (homéostasie forte) et que la composition globale de l'organisme
ne change pas a ressource constante, c'est a dire sans fluctuation de
nourriture (homéostasie faible). Ces hypothèses permettent de
déterminer et de simplifier les équations dans le cadre de la
théorie.
Le modèle de chalne trophique en chemostat issu de la
théorie DEB, nommé modèle DEBf, a été pour
la première fois présenté par Kooi & Kooijman (1994a).
Il s'agit de la transposition au niveau de la population des mécanismes
d'allocation énergétique de la théorie DEB. Ce
modèle se démarque donc des modèles
précédents dits de Monod (1942), de Droop (1973) et de Pirt
(1965) par une formulation basée sur des hypothèses sur la
gestion de l'énergie au niveau de l'individu. Selon ces
hypothèses, chaque espèce (i E {1, 2,
3}) y est composée de deux variables d'état, une
structure (Xi) et une réserve (ei). Ces variables
d'état sont accompagnées d'une variable décrivant le
substrat (X0). La dynamique des variables est régie par un
ensemble de processus : maintenance, croissance, ingestion, assimilation,
mobilisation et dilution (Fig. 2). La principale innovation de ce modèle
par rapport a ses prédécesseurs est l'instauration a la fois d'un
compartiment de réserve et d'une maintenance. Il est alors possible de
se ramener a chacun de ces modèles antérieurs en faisant des
hypothèses sur les paramètres du modèle DEBf (Tolla,
2006).
En plus des hypothèses incluses dans la théorie
DEB, les hypothèses spécifiques au modèle DEBf sont les
suivantes:
- Organismes dont la surface est proportionnelle a leur
volume
- Propagation des individus par mitose, division en deux parties
égales a une taille fixée
- Mélange homogène du chemostat
- Les réserves des proies ne sont pas
digérées
Dans ce modèle, l'interprétation de chacun des
paramètres du modèle est très précise (Tab. 2). Le
substrat, X0, arrive dans le chemostat selon un taux de h
ÿ Xr et en ressort selon un taux de h ÿ
X0. La proie prélève le substrat et subit une
prédation du prédateur selon des réponses fonctionnelles
f et un taux maximum de jXm , avec i le rang de
l'espèce prédatrice dans la chalne trophique. La réponse
fonctionnelle utilisée est là aussi de Holling, type II.
X _1
f = XK +X _1
Une fois la nourriture assimilée, celle-ci est
stockée dans un compartiment de réserve, e , avec une
efficacité v . Pour diminuer le nombre de paramètre du
modèle, les réserves utilisées sont normées par
leur taille maximale. Cette réserve est ensuite utilisée pour la
croissance selon un taux u qui dépend a la fois de la
maintenance (ÿkM ) et de la conductance
énergétique (ÿkE ).
ÿkE e - ÿkM
g
Les espèces subissent un taux de lessivage qui supprime
un biovolume ÿhX du chemostat.
TAB. 2 ~ Interprétation des variables et des
paramètres du modèle DEB en chemostat
Notation
|
Interprétation
|
X0
|
Concentration en glucose
|
X
|
Biovolume de la population i
|
Xr
|
Concentration en glucose dans le réservoir du
chemostat
|
h ÿ
|
Taux de dilution du chemostat
|
jXm
|
Taux maximum d'ingestion de l'espèce X sur X
_1
|
XK
|
Constante de demi-saturation de l'espèce X sur
X _1
|
ÿkE
|
Conductance énergétique de l'espèce
i
|
g
|
Ratio d'investissement énergétique de
l'espèce i
|
ÿkM
|
Ratio colits de maintenance et colits de croissance
|
|
L'ensemble de ces développements donne le système
(Eq. 2), dans le cas d'une chalne trophique a trois échelons.
dX0
dt
de1
dt
dX1
dt
de2
dt
dX2
dt de3
dt dX3
dt
|
=hÿ(Xr-X0)-jXm1I1X1
(2a)
= ÿkE1 (I1 -
e1) (2b)
=
(u1-ÿh)X1-jXm2I2X2
(2c)
= ÿkE2 (I2 -
e2) (2d)
= (u2 -
ÿh)X2 -
jXm3I3X3 (2e)
= ÿkE3 (I3 -
e3) (2f)
= (u3 - ÿh) X3
(2g)
|
|
La microbiologie fournit le pendant expérimental
idéal des modèles construits ainsi grace a la rapidité de
succession des générations, a la petite taille des individus et
au contrôle possible de tous les paramètres environnementaux
(Jessup et al. , 2005). Deux jeux de paramètres issus de telles
expérimentations ont été utilisés pour le
modèle DEB (Tab. 3). Les valeurs des paramètres correspondent au
meilleur ajustement possible du modèle sur des données
expérimentales. Le premier jeu de paramètres est issue de
l'étude de Kooi & Kooijman (1994b) des données d'un couple
prédateur-proie Bactérie-Fungi représenté
respectivement par Escherichia coli et Dictyostelium discoideum
(Dent et al. , 1976). Le volume du chemostat est de 200 mL. Le
taux de dilution du chemostat, ÿh, y est de 0, 064
h-1 et la concentration du substrat de 1
mg.mL-1. Le second est un paramétrage sur
les données d'une expérience sur un couple
Bactérie-Cillié (Cunningham & Nisbet, 1983) étendu de
manière théorique a un troisième échelon (Kooi
et al. , 1997). Ce second jeu de paramètres contient donc des
valeurs pour trois échelons trophiques.
A cause de problèmes numériques, le
modèle DEBf a trois échelons trophiques a été
simpliflé en posant e1 = I1. Ce qui
supprime la réserve de la proie et fait passer le nombre
d'équations différentielles de sept a six.
1Valeur tirée de Kooi & Kooijman (1994b)
2Valeur tirée de Kooi et al. (1997)
TAB. 3 - Valeur des deux jeux de paramètres
utilisés pour le modèle DEBf, le premier considère un
couple Bactérie-Fungi et le second un triplet
Bactérie-CiliéCarnivore.
Variable
|
Jeu de paramètre 11
|
Jeu de paramètre 22
|
|
i=1
|
i=2
|
Unité
|
i=1
|
i=2
|
i=3
|
Unité
|
jXm
|
0,65
|
0,26
|
mg.mm-3.h-1
,h-1
|
1,25
|
0,333
|
0,25
|
h-1
|
XK
|
0,0004
|
0,18
|
mg.mL-1
|
8
|
9
|
10
|
mg.L-1
|
|
|
|
,mm3 .mL-1
|
|
|
|
|
ÿkE
|
0,67
|
2,05
|
h-1
|
40,0
|
0,2
|
0,0756
|
h-1
|
g
|
0,86
|
4,43
|
-
|
80,0
|
1,0
|
0,504
|
-
|
ÿkM
|
0,0083
|
0,16
|
h-1
|
0,025
|
0,01
|
0,0075
|
h-1
|
|
|