SECONDE PARTIE : L'ANIMAL EN TANT QUE
PROFESSIONNEL
1 - LES DIFFERENTES ACTIONS EN PRATIQUE
1) L'école des chiens guides pour aveugles
« Quand l'enfant aveugle ou sourd atteindra le
même niveau de développement que l'enfant normal, le défaut
dont il sera affligé l'aura contraint d'y parvenir d'une autre
façon, en suivant une autre voie et en employant d'autres
moyens »(Cf : Guidetti et Tourrette « Handicaps et
développement psychologique de l'enfant »).
La notion de vicariance a été énoncée
par Reuchlin pour rendre compte des différences individuelles dans le
fonctionnement cognitif. Il ne faut pas considérer les enfants
handicapés comme des enfants standard avec quelque chose en moins, mais
comme des êtres en développement dont les conduites vont
s'organiser à partir de leur handicap.
L'apparition de processus vicariants ou de
remplacements fait partie des voies d'accès au développement
normal. Pour s'adapter à son environnement et grandir avec son handicap,
l'enfant utilise des processus qui vont se substituer à ceux qui lui
manquent, par exemple l'aveugle va développer ses autres sens, comme le
toucher, l'ouie, le langage, la mémoire.
De même, par l'apprentissage de la
locomotion, la personne aveugle apprend à se
déplacer de façon autonome en dépit de son handicap. C'est
une aide pour comprendre l'espace qui l'entoure, elle fait appel à la
mémoire, à la concentration. Pour faciliter l'apprentissage de la
locomotion, l'utilisation d'une canne est indispensable. Quand la personne peut
gérer son orientation dans l'espace, et est capable de se
déplacer, l'utilisation d'un chien guide, de l'école des chiens
guides d'aveugles peut être envisagée.
Le chien guide constitue une aide précieuse pour la
personne aveugle, il est une possibilité de développement
locomoteur et d'accès à une plus grande
autonomie. (Cf : Antoinette Berveiller Vivre avec un
aveugle). Le chien guide va faciliter la vie de la personne aveugle et
contribue ainsi au développement du processus vicariant.
Le livre de Philippe Chazal foisonne d'exemples où des
personnes aveugles ont pu acquérir une plus grande autonomie grâce
à la présence de leur chien guide. Je citerai quelques uns
d'entre eux : Liberto C.
« J'ai perdu la vue à l'âge de 15 ans.
J'ai été embauché aux usines Merlin à Grenoble. Les
difficultés furent multiples car à cette époque je
dépendais exclusivement dans l'exercice de mon travail d'une personne
désignée par la direction pour me guider dans mes
déplacements entre les ateliers, vers la cantine.
C'est alors que ma vie a changé grâce à
l'aide utile du chien guide que l'on m'offrit.
Désormais autonome dans mes mouvements, je pouvais me déplacer
plus facilement avec mon compagnon et mon travail s'en trouva
facilité. »
Pour Bernard B. « Jeune enseignant récent
à Paris je n'avais quasiment aucune autonomie ambulatoire, je me suis
familiarisé avec l'usage de la canne blanche, cependant on doit
reconnaître que le symbole canne blanche créait une relative
barrière entre mes collègues et moi. Depuis j'assume toutes mes
activités, accompagné d'un chien guide. Cette
mutation a considérablement facilité mes relations à
l'intérieur et à l'extérieur de
l'université. »
Je voudrais terminer sur le témoignage de B.
éleveur de pur sang, qui est devenu aveugle à la suite d'un
accident : « Je n'ai jamais accepté ma
cécité, j'apprends à vivre avec, j'ai eu des moments de
découragements car je me demandais s'il me serait possible de continuer
dans l'élevage. La solution c'est imposée d'elle-même,
adopter un chien guide d'aveugle. 14 mois après cette
décision, Prisca est entrée dans ma vie. Sans elle, je pense que
je n'aurai pu continuer dans cette profession » (Cf. Magazine Etre
Handicap.Information n°66).
2) Les singes capucins au service des personnes
handicapées
C'est du programme d'aide simienne aux
tétraplégiques (P.A.S.T), qui a débuté en 1977
jusqu'en 1996 que Myriam Baran nous fait part dans son livre intitulé
« Maman singe ». Au cours de ce programme qui se
déroule au centre de Kerpape en Bretagne prés de Lorient, elle
intervient en tant que comportementaliste dresseur de singes
capucins destinés à apporter une assistance technique à
des personnes totalement paralysés. En redonnant à ces corps
immobiles le goût de « faire » grâce à
leurs mains habiles, les singes capucins leur permettent d'agir, mais aussi de
se distraire. Ils s'avèrent des petits compagnons efficaces et
attachants. (Cf. Myriam Baran).
