Paragraphe 2 La démarche sexospécifique
appliquée aux droits fondamentaux
L'introduction d'une démarche sexospécifique dans
la promotion de l'égalité des sexes part de la reconnaissance du
fait que ((la réalisation de l'égalité
100 Cf. Marie LANQUETIN, T., Un autre droit pour les femmes?
>> in Laufer J., Marry C. et Maruani M. (dir.), Genre du travail, la
Découverte-Mage, 2003. Cité par BORGHINO Béatrice,
L'égalité desfemmes et des hommes:une question de genre, Actes de
séminaire Genre et droit >>, Marseille, CIDF, juillet 2004, p.
11.
101NGAJ(ATOU, T., op. cit., P.15.
exige que l~on reconnaisse que les regimes social,
économique, culturel et politique sont marques par les differences entre
les sexes; que la condition inequitable des femmes est de nature
systémique ))102. La démarche
sexospécifique est ainsi fondée sur le postulat que les normes et
les politiques ont des effets différents sur les hommes et les femmes et
ce, en fonction des rapports de sexe qui existent dans la
société. Aussi, les normes quand elles sont formulées de
manière neutre ont automatiquement des effets inégaux sur les
hommes et les femmes. Ceci parce qu'elles seront appliquées dans un
contexte oi le système de genre ou la normalité est empreint
d'inégalité.
La systématisation de la démarche
sexospécifique encore appelée mainstreaming du genre ou approche
transversale de l'égalité des sexes inscrite dans le programme
d'action de la quatrième Conférence mondiale des Nations Unies
sur les femmes en 1995 a Beijing, a été adoptée par plus
de 180 pays. Il s'agit d'une approche stratégique et concrète,
((preventive et a long terme)), qui vise a intégrer le principe
d'égalité entre les hommes et les femmes dans les processus de
l'ensemble des lois et des politiques103
Cela implique que chaque disposition législative
concernant les droits de l'Homme doit être analysée du point de
vue de son implication différentielle sur les hommes et les femmes afin
d'y intégrer les formulations adaptées pour pouvoir garantir par
son application l'égalité substantive entre les hommes et les
femmes dans la jouissance du droit concerné.
Cela veut dire également que les analyses des rapports
sociaux entre les hommes et les femmes doivent engendrer la formulation de
certaines dispositions législatives visant a lever les barrières
empêchant l'un ou l'autre des sexes d'un droit fondamental donné.
Les Nations Unies estiment a cet effet que l'application d'une loi
indifférente a la problématique de genre va perpétuer
102 Condition féminine Canada, A l'aube du
XX(iéme siècle : Le plan fédéral pour
l'égalité entre les sexes, Montréal, 1995, p 17. En ligne
sur le site de la condition féminine du Canada:
http:IIwww.swccfc.gc.caIpubsI066261g51XI1gg508 066261g51X f.pdf
103 Réseau québécois d'action pour la
santé des femmes, Mémoire sur l'Avis du Conseil du statut de
lafemme intitulé ((Vers un nouveau contrat social pour
l'égalité entre lesfemmes et les hommes>>, Montréal,
RQASF, décembre 2004, p. 11. En ligne sur
http:IIwww.rqasf.qc.caIMemoire commission.pdf.
ou exacerber les inégalités
existantes104. Le système de genre affecte en effet
l'égalité de jouissance de leurs droits pour les hommes et les
femmes.
Les droits de l'Homme ne doivent plus être concus
exclusivement dans le rapport de l'individu a l'Etat mais également
prendre en compte le rapport de cette personne aux autres individus de la
société. Il faut de ce fait ((rattacher l'idée même
d'autonomie individuelle a un contexte social qui permet aux êtres
humains d'acquérir une identité pas seulement en tant
qu'individus, mais aussi en tant que membres d'une collectivité
105.
Il ne s'agira plus ici de prendre des mesures
spécifiquement concues pour l'un ou l'autre des sexes mais de
réaménager les dispositions sur la base de l'analyse des
relations de genre. Ici, ce ne sera plus exclusivement les différences
biologiques qui seront prises en compte mais les différences
sociologiques et culturelles qui limitent l'accès et la jouissance des
droits par les individus. Ainsi, au lieu de recourir a la violence des
discriminations positives, elles auraient consisté a sup primer les
discriminations négatives qui empêchent les femmes de s'assumer
comme telle tout en étant, en société, des hommes comme
les autres106. L'approche sexospécifique de
l'égalité des sexes permet que l'on tienne compte et qu'on
évalue de manière égale des différences entre
hommes et femmes plutôt que de maintenir une hiérarchie entre les
sexes107.
Pour ce qui est du système juridique de protection, il
faut un mécanisme de plainte qui prenne en compte autant les besoins des
hommes que ceux des femmes. Les plaintes doivent être analysées de
manière a pouvoir détecter les atteintes aux droits de la
personne humaine qui sont caractérisés par des
104 United Nations Committee on Economic, Social and Cultural
Rights, op. cit.p.5.
105 Comité de America Latina y el Caribe para la
defensa de los derehos de la Mujer (CLADEM), "Human Rights for the 21st
century: contributions to the 50th anniversary of the Universal Declaration of
Human Rights from a gender perspective", cite par Jan BAUER, Seul le silence te
protègera: les femmes, la liberté d'expression et le langage des
droits de l'Homme, Essais sur les droits humains et le développement
démocratique n°6, Montréal, Centre international des droits
de la personne et du développement démocratique, 1996, p. 33.
106 SLAMA, A. G., op. cit., p 140.
107 Conseil de l'Europe, Gender mainstreaming. Conceptual
framework, methodology and presentation of good practices, Strasbourg, mai
1998, p.8.
En ligne sur:
http:IIwww.unhcr.orgIcgi-binItexisIvtxIprotectIopendoc.pdf?tbl=PROTECTION&id=3c160b06a.
sexospécificités. Ainsi, la violence
sexospécifique doit être poursuivie conséquemment et les
règles de procédures et de preuve doivent pouvoir exclure les
stéréotypes de genre. Les règles et procédures de
la Cour Pénale Internationale ont été récemment
soumises a cette démarche d'intégration de l'approche
sexospécifique'°8.
De plus, une démarche sexospécifique suppose
l'abolition de cette démarcation entre les droits des femmes et les
droits de l'Homme qui existe au sens du système de protection des
Nations Unies. Les questions spécifiques liées a l'un ou a
l'autre des sexes doivent pouvoir être traitées avec toutes leurs
particularités a l'intérieur du système
général de protection des droits de
l'Homme. Cela permettrait de dépasser la
marginalisation actuelle dont souffre la question de l'égalité
des sexes qui est plutôt percue exclusivement comme une
problématique de droit des femmes. Dans ce sens, l'ordre du jour des
réunions de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies
comporte désormais un point sur les droits des femmes et la
problématique homme - femme. En outre, la Commission souhaite
intégrer la dimension sexospécifique a l'ensemble des points de
son ordre du jour.
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