2.2.2.3. Convaincre les citadins de maintenir l'
agriculture francilienne :
Bien que les personnes interrogées semblent à
64,56% avoir des contacts avec des agriculteurs et pensent à 63,29% que
ces derniers répondent biens aux besoins de la société,
ils ne sont que 40,51%, parmi les 53,16% qui ont souhaité s'exprimer sur
la question, à penser qu'il est possible de maintenir une agriculture en
Ile de France, 12,66% pensent que ce maintien n'est pas possible (ce qui est
proche des 16,46% des personnes interrogées qui estiment que
l'agriculture n'est pas en adéquation avec les attentes de la
société).
Le contact agriculteurs - citadins qui permet au moins
d'établir une certaine reconnaissance et une compassion envers les
agriculteurs pour leurs sacrifices fournis, n'est pas pour autant suffisant
pour convaincre les franciliens de penser, voire de souhaiter, le maintien de
l'agriculture en Ile de France ; en effet, parmi ceux qui pensent qu'il n'est
plus possible de maintenir cette activité, certains souhaitent
même sa disparition du territoire régional ! Ils argumentent leurs
points de vue par le fait que la proximité urbaine de l'agriculture
francilienne est favorable à l'exposition directe des cultures
légumières aux différents polluants d'origine urbaine,
pour ces gens, « les légumes produits par l 'agriculture
francilienne pourraient constituer des vecteurs potentiels pour les multiples
polluants urbains qui sont susceptibles de porter dangereusement atteinte
à la santé de leurs consommateurs ». Pour ces citadins
la proximité urbaine de l'agriculture est considérée comme
négative, voire néfaste, pour l'image de cette activité en
Ile de France, par ailleurs, on peut comprendre à travers ces craintes
d'ordres sanitaires, qu'une partie des citadins n'attendent aucune satisfaction
particulière de la part des agriculteurs, puisque ils sont conscients de
l'incapacité de ces derniers à répondre à leurs
préoccupations : ils les invitent donc simplement à quitter les
espaces urbains et périurbains les plus proches des villes.
Le deuxième argument que j 'ai recensé
auprès des détracteurs du maintien de l'agriculture en Ile de
France résulte plutôt d'une préoccupation sociale,
l'agriculture francilienne est perçue ici comme une activité
immobilisante de vastes espaces régionaux au moment où la crise
du logement atteint son paroxysme, pour les défenseurs de cet argument,
« l 'agriculture est incompatible avec les besoins de la
société en terme d 'habitations, il est donc souhaitable
que
celle - ci libère le plus d'espaces possible pour
que la construction de logements soit en adéquation avec les besoins de
la société régionale ».
Face à ces arguments qui reflètent
l'émergence d'un souhait de la disparition de l'agriculture de l'Ile de
France, car elle n'est plus compatible avec les attentes actuelles de la
société, les partisans de son maintien expliquent leur points de
vue par le fait que « c 'est grâce à cette agriculture
que les gens arrivent à se nourrir, ont doit donc la maintenir quels que
soient les coûts ».
Cet argument qui revient le plus souvent (hormis chez ceux qui
souhaitent le maintien de cette agriculture sans vouloir argumenter leur
choix), affirme la place prépondérante que conserve la fonction
« nourricière » de l'agriculture, même si elle
génère aussi d'autres satisfactions (ici fourniture d'espaces
verts) en milieux urbains. Par ailleurs, la coexistence de ces « multi
attentes » des citadins envers l'agriculture, met en évidence la
non substitution des fonctions de cette activité entre elles :
l'apparition de nouvelles attentes vis-à-vis de l'agriculture ne produit
donc pas la disparition des demandes traditionnellement émises à
l'égards de cette activité, une partie assez importante de la
société continue avant tout d'espérer de l'agriculture
qu'elle lui produit sa nourriture.
Le désir de maintenir une agriculture en Ile de France
qui émane de la société francilienne, annonce la mise en
place progressive de nouveaux rapports ville - campagne basés sur la
protection et le maintien de cette activité dans les milieux urbains et
périurbains.
Aujourd'hui, scientifiques, élus, responsables, ou
simples citoyens affichent tous une volonté de participer à ce
maintien selon les intérêts que leur procurent leurs fonctions
respectives au sein de la société. Force est de constater que des
problématiques socioéconomiques sont toutefois susceptibles de
faire émerger des accusations envers cette activité en milieu
périurbain puisqu'elle est perçue en concurrence avec les besoins
les plus urgents des populations (logement par exemple), ces populations ne
peuvent pas souhaiter son maintien. Il faut donc essayer de comprendre
davantage leurs motivations afin de trouver des solutions concertées car
même si leur avis est pour le moment plutôt opposé au
consensus qui s'est installé pour le maintien de cette activité,
il reflète néanmoins une autre vision de la problématique
de l'agriculture en Ile de France qui met en évidence
l'interférence des problèmes sociaux urbains avec l'agriculture
qu'il faut prendre en compte. En effet, si le maintien de cette agriculture
paraît aujourd'hui comme une évidence pour les chercheurs, les
élus et les responsables, le simple citoyen est loin d'être
convaincu puisqu'il n'y voit pas d'intérêt particulier
l'encourageant à fournir d'efforts supplémentaire que cela
exigerait. L'enjeu pour l'agriculture est de convaincre l'ensemble des citadins
sur les multiples services
qu'elle est encore susceptible de leur procurer afin de gagner
leur adhésion aux projets de son maintien : elle doit se montrer utile
pour les citoyens comme elle l'a fait auparavant pour les chercheurs, les
élus et les aménageurs.
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