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Recomposition des rapports ville - campagne en Ile de France: exemple de la zone maraichère de Cergy

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par Ibrahim HESSAS
Université Paris X (nanterre) - Master I Géographie et améngement (mondialisation et dynamiques rurales comparées) 2006
  

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2.2. Le renforcement du contact agriculteurs - citadins :

2.2.1. L'obstacle : un recul des clients sur les marchés forains :

A l'unanimité, les agriculteurs rencontrés expriment tous le souhait de voir les gens « revenir faire leurs courses sur les marchés » afin qu'ils puissent vendre les produits de leurs exploitations. Selon eux, la baisse des ventes est une conséquence directe du recul de la clientèle sur les marchés qui s'effectue dans un climat de changements profonds dans les modes de vie et de consommation de la société. Particulièrement adaptée à ces évolutions, la grande distribution exerce une attraction sans précédent sur les consommateurs (adaptation aux horaires de travail, adaptation des gammes de produits proposés).

Dans ce contexte de grande concurrence, les marchés forains sont de moins en moins fréquentés, l'existence d'un décalage entre leur activité et les aspirations de la société est de plus en plus perceptible par les agriculteurs ; ils n'hésitent pas à exprimer leur sentiment que les évolutions de la société ont malheureusement pris des orientations qui vont plus à l'encontre de leurs attentes « aujourd'hui, les gens préfèrent les sandwichs et les plats cuisinés, nos clients sont souvent des habitués, le renouvellement de la clientèle pose un véritable problème au maintien de nos activités sur les marchés », explique un exploitant. Convaincu que les agriculteurs ne peuvent plus fournir d'effort supplémentaire, cet agriculteur estime que « c 'est aux citadins de faire le pas s 'ils veulent maintenir l 'agriculture, ils peuvent commencer par se rendre souvent sur les marchés pour acheter nos produits ».

Garantir les débouchés à leurs productions est la préoccupation la plus partagée par les agriculteurs de la zone maraîchère, les problèmes les plus directement liés au contact urbain (vols, dégradations et autres) passent au second degré dès qu'ils évoquent les difficultés rencontrées pour la commercialisation de leurs productions. Un ouvrier maraîcher m'a confirmé que son employeur fait de plus en plus recours à la destruction des légumes non vendus qui reviennent des marchés ; contrairement aux revendeurs qui pratiquent couramment la baisse des prix afin d'écouler leurs marchandises surtout à la clôture des marchés, les agriculteurs préfèrent détruire les légumes non vendus afin de garder les prix à leur niveau acceptable.

La crainte de ne pas pouvoir écouler leurs productions n'est pas une préoccupation propre aux agriculteurs de la zone maraîchère, ni à ceux de la région d'Ile de France, les chambres d'agricultures ont montré à travers une études menée en 2004 que c'est la principale préoccupation des agriculteurs au niveau national.

Dans cette étude, treize chambres départementales d'agriculture ont mené deux enquêtes auprès de 565 agriculteurs, d'une part, et de 140 agents de développement agricole, d'autre part ; l'objectif étant de hiérarchiser les préoccupations des agriculteurs et de préciser leurs attentes en matière de services afin de produire des méthodes et d'outils pour les conseillés et les agriculteurs pour faire face aux nouvelles exigences de la PAC.

Publiés en 2006, les résultats de cette enquête, qui a couvert la majeure partie du territoire national, confortent les remarques que j 'ai retenu à propos de la part des débouchés de leur production dans les principales attentes des agriculteurs recensées en zone maraîchère de Cergy.

Graphe 04 : La vente de leurs produits, principale inquiétude des agriculteurs français.

Charges opérationnelles

Organisation du travail

Qualité des produits

Transmission

Image du métier

Relations hum aines

Techniques

Organisation administrative

Foncier

Prix- débouchés

15%

10%

5%

0%

Orientation du système Temps de travail

Contrôles

Réglem entation

Trésorerie- endettement Charges de structure

Pérennité
Investissement

Source des données : Chambres d'agriculture (2003)

Devant la rareté de la clientèle de plus en plus ressentie sur les marchés, les agriculteurs deviennent très vulnérables à la concurrence que leur exercent les produits importés de l'étranger et qui saturent le marché avant même que les produits locaux soient mis en vente. Il n'hésitent pas d'exprimer le sentiment d'être sacrifiés au nom des échanges internationaux et de l'élargissement de l'Europe ; ainsi en mai 2005 certains agriculteurs que j 'ai rencontrés dans le Vexin français quelques j ours avant le référendum sur la constitution européenne, m'ont explicitement signifié à l'époque qu'ils sont à la base contre tout élargissement européen et par conséquent, ils voteront « Non » par crainte d'être envahi par des produits venant de l'Est ! Une année après, les agriculteurs de la zone maraîchère entretiennent les mêmes craintes vis-à-vis des produits étrangers en leur imputant leurs difficultés actuelles à écouler leurs propres produits. En réalité, et c'est ce que j 'ai compris à travers leurs arguments, la présence, elle-même, des produits étrangers sur les marchés locaux ne dérange pas les agriculteurs, en revanche, ce qui leur pose problème c'est de ne pas pouvoir les concurrencer notamment sur les prix ; l'une des principales explications de cette impuissance réside, selon ces agriculteurs, dans l'élévation excessive des charges en Ile de France plus qu'ailleurs ; la périurbanisation qui met les citadins géographiquement proche de l'agriculture expose cette activité au regard att entif des consommateurs, les agriculteurs doivent fournir plus d'efforts physiques et financier car en plus de la production proprement dite, ils doivent veiller à montrer une bonne image auprès des citadins. C'est une situation qui

devient de plus en plus contraignante tandis que les producteurs étrangers à la région continuent de travailler dans des conditions entièrement ignorées par les franciliens qui ne peuvent juger que l'état du produit final qui leur est proposé (d'ailleurs avec une qualité qui n'a rien à envier à celle des produits franciliens), « en plus de leurs prix bas, ils deviennent de plus en plus bons en terme de qualité, on parle d'Ile de France, énorme bassin de consommation, il ne faut pas croire, ce n 'est pas pour nos produits ! », reconnaît un agriculteur.

Si le retour des citadins sur les marchés forains demeure pour les agriculteurs le signal le plus significatif en faveur du maintien de leur activité en Ile de France, les tendances actuelles des franciliens à déserter les marchés continuent d'aller à l'encontre des attentes des producteurs (notamment maraîchers). Les raisons de ce désaccord qui sont liées, pour une grande partie, à l'ajustement des modes de consommation sur les modes de vie urbains, prennent des apparences multiples dans la société.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon