Chapitre 2
ANALYSE CRITIQUE DES MODES D'INSTRUMENTALISATION
JURIDIQUE DE L'EGALITE DES SEXES
L'égalité de sexes telle qu'établie par
les conventions internationales sur les droits de la personne humaine oblige
les [tats parties a consacrer et respecter une égalité des normes
juridiques pour les hommes et pour les femmes. [lle appelle également
les gouvernements a s'engager dans la mise en place de conditions pour la
réalisation d'une égalité dans les faits entre les
individus des différents sexes. Des lors, diverses approches juridiques
ont été développées, pour réaliser
l'égalité entre les hommes et les femmes. Les premiers pas de la
construction de l'égalité ont été faits a travers
l'uniformisation des droits pour les hommes et les femmes
(égalité formelle). [nsuite, il a été
constaté que l'égalité des sexes ne pouvait se
réaliser sans la prise en compte des différences qui existaient
entre les hommes et les femmes. La construction de l'égalité des
sexes s'est ainsi développée a travers des formes successives
d'instrumentalisation que sont l' égalité devant la loi,
l'égalité de traitement, l'égalité des chances et
l'égalité des résultats34.
Section 1 L'EGALITE PAR L'UNIFORMISATION : L'EGALITE
FORMELLE
Les premieres dispositions légales relatives a
l'égalité des sexes se sont attachées a la formulation des
mêmes droits pour les femmes que pour les hommes. Pour
l'égalité des sexes, il faut en effet que les deux sexes puissent
de manière indifférenciée se prévaloir des
mêmes droits devant la loi et bénéficier d'un traitement
identique par cette loi. L'uniformisation des droits pour les hommes et les
femmes permettait ainsi de réaliser l'égalité formelle
entre les personnes de différent sexe.
34VOGEL-POLSKY, E., op. cit., P. 12.
Paragraphe 1 L'égalité devant la loi
Première approche utilisée pour
l'égalité des sexes, elle vise essentiellement
l'égalité formelle des hommes et des femmes devant la loi.
L'égalité devant la loi exige que la loi traite toutes les
personnes semblables de la même façon. Suivant la théorie
de l'égalité devant la loi, l'absence de traitement
différent des hommes et des femmes dans le libellé de la loi et
l'application de celle ci assure l'égalité des sexes.
Cette approche est applicable et très utile dans les
domaines oi les hommes et les femmes se trouvent dans des situations identiques
tel le droit de vote ou l'autorisation d'accès a certains
métiers. Mais, lorsqu'ils ne se trouvent pas dans des situations
identiques, ce qui est souvent le cas, le modèle de
l'égalité devant la loi n'est d'aucune utilité pour
réaliser l'égalité des sexes. Ce modèle permet au
contraire dans de tels cas de perpétuer la discrimination parce que
n'arrivant pas a éliminer l'inégalité réelle des
conditions. En effet, pour prétendre a l'égalité dans la
théorie de l'égalité devant la loi, il faut être
semblable ou se trouver dans des situations semblables. Et la norme est
établie par rapport au groupe favorisé. Pour jouir des
mêmes droits que les hommes, la femme doit donc démontrer qu'elle
leur est semblable et réciproquement.
Ainsi, dans la mesure oi les hommes et les femmes ne sont pas
identiques pour des raisons biologiques ou parce que la société
leur attribue un statut différencié les placant dans des
conditions différentes, ils ne peuvent parvenir a
l'égalité des sexes devant la loi. En insistant sur la
comparabilité étroite comme critère d'accès a
l'égalité, l'égalité devant la loi fait fi des
différences biologiques et socio-culturelles qui existent entre les
hommes et les femmes. L'égalité devant la loi est ainsi
partiellement inopérante dans le cadre de l'égalité des
sexes car elle n'appréhende et n'autorise pas la prise en compte des
différences liées au sexe. Comme souligné par Rebecca
COOK, ((en vertu de ce modèle, les femmes sont obligées de
soutenir qu'elles sont pareilles aux hommes et méritent donc le
même traitement, soit qu'elles sont différentes mais devraient
être traitées comme si elles étaient pareilles ou encore
qu'elles
sont différentes et doivent donc se voir accorder un
traitement particulier ))35. Progressivement donc, les
femmes ont acquis des droits calqués sur ceux des hommes dans la mesure
oi elles pouvaient faire preuve d'une même capacité intellectuelle
ou morale36.
Mais, l'égalité devant la loi permettait de
justifier certaines inégalités faites aux femmes parce qu'elles
ne sont pas (semblables)) aux hommes qui bénéficient de ces
prérogatives. Aussi, fréquemment, (la loi fixait des normes
différenciées selon le sexe créant de fait des
catégories socio-lé gales dont chacune respectivement pouvait
prétendre au bénéfice de l'égalité devant la
loi, mais une loi aux normes différentes y37 ·
La réalisation de l'égalité des sexes par
l'approche de l'égalité devant la loi se trouvait ainsi
limitée par les différences biologiques et socioculturelles entre
les hommes et les femmes. Le but de l'égalité des sexes telle que
formulée par le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels ne pouvait donc être
entièrement atteint par cette forme d'instrumentalisation juridique.
Aussi, l'égalité devant la loi est-elle suivie
ou même accompagnée de l'égalité de traitement sans
discrimination.
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