Conclusion :
Les rapports ville campagne en Ile de France sont en voie de
recomposition. Celle -ci s'effectue essentiellement autour de la
reconsidération de l'agriculture qui continue avec les forêts
d'occuper et de gérer 76% du territoire régional au moment
où les franciliens perçoivent encore leur région
très fortement urbanisée (Poulot et Rouyres, 2005).
L'éloignement progressif du monde agricole est caractéristique
des sociétés dont les modes de vie sont de plus en plus urbains.
Cet éloignement va à contre courant de l'essor de la
périurbanisation qui par définition met géographiquement
les citadins touj ours plus proches des espaces agricoles.
L'exemple de la zone maraîchère de Cergy montre
que même dans les cas extrêmes où l'agriculture se trouve
entièrement contenue dans l'espace urbain, ses échanges avec la
ville qui l'entoure peuvent s'avérés faibles voire même
inexistants. Ainsi, le maintien de l'espace agricole péri ou intra
urbain ne suffit - il pas pour maintenir l'agriculture qui ne peut exister
durablement dans ces milieux que par son aptitude à développer
des liens fonctionnels avec la ville. Des facteurs historiques, sociaux et
économiques définis localement pour l'espace urbain
concerné, influencent considérablement la mise en place de ces
liens.
La participation des agriculteurs à la construction de
l'espace urbain de départ est déterminante puisqu'elle pose des
préalables à l'entente ville - agriculture facilitant
l'intégration de cette activité dans les projets urbains le
moment venu ; ainsi, l'exclusion des agriculteurs dans et par le projet de la
ville nouvelle de Cergy Pontoise explique le climat de méfiance qui
persiste entre l'agriculture et l'agglomération actuelle vouant à
l'échec toute tentative de réintégration urbaine de cette
activité au sein de la ville. Par ailleurs, les caractéristiques
sociales de l'espace urbain en contact direct avec l'agriculture dicte des
modalités de la mise en place de ces liens, elles peuvent soit
constituer un inconvénient majeur ou au contraire le moteur principal
des rapports fonctionnels ville - agriculture ; compte tenu des charges plus
importantes dans les milieux urbains et périurbains, les produits
agricoles proposés à des prix élevés sont en
inadéquation avec les attentes des populations qui ont une moindre
capacité économique à les rémunérer : les
agriculteurs de la zone maraîchère
préfèrent ainsi parcourir des distances plus
importantes pour se rapprocher de Paris afin d'écouler leur production,
les marchés de l'agglomération sont abandonnés car
fréquentés par les populations à faibles revenus
installées avec la ville nouvelle. Parce qu'elle a su s'adapter
même aux budgets les plus modestes, la grande distribution assure
désormais le ravitaillement de cette population en produits agricoles,
la concurrence des prix qu'elle exerce avec les revendeurs sur les
marchés forains de l'agglomération réduit les chances de
l'agriculture à réinvestir ces marchés.
L'analyse des tentatives de réintégration de
l'agriculture en ville nouvelle de Cergy Pontoise met en évidence
l'importance de la cohérence des objectifs des projets urbains en oeuvre
avec les stratégies de l'agriculture concernée : tandis que
l'agglomération réclame avant tout à l'agriculture qu'elle
lui préserve un cadre de vie à travers l'entretien et la gestion
de l'espace considéré comme vert, et plus récemment, de
participer à la constitution d'une identité patrimoniale pour la
ville, l'agriculture de la zone maraîchère souhaite plutôt
pouvoir vendre ses productions à des citadins de moins en moins
intéressés par les marchés forains.
La réintégration urbaine de l'agriculture est
possible, reste à définir les modalités et les voies de sa
mise en place. Dans l'attente de la rémunération de ses nouvelles
fonctions, la consolidation de son rôle nourricier reste un moyen
efficace puisque c'est dans ce dernier que se reconnaît encore
l'agriculture : la reconversion des agriculteurs en jardiniers est à la
fois refusée par plusieurs chercheurs et par les agriculteurs
eux-mêmes. Les stratégies visant la reconquête des
marchés urbains sont à encourager, toutefois, elles
requièrent le maintien de la clientèle citadine sur ces
marchés. De ce fait, les agriculteurs doivent s'activer dans cette voie
en explorant toutes les opportunités y compris celles qui
relèvent du marketing et de la communication ; ils doivent adapter leurs
politiques de production et de commercialisation aux populations
ciblées.
