1.2. Les tags : pressions urbaines, ou appropriation
citadine de l'agriculture :
La coexistence de l'agriculture avec d'autres usages de la
zone maraîchère suscite des interactions et des rapports qui sont
parfois marqués par une compétition accrue notamment lorsqu'il
y'a concurrence pour certains objectifs partagés ; ainsi les tagueurs
qui semblent, comme les agriculteurs, conscients de la bonne exposition que la
ligne A du RER est susceptible de leur procurer, exploitent vivement cette
opportunité au risque de compromettre gravement le travail des
agriculteurs. Ces derniers voulant, à leur tour, profiter de
l'exposition pour afficher leur pratique de vente à la ferme, ont
placé leurs serres avec des panneaux publicitaires dans des endroits
bien visibles à partir du RER, ils ont ainsi offert aux tagueurs de
formidables supports pour se montrer à leur façon.
L'ampleur de ce phénomène est très
perceptible dans certains endroits de la zone maraîchère, ainsi
dès qu'un nouveau plastique est mis en place, il est vite gagné
par des tags de différentes formes (j 'ai même
repéré des plastiques tagués sur près de 20 % de
leur surface bien avant que leur mise en place sur les serres ne soit
complètement achevée), une fois tagués, les plastiques
deviennent opaques et voient leur capacité d'effet de serre,
recherché en plasticulture, chuter. Le préjudice pour les
agriculteurs est d'ordre multiple; il est d'abord agronomique (retard de
croissance des cultures concernées avec le surplus que cela induit en
travail et en apports d'intrants suite à l'opacité des
plastiques), mais aussi commercial car vecteurs d'une image négative de
la zone maraîchère (image d'insécurité) puisque les
tags sont susceptibles de dissuader d'éventuels clients qui, en les
voyant, renoncent de se rendre sur place pour s'approvisionner en
légumes frais. A cela s'ajoute des dommages collatéraux
se produisant au moment même de la mise en place des tags
(piétinement des cultures, endommagement des clôtures...).
Photo 07 : Des serres taguées en zone
maraîchère de Cergy.
Source : Travail de terrain (Mai 2006)
En analysant la localisations et la disposition des tags, on
s'aperçoit qu'elles répondent à une logique bien
particulière: tous les tags sont orientés suivant un angle qui
leur permet au maximum d'être vus à partir du RER. Le lien entre
l'emplacement des tags et leur visibilité à partir du train
s'établit facilement puisqu'ils ne couvrent que les surfaces les plus
visibles des serres les plus proches de cette voie de transport. Plus loin de
celle - ci, les serres ne portent aucun tag ; plus justifiant encore, les
surfaces non exposées des serres même très proches du RER,
demeurent indemnes de toute forme de tags. On constate ainsi que les
motivations des tagueurs ne résident pas dans la volonté de
dégrader les serres car, si c'était le cas, ils auraient pu
taguer aussi des serres qui ne sont pas visibles du train, voire conjuguer
d'autres types de dégradations avec les tags (par exemple
déchirer les plastiques...) : la présence des tags ne constitue
donc pas une réponse aux atteintes au pays age et à
l'environnement que les serres évoqueraient aux citadins en illustrant
un certain productivisme de l'agriculture, elle n'est pas non plus une forme
gratuite de pression urbaine sur l'agriculture, elle représente par
contre
une tendance à l'assimilation de cet espace à un
espace urbain ce qui illustre une appropriation citadine de l'activité
agricole. Un rôle particulier se dessine pour l'agriculture en zone
maraîchère ; celui de fournir le support d'expression à une
certaine catégorie sociale (les tagueurs).
Si les exploitants ont choisi d'ignorer ces tags, le plus
touché d'entres eux continu de lutter seul contre ce
phénomène. Conscient de l'importance de la visibilité
à partir du RER pour les tagueurs, il a procédé par la
mise en place d'un film plastique vert en attendant que grandissent les arbres
qu'il a planté pour camoufler les tags.
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