Les singes sont uniquement éduqués par un
conditionnement opérant avec renforcement
positif : ils sont récompensés lorsqu'ils répondent
correctement et ne sont simplement pas récompensés lorsqu'ils
font mal. Ils ne sont jamais punis, les punitions sont réservées
aux bêtises simiennes commises.
Il leur faudra presque un an à peu près pour
connaître les principaux gestes d'aide aux personnes, par exemple :
- placer sur demande les objets désirés à l'endroit
indiqué, les attraper lorsqu'ils sont inaccessibles à la main
humaine.
- Ouvrir et fermer les portes, appeler un ascenseur, manipuler
appareils vidéo et interrupteur. - Apprendre à donner à
manger et à boire sans se servir au passage, mettre le bâton
buccal dans la bouche pour pouvoir tourner les pages d'un livre.
Selon le vétérinaire Patrick Pageat, ce programme
ne se montra pas aussi encourageant que cela, du fait que le singe, bien qu'il
rende de grands services, demande plus de soins en ce qui concerne l'entretien
de sa cage et du fait qu'il doive porter des couches pour sa propreté.
Il y a parfois des difficultés de cohabitation avec d'autres
animaux.3) Le chien d'assistance pour le handicap
moteur
L'association nationale d'éducation de chiens
d'assistance pour personnes handicapées a été
crée en 1989. Cette association sans but lucratif a pour mission
d'éduquer des chiens d'assistance capables d'aider, dans des situations
de la vie quotidienne, les personnes handicapées en fauteuil roulant.
L'ANECAH, baptisé en 2004 HANDI'CHIENS met ainsi la
complicité qui unit l'homme et le chien au service d'une grande
cause : l'autonomie des personnes atteintes d'un handicap moteur.
L'A.F.M. (Association Française contre la Myopathie) fut
un des partenaires privilégiés du PAST et de l'ANECAH (Cf :
Myriam Baran). L'A.F.M. dont les stratégies sont la recherche
fondamentale sur le plan génétique pour éviter la survenue
de certaines maladies et le financement de la découverte de traitements
médicaux, chirurgicaux et thérapeutiques
Le troisième champ d'intervention est de soutenir tout ce
qui concerne la compensation du handicap par différents moyens, comme
l'accessibilités des lieux et moyens de transports, les aides humaines,
les aides techniques (fauteuil électrique ou autre) et l'aide
animalière.
L'aide animalière est parfaitement
reconnue en particulier dans la nouvelle loi sur le handicap, comme un moyen
efficace de compensation des incapacités des personnes atteintes d'un
handicap moteur. Elle facilite indiscutablement leur insertion sociale.
P. Gohet délégué interministériel aux
personnes handicapées nous dit : « Le chien rend de
remarquables services, il aide véritablement son maître. C'est un
soutien moral et affectif, il établit le lien social
avec l'environnement. De plus l'animal n'a pas la subjectivité d'une
personne humaine, ni la froideur d'une machine. » (Cf : Lettre
de l'ANECAH juin 2OO4).
En ce qui concerne H. Montagner, à propos de la
subjectivité de l'animal, il écrit :
« Ils se sentent aimés, compris, et reconnus par un partenaire
qui ne demande pas de comptes et ne mesure jamais ses élans à
l'interaction. Ils lui parlent comme s'il était un confident. Par les
émotions et les affects qu'ils mobilisent et partagent, l'enfant et le
chien développent souvent entre eux un attachement profond. »
(Cf : L'enfant et l'animal)
Le chien fait oublier le fauteuil, c'est le
témoignage donné par Arthur (cf : Etre HandInformation
n°46) : « Il y a que du positif depuis l'arrivée de
Nacre (chienne d'assistance). C'est bien sûr une aide, mais c'est aussi
un copain. Grâce à la chienne, Arthur s'est ouvert aux autres.
Dorénavant, il sait qu'il est responsable de quelqu'un et est tout
à fait conscient que c'est lui le maître de Nacre ! C'est
aussi une porte ouverte sur l'extérieur. Il y a trois mois, les gens de
la rue ne s'intéressaient pas à lui. Grâce à la
chienne les choses ont changé. »
Depuis sa création l'Handi'chien (ANECAH) a remis plus de
450 chiens d'assistance, et depuis 1997, 50 chiens par an.
