Section 2 LA PRISE EN COMPTE DES DIFFERENCES DE SEXES
DANS LE SYSTEME DE PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME
DES NATIONS UNIES.
Dans le système des Nations Unies ainsi qu'au niveau
des systèmes régionaux de protection des droits de l'Homme, la
question de l'égalité des sexes a connu une évolution
progressive, a mesure que se dévoilaient l'importance et les
spécificités de cette question. Aussi, outre les instruments
normatifs visant l'égalité juridique des sexes, s'est introduit
progressivement une nécessité d'actions plus spécifiques
orientées par des Plans d'actions.
Paragraphe 1 Les instruments normatifs sur
l'égalité des sexes.
Outre la proclamation de l'égalité des sexes
dans les instruments de la charte des Nations Unies, des instruments
spécialement consacrés aux femmes ont été
adoptés pour assurer une vraie égalité entre les hommes et
les femmes. La première de ces conventions a été la
convention concernant les droits politiques des femmes adoptée en
195284. Il s'agit d'une réaffirmation de
l'égalité entre les hommes et les femmes en matière
politique telle qu'énoncée dans la Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme. C'est le premier instrument créant l'obligation
expresse aux [tats d'assurer des droits politiques égaux pour les
femmes. [lle couvre notamment le droit de vote et celui d'être élu
mais également le droit d'occuper tous les postes et fonctions publiques
établis en vertu des législations nationales.
Cette convention a ouvert la voie a l'intégration dans
les législations et politiques nationales des [tats membres de
dispositions sur l'égalité des femmes et des hommes dans les
domaines politiques dans de nombreux pays. Les femmes accédèrent
ainsi aux droits politiques au même titre que les hommes.
84 Ouverte a la ratification par l'Assemblé
générale des Nations Unies dans sa résolution 640 ('ill)
du 20 décembre 1952 ; entrée en vigueur le 7juillet 1954.
Cette convention fut suivie de la convention sur la
nationalité de la femme mariée en 195785 et de la
convention sur le consentement et l'öge minimum du mariage en
197986 . Si le souci d'égalité des sexes au sein de
l'Assemblée Générale des Nations Unies s'est au
début limité aux droits qui s'attachent aux roles traditionnels
des femmes87, l'Organisation Internationale du Travail s'est
très tOt démarquée de cette vision. Des 1919 et donc avant
même la convention sur l'égalité politique, l'OIT
s'inscrivait dans la lutte pour les droits des femmes dans le milieu
professionnel. Ainsi a-t-elle adoptée plusieurs conventions sur les
droits spécifiques des femmes en matière d'emploi. En 1951, elle
adopte la premiere convention internationale relative a l'égalité
des sexes dans le domaine professionnel88. Cette convention fut
suivie de nombreuses autres traitant spécifiquement de la question de
l'égalité des sexes dans l'exercice des professions.
Au départ, la communauté internationale a donc
entériné une approche spécifique concernant les droits des
femmes en adoptant des instruments dans certains domaines bien précis.
La question de l'égalité des sexes était ainsi
traitée en dehors des instruments généraux des droits de
l'Homme et dans les limites des droits énoncés par les textes
concernés.
Les deux pactes internationaux relatifs aux droits civils et
politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels ont
étendu le principe de l'égalité des sexes a tous les
droits fondamentaux. Toutefois, face a la persistance des
inégalités de sexes caractérisées par une
discrimination généralisée et quasi systématique
des femmes, a été adoptée la Convention sur
l'élimination de toutes formes de discrimination a l'égard des
femmes89. Ce texte constitue une étape importante dans la
lutte contre les discriminations basées sur le sexe en
85 Ouverte a la ratification par l'Assemblé
générale des Nations Unies dans sa résolution 1040 (XI) du
29 janvier 1957; entrée en vigueur le 11 aoüt 1958.
86 Ouverte a la ratification par l'Assemblé
générale des Nations Unies dans sa résolution 1763 A
(XVII) du 7 novembre 1962 ; entrée en vigueur le 9 décembre
1964.
87 AJ1NESTYINTEP.NATIONAL, op. cit., p.7
88 Convention n° 100 concernant l'égalité
de rémunération entre la main d'Xuvre masculine et la main
d'Xuvre féminine pour un travail de valeur égale. Adoptée
le 29 juin 1951 par la conférence générale de
l'Organisation internationale du Travail en sa 3'ème session,
entrée en vigueur le 23 mai 1953.
89 Proclamée par l'Assemblée Générale
des Nations Unies le 7 novembre 1967, résolution 2263 (XXII).
ce sens qu'elle consacre d'abord la question de la
différence des sexes et des disparités qui y sont liées
comme des discriminations portant atteinte a la dignité humaine. Des
lors, les Etats sont invités a traiter la différence de sexe
comme un élément fondamental de la construction de la justice.
Aussi la convention appelle t-elle a l'incorporation du principe
d'égalité des sexes dans les constitutions et législations
des Etats membres.
Ce choix politique de la communauté internationale de
faire de la différence des sexes un élément important a
prendre en compte dans la construction de l'égalité a
été codifié par la convention sur l'élimination de
toutes les formes de discrimination a l'égard des femmes90.
Il s'agit là plus que la déclaration précédente,
d'un instrument juridique opposable a tous les Etats en matière
d'égalité des sexes. Comme annoncé dans le chapitre
précédent, il s'agit d'une présentation complete des
divers droits des femmes déjà formulés dans les
instruments précédents des Nations Unies.
Au-delà de l'interdiction de faire des discriminations
basées sur l'appartenance sexuelle, cette convention inscrit
résolument les Etats parties dans une démarche proactive pour la
réalisation de l'égalité des sexes91. Aussi la
convention oblige t-elle les Etats parties a prendre toutes les mesures
nécessaires (législatives et politiques) pour éliminer les
discriminations faites aux femmes et ce, dans tous les domaines92. A
la différence des autres conventions, la CEDAW va très loin en
définissant avec détail toutes les mesures destinées a
éliminer les discriminations envers les femmes au niveau de
l'éducation, de la vie économique et même dans les aspects
sociopolitiques93.
La question de l'égalité des sexes sort ainsi
d'une démarche de codification passive et va dans le sens d'actions
concretes avec des obligations de résultats assez clairement
formulés. Il s'agit là d'une premiere en matière des
90Adoptée et ouverte a la signature, ala
ratification et a l'adhésion par l'Assemblée
générale des Nations Unies dans sa résolution 34I180 du 18
décembre 1979, entrée en vigueur le 3 septembre 1981.
91Article 2 de la convention.
92 Article 3 de la convention.
93 Articles 5a 16 de la convention.
droits fondamentaux qui illustre a la fois l'importance et la
spécificité de la problématique de l'égalité
des sexes.
Cette évolution de la codification de
l'égalité des sexes a été également
observée au niveau des organisations régionales. Ainsi le Conseil
de l'Europe a t-il adopté plusieurs déclarations et
recommandations concernant l'égalité des sexes dans l'Union
Européenne. Il en a été de même dans l'Organisation
des Etats Américains et au sein de l'Union Africaine. La dernière
convention régionale en date étant le Protocole de la Charte
Africaine des droits de l'Homme et des peuples relatif au droit des femmes en
Afrique.
L'évolution de la codification a été
accompagnée de plans d'actions pour inscrire une dynamique plus
concrète a la lutte pour l'égalité des sexes.
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