II/ LES EFFETS POTENTIELS DES REDUCTIONS DU TEMPS DE
TRAVAIL
Peu soucieuse des spécificités sectorielles, les
réductions du temps de travail sont venues perturber les
équilibres financiers et organisationnels, parfois fragiles, des
entreprises. Le paysage économique a ainsi été
profondément modifié par la mise en oeuvre des 35 heures,
qui a obligé les entreprises à trouver des modes d'adaptation
à la contrainte externe qu'a représentée la
réduction du temps de travail. Malheureusement, toutes les entreprises
n'étaient pas, de par leur taille et leur situation économique,
dans la capacité d'absorber correctement le bouleversement des RTT.
Si certaines, bénéficiant le plus souvent de la
taille critique nécessaire, ont su tirer profit d'une modification qui
leur était imposée, d'autres ne sont toujours pas parvenues
à résoudre la difficile équation entre réduction du
temps de travail et maintien de leur compétitivité et de leurs
résultats.
De la même façon, la mise en oeuvre de la
réduction du temps de travail dans le secteur de l'hôtellerie
restauration a engendré de réelles difficultés
d'organisation, et là encore, l'éclatement prédomine.
Toutes les entreprises n'étaient pas égales face au passage aux
39 heures, certaines profitant de l'occasion pour procéder à
des restructurations, d'autre subissant la réforme.
A) UN BOULEVERSEMENT POUR LES ENTREPRISES :
1) Les RTT : une relance du
dialogue social dans l'entreprise ?
Au moment de la mise en place des RTT, les partisans de cette
réforme avaient mis en avant, parmi d'autres, l'idée que
celles-ci seraient un moyen de mettre fin à la situation de blocage du
dialogue social qui perdurait à l'époque.
Quel bilan peut-on tirer à cet égard ?
Certes, la période de mise en place des RTT , ayant
été marquée par une augmentation forte du nombre d'accords
signés, une approche numérique pourrait faire croire en effet
à une relance du dialogue social.
Mais en fait, les entreprises n'ont pas
bénéficié du temps suffisant pour la signature d'un
accord, alors que le temps requis était important puisqu'il convenait
d'étudier au préalable les spécificités de toutes
les catégories de salariés, de remettre à plat tous les
processus de l'entreprise, et d'élaborer une vision stratégique
et prospective des modifications.
Il apparaît donc, et contrairement à
l'idée souvent invoquée, que les RTT n'ont qu'artificiellement
relancé le dialogue social dans l'entreprise, puisque entreprises et
partenaires sociaux ont été contraints de négocier.
L'augmentation numérique des signatures d'accord n'est ainsi pas en
elle-même le signe d'une relance du dialogue social dans l'entreprise,
mais bien le résultat mécanique des négociations qui ont
eu lieu, lesquelles, dans la quasi-totalité des cas, ont
été très difficiles, que ce soit dans les grands groupes
ou dans les PME.
En outre, il n'y a pas eu par la suite de capitalisation de la
relance du dialogue social, du fait d'un certain nombre de freins, tenant
notamment à la complexification considérable du code du travail
ou à la division syndicale. A l'inverse, il semble même que les
RTT aient joué un rôle dans le regain des conflits sociaux. Le
nombre de jours de grève dans les entreprises a ainsi augmenté de
41% en 2000, les conflits ayant été en outre plus longs et mieux
suivis.
Les bilans des conflits du travail, établis par la
direction des relations du travail du ministère de l'emploi et de la
solidarité, montrent que la réduction du temps de travail a pris
une place grandissante dans les motifs de conflits, passant de 12% des motifs
de conflits de 1996 à 1998, à 25 % en 1999 et 28,7 % en 2000. Au
cours du deuxième semestre 1999 et du premier semestre 2001, la
réduction du temps de travail est même devenue la première
motivation aux conflits, avant même les revendications salariales.
Nous ne pouvons que nous faire l'écho des propos de
M. Ernest-Antoine Sellière*, qui a déclaré que
« la mise en place des 35 heures a été une
épreuve. Elle a créé de la tension et de la
complexité sociales dans les entreprises »
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