Acheté à l'âge de 2 mois chez l'éleveur, le chien
passe 16 mois en famille d'accueil et 6 mois au centre d'éducation de
l'association. Pour obtenir un chien une personne handicapée doit
réellement le désirer faire preuve d'une motivation suffisante
pour prendre la responsabilité d'un animal :
- Avoir un bras semi valide afin de tenir la laisse, caresser le
chien et récupérer un objet rapporté. - Avoir une
élocution compréhensible par le chien avec de bonnes intonations.
- Participer à un stage de passation de 15 jours. (Cf : Dossier
fourni par l'ANECAH).
- Il n'existe pas moins de 53 commandes qui doivent être
mémorisées par le futur maître chien. L'intonation est
très importante. C'est au bout du 13éme jour qu'un chien est
spécifiquement attitré à chacun. Pour Arthur se fut Nacre.
(Cf : N°46 Etre Handicap Information).
3) Le choix de l'animal
Le choix de l'animal qui va accompagner et assister un enfant
handicapé moteur dépend de ce que les adultes décident,
mais aussi des caractéristiques des animaux et de la nature et de la
gravité du handicap. Au plan des régulations émotionnelles
et affectives qui autorisent les interactions accordées (voir les cinq
compétences socles), certains petits mammifères (hamsters,
cobayes, souris, rats, lapins) sont des partenaires
« inconditionnels » qui apportent beaucoup de
sécurité affective et un grand bonheur aux jeunes enfants
handicapés. (Cf : H. Montagnier).
Ces petits animaux de compagnie sont des amis confidents,
complices et des agents qui créent du narcissisme.
Lorsque l'enfant est à l'hôpital, l'animal, s'il est
autorisé, est selon Hubert Montagnier : « Structurant
médiateur, réceptacle d'émotions et d'affects, substitut,
agent de transfert qui autorise entre l'enfant et ses visiteurs une
communication et une relation dégagées de la maladie, de
l'angoisse de séparation, de l'insécurité et des
peurs. »
Des espaces peuvent être aménagés et des
lieux de rencontres pour enfants avec les animaux, comme les fermes
pédagogiques, les refuges S.P.A. (société protectrice des
animaux). C'est ce que préconisent les spécialistes de la
thérapie assistée par l'animal. Nous y reviendrons au paragraphe
suivant.
II) LA ZOOTHERAPIE OU THERAPIE ASSISTEE PAR
L'ANIMAL
1) Les précurseurs en la matière
Dans son livre publié en 1973, Ange Condoret :
« L'animal compagnon de l'enfant », nous fait part des
illuminations induites par les évolutions des tourterelles dans le
regard et sur le visage d'une enfant autiste qui était restée
indifférente à son environnement pendant des mois. Ange Condoret
en France et Boris Lewinson en Amérique (1969-1985) sont
considérés comme des précurseurs en ce qui concerne la
thérapie assistée par l'animal ou la
zoothérapie.
Boris Lewinson est considéré comme le père
de la zoothérapie. Il est alors psychologue pour enfants, et s'occupe
d'un enfant nommé John quasiment autiste, dont les parents ne savent
plus quoi faire. Le psychologue qui les reçoit dans son bureau, ne s'est
pas aperçu de la présence de son chien Jingles. C'est alors que
se produit l'inattendu. Jingles part en reconnaissance de celui qui lui semble
le plus attrayant : l'enfant. Il le renifle amicalement, le regarde, tant
et si bien que John, sous l'oeil ébahit de ses parents, se met à
caresser l'animal, à lui porter attention. Les parents et le psychologue
sont forcés de voir qu'il se passe quelque chose. A la fin de
l'entretien John demande quand il pourra revenir jouer avec son nouvel ami.
Le psychologue décide de répéter
l'expérience au cours de nouvelles séances, et il s'introduit
peu à peu dans la relation privilégiée qui s'est
établie entre l'enfant et l'animal. Il entreprend alors une
véritable thérapie, avec la complicité bien involontaire
de Jungles, thérapeute malgré lui. Celle-ci aboutit à une
très nette amélioration de l'état du petit
garçon.
