Chapitre 4
VERS UNE REINVENTION DE L'EGALITE DES SEXES.
Les différentes conférences mondiales dites des
femmes ont conduit a la prise de conscience par la communauté
internationale de l'incapacité des différentes approches
juridiques et mécanismes institutionnels a assurer la réalisation
de l'égalité des sexes. De fait, les réflexions se sont
orientées vers d'autres formes d'instrumentalisation de ce principe pour
aboutir a la réalisation de cette égalité. Introduite par
la conférence de Beijing de 1990, l'approche sexospécifique a
été recommandée dans le cadre de la protection des droits
fondamentaux par la déclaration de Vienne de 1993.
Cette approche basée sur le postulat que le droit
reflète et génère les relations inégalitaires de
genre vise la prise en compte des rapports sociaux de sexe dans
l'instrumentalisation de la notion d'égalité des sexes. Cette
démarche qui résulte de la prise en compte des systèmes de
genre introduit d'autres paradigmes dans la question de l'égalité
des sexes.
Section 1 POUR UNE DEMARCHE SEXOSPECIFIQUE DANS
LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME.
L'intégration de la démarche
sexospécfique dans les droits fondamentaux relève de la
nécessité de prise en compte des rapports sociaux de sexes qui
fondent les inégalités entre les sexes. Le droit en tant que
héritier et créateur de ces rapports sociaux ne saurait donc
être épargné d'une certaine remise en cause en ce sens.
Paragraphe 1 De la nécessité de prise en
compte des rapports sociaux pour la construction de l'égalité des
sexes.
Essentiellement basée sur la prise en compte des
systèmes de genre, la nécessité de la démarche
sexospécifique a été expliquée par les Nations
Unies en ces termes:
((Le terme "genre" renvoie a la manière dont les roles,
les attitudes et les valeurs concernant les femmes et les hommes, et les
rapports entre eux, sont construits par les sociétés dans le
monde entier. Si le sexe d'une personne est déterminé par la
nature, son genre est un construit social [...J mais presque toujours, le genre
crée la fonction d'une manière qui subordonne les femmes et les
pénalise, les empêchant d'exercer pleinement tous les droits de la
personne. Outre qu'elle se reflète dans les rapports individuels, cette
discrimination imprègne toutes les institutions [...J. La notion de
[...J "démarche tenant com pte des sexospécificités",
[...J plus couramment appelée "démarche sexospécifique",
découle du principe que, dans toutes les situations, la
réalité est interprétée sous un angle donné.
De tout temps, c'est le point de vue des hommes qui l'a
généralement emporté. La plupart des perceptions de la
réalité n 'ont donc pas tenu com pte des vues et des
expériences des femmes, occultant les violations quotidiennes de leurs
droits fondamentaux. 98.
Le système de genre tel qu'est la construction sociale
et culturelle de la différence des sexes affecte donc
l'égalité de jouissance des hommes et les femmes de leurs droits,
le genre. Cette forme de catégorisation désavantage
généralement les femmes dans la jouissance de leurs droits tels
que la liberté, l'autonomie de décision, la capacité
juridique, et la pleine participation dans les secteurs sociaux
économiques et politiques99.
98 Rapport de la réunion d'experts de 1995 sur
l'élaboration de directives concernant l'intégration, dans les
activités et programmes des Nations Unies relatifs aux droits de
l'homme, d'une démarche sexospécifique. Doc. ONU EICN.4I1996I
105; cité par AMNESTY INTERNATIONAL, op. cit., P.5-6.
99 United Nations Committee on Economic, Social and Cultural
Rights, op. cit., p3.
Les inégalités dans la jouissance des droits
universellement reconnus découlent du moins pour ce qui est des
inégalités entre les sexes de l'ensemble des normes et valeurs
qui déterminent les modes de fonctionnement des institutions ainsi que
les rapports sociaux entre les individus. De fait, lutter contre ces
inégalités demande a réinterroger et a remettre en cause
ses normes et valeurs porteuses d'inégalités dans les rapports
sociaux.
Si le droit est un ensemble de normes qui visent a
réguler les rapports sociaux entre les individus dans la
société, il est de ce fait constructif de ces rapports en tant
que norme de référence dans un système surtout d'Etat de
droit. Aussi, dans la mesure oi lutter contre les inégalités
entre les sexes demande a redéfinir l'ensemble de ces normes
constructrices des rapports sociaux entre les sexes, le droit nécessite
d'être interrogé et ce, a double titre: en tant que
résultante et déterminant des rapports sociaux de sexes. Car, le
droit ne se contente pas d'interdire ou d'autoriser. Engendré par les
rapports sociaux, il construit la réalité sociale et
politique100. Aussi, dans sa vocation a protéger
l'égalité des sexes, les droits de la personne humaine doivent
êtres repensés de manière a tenir compte d'un des
principaux obstacles de la lutte contre les discriminations qui est notamment
la persistance d'images et de stéréotypes légués
par les traditions séculaires qui influencent les attitudes et com
portements des femmes aussi bien que des hommes et contribuent a
perpétuerla domination d'un sexe surl'autre '$/$.
La démarche sexospécifique permet de remettre en
cause ce statut quo structurel susceptible de reproduire et renforcer les
inégalités entre les sexes.
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