Paragraphe 2 L'universalité des disparités
liées a la différence des sexes.
L'utilisation du sexe comme critère de
différenciation des droits dans presque tous les systèmes
juridiques de part le monde s'est traduite par des disparités
réelles entre les hommes et les femmes et ce, a l'échelle
mondiale. Ainsi:
- les deux tiers des 860 millions d'adultes
analphabètes que compte le monde sont des femmes etles trois
cinquièmes des 115 millions d'enfants non scolarisés sont des
filles;
- seulement 15% des personnes élues dans les parlements
dans le monde sont des femmes;
74 VOGEL-POLSKY, E., op. cit., p. 17.
75 ROSENFELD, M., le principe d'égalité
appliqué aux femmes dans la jurisprudence de la cour supreme
américaine >>, revue du conseil constitutionnel français
http:IIwww.conseilconstitutionnel.frIcahiersIccc5Irosenfield.htm
- en moyenne au niveau mondial, le revenu des femmes est de
50% a 80% inférieur a celui des hommes et dans aucun pays du monde, les
femmes n'ont un revenu égal a celui des hommes76.
Ces chiffres attestent clairement que l'égalité
substantive entre les hommes et les femmes dans la jouissance de leurs droits
sociaux, économiques et politiques est loin d'être atteinte. S'il
est vrai que tous les hommes ne jouissent pas non plus de leurs droits
fondamentaux, les statistiques présentées plus haut montrent que
le plus grand nombre de marginalisés se trouvent parmi les femmes.
Quantitativement, les femmes et les hommes ne jouissent donc pas
également de leurs droits fondamentaux. Les féministes affirment
a ce sujet que l'égalité constitue la promesse la plus
inachevée de la modernité77. En matière
d'égalité des sexes, cette situation découle de deux
situations fondamentales au niveau des Etats.
D'abord, dans les pays oC.i formellement
l'égalité de droit est presque achevée, il existe un
écart entre les situations de droit et les situations de fait. En ce qui
concerne l'égalité des sexes, beaucoup de législations
reconnaissent et établissent l'égalité des hommes et des
femmes. Mais dans la réalité de la vie quotidienne, cette
égalité est loin d'être atteinte. Ni
l'égalité devant la loi, l'égalité de traitement ou
les discriminations positives et encore moins les lois sur la parité
n'ont réussi a transformer l'égalité des sexes en une
réalité.
Ensuite, nombreux sont encore les pays membres de
l'Organisation des Nations Unies oC.i l'inégalité entre les sexes
est consacrée par les législations nationales. Ces
inégalités demeurent notamment dans le droit matrimonial, avec la
polygamie, le lévirat, la notion de chef de famille, d'autorité
parentale, du nom des descendants etc. Les droits successoraux ne sont toujours
pas répartis également entre les hommes et les femmes dans
certains pays. Il en est de même pour les pratiques de violences envers
les femmes allant de la limitation
76 Ces statistiques sont tirés du rapport mondial sur le
développement humain 2004, la liberté culturelle dans un monde
diversifié :
http:IIhdr.undp.orgIreportsIglobalI2004IfrancaisIpdfIhdr04 fr HDI.pdf
77 VARIKAS, E., in HIRATA, H.; LABORIE, F.; LE DAORE, H. ;
SENOTIER D. (Coord), Dictionnaire critique du féminisme, Paris : Presses
universitaires de France, 2000, p. 54.
de la liberté d'expression passant par les violences
conjugales, la traite des êtres humains jusqu'aux mutilations
génitales féminines.
En outre, les organes des Nations Unies chargées de
défendre les doits des femmes en particulier la Commission des droits de
l'Homme et la Commission de la condition de la femme n'ont pas pu, depuis leur
création, traiter efficacement la question de l'égalité
des sexes78.
Jusqu'en 199379, la Commission des droits de
l'Homme chargée de réaliser des études, de rédiger
des projets d'instruments internationaux et de rédiger des rapports sur
la situation des droits humains dans les pays signataires de la Charte des
Nations Unies n'a pas pris en compte la problématique homme et femme.
Aucune attention spécifique n'était accordée aux atteintes
portées aux droits des femmes de sorte a faire le lien entre
l'appartenance sexuelle et le type de violation, contrairement a ce qui se
faisait dans le cadre de la discrimination des minorités ethniques par
exemple. Les thématiques spécifiques développées
par cette commission étaient les disparitions forcées ou
involontaires (1980); les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou
arbitraires (1982) ; la torture (1985) ; l'intolérance religieuse (1986)
; la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant
des enfants (1990) ; la détention arbitraire (1991) ; les personnes
déplacées dans leur propre pays (1991) ; les formes
contemporaines de racisme (1993) ; la liberté d'opinion et d'expression
(1993); l'indépendance et l'impartialité des juges et des avocats
(1994)80. Les problèmes de violation des droits de l'Homme
n'étant pas envisagés sous l'angle du sexe, il était
impossible a cette Commission de se
78AMNESTY INTERNATIONAL, UNE ANNEE REMARQUABLE POUR
LES DRO1TS DES FEMMES? Les Nations Unies, les gouvernements et les droits des
femmes, Londres, janvier 1998, p.8. consulté en ligne,
http:IIweb.amnesty.orgIlibraryIindexIfraior400l2l997
79 En cette année a été tenu la
conférence mondiale de Vienne sur les droits de l'Homme qui a fait
ressortir les spécificités liés aux violations des droits
fondamentaux des femmes et demander leur prise en compte par les organismes
internationaux des droits de l'Homme.
80 AMNESTY INTERNATIONAL, op. cit., p.9.
rendre compte des différences pour pouvoir faire
ressortir la problématique de l'égalité des sexes dans la
jouissance des droits fondamentaux81.
Quant a la Commission de la condition de la
femme82, elle s'est activée avec succès pour la
promotion de l'égalité juridique des sexes dans les droits
sociaux et économiques. Initiatrice de la décennie des Nations
Unies sur les droits des femmes, et des trois (03) conférences qui y
sont associées83, et surtout de la conférence de
Pékin , elle a permis une prise de conscience internationale sur les
inégalités dont sont victimes les femmes. Toutefois, elle n'a pu
mettre en place des mécanismes engageant la responsabilité des
Etats tel que le faisait la Commission des droits de l'Homme. Cela est dO au
fait que les questions concernant les rapports sociaux entre les sexes
étaient considérées au niveau international comme relevant
du domaine privé des Etats car liées a des
spécificités culturelles. Mieux, les Etats n'étaient tenus
que d'ceuvrer a la réalisation progressive des droits économiques
et sociaux politiques et cutureset ne pouvaient en aucun cas être tenu
responsables du défaut de réalisation de ceux-ci. De fait, cette
commission n'a pu aller au-delà de l'égalité formelle pour
travailler sur la réalisation effective de l'égalité des
sexes a l'intérieur des Etats.
Le système de protection des droits de l'Homme des
Nations Unies n'est pas resté longtemps indifférent a la
persistance de la problématique de l'égalité des sexes.
81 A la suite de la conférence de Vienne de 1993 il a
été créé un mécanisme thématique
autour de la violence contre les femmes en 1994.
82 Crée en 1946 par la commission des économique
et social des Nations Unies pour élaborer des recommandations et
rapports concernant la promotion des droits de la femme ainsi que des
recommandations visant a obtenir que les hommes et les femmes puissent avoir
les mêmes droits.
83 Il s'agit des conférences de Mexico en 1975, de
Copenhague en 1980 et de Nairobi en 1985.
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