Lewinson utilisera par la suite, de manière plus
systématique, l'animal familier, chien ou chat selon le
tempérament de ses patients pendant les consultations. Cette
théorie s'appuie sur le fait que le jeu est le meilleur moyen de
communiquer. Or le royaume de l'enfant est celui du jeu par excellence. D'autre
part, à un certain stade du développement de l'enfant, avant huit
ans, celui-ci est encore marqué par l'animisme : autrement dit il
est persuadé que l'animal est comme lui, qu'il raisonne de la même
manière.
On observe chez le jeune enfant une identification partielle
à l'animal, qui constitue dés lors un formidable lieu de
projection, car il est souvent plus facile pour l'enfant de raconter sa vie et
ses angoisses à travers la voix qu'il prête au chien et au chat.
L'ensemble de ses expériences et de ses réflexions qui fait
aujourd'hui figure de référence a été publié
en 1969 et en 1972 : Pet-Oriented Child Psychotherapy et Pets and Human
Development.
Caroline Bouchard dans son livre intitulé :
« Les effets bénéfiques des animaux sur notre
santé » a expérimenté la thérapie
assistée par l'animal au Canada, où c'est une méthode
très courante proposée en vue d'améliorer la santé
des enfants des personnes âgées et des prisonniers. Elle nous
retrace dans son livre l'histoire de cette thérapie dont les effets sont
reconnus.
La définition est celle-ci : C'est une
activité qui s'exerce sous forme individuelle ou en groupe à
l'aide d'un animal familier, soigneusement
sélectionné et entraîné, introduit par un
intervenant qualifié « zoothérapeute » dans
l'environnement immédiat d'une personne chez qui l'on recherche à
susciter des réactions visant à maintenir ou à
améliorer son potentiel cognitif, physique, psychosocial ou affectif.
(Cf déf. Institut Français de Zoothérapie)
2) Des expériences avec les personnes
âgées
Caroline Bouchard cite un ouvrage de K. Bustad :
« Les animaux, la vieillesse et les personnes
âgées » où il recense les différentes
contributions de l'animal à la compréhension des problèmes
liés à la vieillesse, autant dans le but de faire progresser la
médecine gériatrique que d'apporter assistance et compagnie aux
personnes âgées.
Les champs d'application étudiés par Bustad
concernent aussi bien les maladies cardio-vasculaires, le cancer,
l'ostéoporose, que les troubles mentaux (sénilité). Le
résultat de ces études montre que le changement de style de vie
peut modifier l'évolution des maladies
dégénératives. Ses expériences prouvent que le fait
de s'occuper d'un animal est particulièrement bénéfique
pour la santé et le bien-être des personnes âgées.
L'effet catalyseur de l'animal
déjà observé par Boris Lewinson, est
remarqué par P.Salmon sur un groupe de personnes âgées,
parmi lesquels ont introduisit une mascotte, un ex-chien-guide d'aveugle,
appelé Honey.
Avant l'arrivée du chien, il n'existait pratiquement
aucune communication entre eux. La première phase d'intégration
du chien dans l'hôpital ne se déroula pas aisément.
S'ensuivirent moult discussions pour argumenter et vaincre les
réticences. Finalement Honey fut accepté progressivement en tant
que « chien d'hôpital », fait totalement novateur.
Actuellement on tend à développer ces
expériences dans les maisons de retraite, et les hôpitaux. Par
exemple dans une maison de retraite pour personnes handicapées en
région parisienne appelée : « La maison de
Liliane », on trouve un certain nombre d'animaux, dont les
résidents doivent s'occuper.
3) L`équitation thérapeutique ou
thérapie assistée par le cheval
L'équitation thérapeutique est une
méthode qui utilise certaines techniques de dressage, une
pédagogie originale et une relation triangulaire
cavalier-cheval-thérapeute, en vue du mieux-être physique et
mental d'un individu.
Pour Handi-Cheval, « le cheval sert de médium
pour les enfants infirmes (au niveau) moteur (et) cérébral
(souvent à la suite d'accidents), les handicapés mentaux et les
jeunes enfants ayant des troubles du comportement ».
Pour l'association plus de 100 mille personnes atteintes de
divers troubles (paralysie cérébrale, déficiences,
scléroses, retard mental, maladies cardio-vasculaires, etc.)
bénéficient aujourd'hui de ce type de rééducation,
la RPE (rééducation par l'équitation)
agissant plus d'un point de vue somatique que psychologique. Cette
thérapie favorise la recherche permanente d'équilibre et la
coordination des mouvements, ses résultats sur les infirmes moteurs sont
époustouflants : les patients améliorent très
nettement le contrôle de leurs réflexes musculaire, le maintient
de leur tête et de leur tronc.
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