Section 2 DE L'EGALITE DES DROITS AU DROIT A L'EGALITE
La prise en compte des rapports sociaux de sexes dans la
problématique de l'égalité des sexes revient a
réaliser non pas l'égalité des droits mais a construire le
droit a l'égalité entre les sexes. Ceci pour dépasser
l'opposition fondamentale entre l'identité et la différence
produite par la bipolarisation classique entre l'universalisme et la
différenciation.
Paragraphe 1 Le droit a l'égalité
L'adoption d'une démarche sexospécifique dans
les droits fondamentaux consiste a dépasser l'égalité des
droits et a construire le droit a l'égalité. A travers cette
recherche de l'égalité ce n'est pas l'uniformité, nile
rejet ou la
108 Lire ace sujet le CAUCUS des femmes pour une justice
basée sur le genre, la CPI mise a l'agenda de BeNjing +5, publié
en ligne ; www.iccnow.orgIfrancaisIopinionIrapportsICaucuso2.pdf
négation des différences entre les hommes et les
femmes109 qui est en jeu, mais au contraire l'acceptation des
différences et l'affirmation, malgré elles de la dignité
égale des individus qui doivent pouvoir effectuer librement leurs choix
de vie.
En ce sens, le concept d'égalité devra prendre
en compte les différences entre les individus que ces
particularités émanent de leur sexe/genre, mais aussi de leur
appartenance ethnique, religieuse etc. Il s'agira de réaliser
l'égalité entre les sexes mais également a
l'intérieur des sexes puisque a l'intérieur des groupes sexuels
les individus subissent plusieurs types de discriminations$$0. Cela
revient a abandonner la neutralité du moins dans l'application des
droits de l'Homme mais surtout dans les juridictions. Le droit a
l'égalité revient donc a la prise en compte appropriée des
différences entre les deux sexes sans pour autant désavantager
l'un ou l'autre de quelque manière que ce soit en fonction de telles
différences.
Les différences entre les sexes ne doivent de fait plus
être évoquées en termes d'infériorité ou de
supériorité. Aussi, le droit a l'égalité n'est pas
basé sur le modèle de déficit du droit a
l'égalité111, qui tente de compenser les
((déficiences)) des caractéristiques du groupe dont les
performances sont jugées moindres$$ 2.
Le droit a l'égalité ne vise nile gommage des
différences nile nivelage de la société. Il se
réfère a la reconnaissance d'une égale valeur des
caractéristiques physiques ou comportementales et aspirations de l'un ou
l'autre des sexes. ((L'idéal d'égalité recherché
entre les femmes et les hommes
109 Héritier, F., Masculin/Féminin La
pensée de la différence, Paris, ed Odile Jacob, 1996, cité
par CESR de Bretagne, Pour l'égalité entre lesfemmes et les
hommes en Bretagne, Rennes, Novembre 2004, p. 1. publié en ligne
http:IIwww.regionbretagne.frICRBIGroupsIconseil economique eIlactualite du
cesr2040Iles etudes du cesr e 10661314606 079Iblock
11327712441048Ifile.
110 RICCI Sandrine, Vers un nouveau contrat social pour
l'égalité entre les hommes et les femmes, mémoire du
Centre des femmes de l'UQUAM sur l'avis du conseil du statut de la femme,
Montréal, 2004, P6, consulté en ligne le 22 mars 2006,
http:IIwww.csf.gouv.qc.caItelechargementIpublicationsIAvisNouveauContratSocialEgalite.pdf
111 T. REES, Mainstreaming equality in the European Union,
Routledge, London, 1998, p.28. Cité par Annie HONDEGHEM et Sarah NELEN,
l'égalité des sexes et la politique du personnel dans le secteur
public, , Paris, l'Harmattan (Logiques Juridiques), 2001,P. 33.
112 HONDEGHEM Annie, NELEN Sarah, l'égalité des
sexes et la politique du personnel dans le secteur public,, Paris, l'Harmattan
(Logiques Juridiques), 2001, p.33-34.
suppose la correction des inégalités et
l'élimination de toutes les discriminations basées sur le sexe.
Il se manifeste, sur le plan formel comme sur celui des résultats, par
une égalité de droits, de responsabilités et de
possibilités. Il implique que la société soit
libérée de la hiérarchisation des rap ports sociaux entre
les femmes et les hommes et que le sexe ne soit plus un marqueur des roles
sociaux113. Le droit a l'égalité requiert ainsi une
attitude plus complexe, que celle de l'égalité des droits. [lle
consiste a penser l'égalité de sexe en fonction des enjeux
concrets des situations''4.
[n effet, prendre en compte les besoins spécifiques
liés a chaque sexe pour la jouissance pleine de ces droits fondamentaux
consiste a ne plus viser l'égalité de droits mais a construire
une égalité de fait quelles que soient les différences des
personnes concernées. Si le système juridique reconnaIt le droit
a l'égalité, l'objet d'analyse ne sera plus la comparaison entre
les manières dont chaque individu parvient a cette égalité
mais la réalisation de ladite égalité. Le droit a
l'égalité constitue une acceptation du fait que ((toute
différence de traitement entre les individus devant la loi ne produit
pas forcément une égalité et aussi un traitement identique
mais peut entraIner de graves inégalitésB''5.
Dès lors que l'on reconnaIt le droit a l'égalité, les
différents modes d'instrumentalisation étudiés dans le
deuxième chapitre, ne seront que des moyens divers pour arriver a
l'égalité et qui seront adaptées suivant les situations
concernées.
Toutefois, la question fondamentale d'une telle construction
revient a déterminer quelles sont les différences pertinentes,
les différences qui relèvent du sexe et qui
génèrent des inégalités. Il s'agit là de
toute la problématique du droit a l'égalité qui doit
être résolu au risque de faire tomber la recherche de
l'égalité des sexes dans des particularismes sans fin ou
même dans l'injustice sociale.
113 Conseil du Statut de la femme, op. cit., p. 33.
114 CF Nathalie Heinich, Les contradictions du
féminisme >>, Esprit, n0 spécial << L'un
et l'autre sexe >>, mars-avril 2000. Cité par Irene THYERY,
<<La valeur dSégalité des sexes suppose-t-elle
un droit de la famille asexué ? >>, L'égalité
desfemmes et des hommes:une question de genre, Actes de séminaire CIDF,
Marseile, juillet 2004, p. 23.
115Condition féminine Canada, op. cit., p.
20.
La première distinction qu'on peut faire entre les
différences est celle qui oppose les différences subies a celles
qui résultent d'un choix personnel. A ce niveau, on ne saurait
construire le droit a l'égalité sur les différences
choisis par les individus ceci pour ne pas porter atteinte a la liberté
et a l'autonomie de la personne humaine. L'inégalité
résulterait donc des différences subies$$6.
Mais il faudra encore distinguer entre les différences
subies, ce qui relève de la (( nature et ce qui relève de la
société. De ce point de vue, l'inégalité
résulterait d'une différence socialement produite que subit un
individu ou un groupe d'individus. ici résidera le cceur du
problème : quelle est la part de la # nature )) et du choix qui
intervient dans cette différence sociale subie ))1 1~?
Aussi, le défi du droit a l'égalité est
de déterminer avec discernement les différences qu'il faut
consacrer et celles qu'il faut ignorer$$8.
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