Compte tenu de la nature des interactions de l'agriculture
avec les sociétés des milieux urbains et périurbains
(difficultés de circulation, vols et dégradations, vente directe
des productions) il est plus raisonnable de favoriser les relations de
l'agriculture avec la population citadine de ses voisinages immédiats
cars c'est avec elle que cette activité partage la gestion de son espace
; les stratégies à adopter doivent ainsi tenir compte des
caractéristiques de chaque espace urbain concerné par
l'agriculture en question. Même si l'on se permet encore d'évoquer
l'espace périurbain lui reconnaissant une certaine
homogénéité, les stratégies de maintien de
l'agriculture dans ces espaces ne deviennent efficaces que si elles sont
définies à partir des données propres à chaque
contexte : les agricultures périurbaines qui soulèvent des
problématiques adaptées à chaque situation, doivent
être considérées à une
échelle plus locale sans, pour autant, exclure les
analyses globales à des niveaux d'observation plus
élevés.
Lorsque ces stratégies sont réfléchies
dans le sens de maintenir l'activité agricole viable à travers le
rétablissement de ses liens avec la ville, elles deviennent durables
notamment dans le cas où l'agriculture se trouve déjà
urbaine par sa localisation : étant déjà très
sollicitée par de multiples usages urbains (expression, sports,
promenades), l'agriculture doit accélérer son intégration
en ville afin d'éviter qu'elle reste en décalage avec la forte
assimilation de son espace par les populations urbaines. Elle peut commencer
par s'engager dans des voies de son rapprochement avec les citadins, celles -ci
s'effectuent principalement par la considération de leurs attentes ainsi
que par la consolidation de son image auprès de la société
urbaine.
Liste des illustrations :
Figures :
Figure 01 : Le périmètre de la ceinture verte de
la région d'Ile de France 12
Figure 02 : La zone maraîchère de Cergy : un espace
agricole urbain 20
Figure 03 : Le centre de la ville nouvelle de Cergy Pontoise en
1999 22
Figure 04 : La zone maraîchère de Cergy : un espace
fortement convoité 36
Figure 05 : Les rotations sur une exploitation agricole de type
A 40
Graphes :
Graphe 01 : Les catégories d'âge des personnes
interrogées 08
Graphe 02 : La répartition de l'urbanisation francilienne
(1982 /1999) 15
Graphe 03 : La part de l'agriculture dans l'espace ouvert
à Cergy 30
Graphe 04 : La vente de leurs produits, principale
inquiétude des agriculteurs français 64
Graphe 05 : Le nombre d'achats de légumes par semaine
66
Graphe 06 : Les lieux d'approvisionnent en légumes 67
Graphe 07 : Les marchés victimes de leur
inaccessibilité 68
Graphe 08 : La fraîcheur, premier critère de
sélection des légumes 70
Graphe 09 : Les catégories de comportements des clients
pour sélectionner les légumes 71
Graphe 10 : La définition de l'espace agricole
périurbain d'après les citadins 72
Graphe 11 : L'appréciation du travail agricole par les
citadins 74
Graphe 12 : L'état du contact des personnes
interrogées avec les agriculteurs 75
Photos :
Photo 01 : Le site de la ville nouvelle avant l'urbanisation
(photo non datée) 22
Photo 02 : L'emprise au sol des poteaux électriques sur
les parcelles cultivées 33
Photo 03 : La zone maraîchère de Cergy, un espace
habité 34
Photo 04 : Décharge sauvage en zone
maraîchère de Cergy 35
Photo 05 : Revente de fruits et légumes sur le
marché de Cergy Saint Christophe 50
Photo 06 : Des plaques pour protéger l'agriculture en
zone maraîchère de Cergy 52
Photo 07 : Des serres taguées en zone
maraîchère de Cergy 58
Tableaux :
Tableau 01: Les espaces ouverts au public par le projet de la
ceinture verte (jusqu'en 1990) 13
Tableau 02: Les espaces agricoles et forestières en Ile
de France avant la ceinture verte 13
Tableau 03: Les dix projets agri - urbains de l'Ile de France
18
Tableau 04: L'état du foncier agricole de la zone
maraîchère de Cergy (juin 2006) 38
Tableau 05: La main d'oeuvre salariée sur une
exploitation de 9 ha « type A » 39
Tableau 06: Comparaison entre deux exemples d'exploitations
(type A et type B) 42
Tableau 07: Les marchés forains de l'agglomération
de Cergy Pontoise 49
Tableau 08: La composition de la main d'oeuvre salariale
à Cergy Pontoise 50
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