Comme nous l'avons souligné plus haut, la
finalité du diagnostic économique est de pouvoir donner une
appréciation de la "soutenabilité" de la dette d'un état.
Cette "soutenabilité" prend en compte la solvabilité de
l'émetteur et la liquidité de la dette.
Selon le FMI (2003), un pays peut être
considéré dans une position de "soutenabilité" de sa dette
extérieure "s'il est capable d'assurer le service de sa dette,
actuel et futur, en totalité, sans recourir à des
procédures de réduction ou de rééchelonnement de sa
dette, sans accumuler des arriérés et sans compromettre sa
croissance de man ière excessive". Dans le cas de la Côte
d'Ivoire, nous allons utiliser la seconde approche du FMI telle que
décrite plus haut. Il s'agit de l'analyse tendancielle du ratio
dette publique/PIB.
Ce ratio de l'encours de la dette au PIB est le principal
indicateur pour les pays en voie de développement. Pour la Cote
d'Ivoire, l'évolution
est pratiquement semblable à celle de l'encours de la
dette publique1. Il a atteint son pic en 1994, suite à la
dévaluation soit 214% du PIB. Le ratio a connu une diminution de 1995
à 1997 grâce à la relance économique
constatée après la dévaluation. Résultat, un taux
de croissance du PIB de 7% en 1997. Il était de 178% en 1996 et de 168%
en 1997 et 101% en 2000. L'encours de la dette extérieure a aussi connu
une forte expansion au cours des décennies 80 et 90 avec la conjoncture
économique qui a poussé la Côte d'Ivoire à emprunter
et à s'endetter lourdement. En 2000, le stock se situait à 6326
milliards et le service à 678 milliards, cela représente 50% des
recettes fiscales. Le ratio de l'encours de la dette par rapport au PIB est de
101% en 2000. Au regard des critères qui caractérisent les
contraintes de solvabilité et de liquidité en matière de
dette extérieure, la situation actuelle de la Côte d'Ivoire est
encore insoutenable2.
Face à cette situation, le Gouvernement a
présenté à ses partenaires multilatéraux et
bilatéraux, un dossier pour l'initiative PPTE pour laquelle la
Côte d'Ivoire est déjà éligible depuis 1998.
L'initiative Pays Pauvres Très Endettés (PPTE
ou Heavily Indebted Poor Countries, HIPC) est un mécanisme d'aide, mise
en oeuvre par les pays du G83 qui vise à permettre aux pays
confrontés à des difficultés de remboursement de leur
dette extérieure de retrouver une situation soutenable, au sens du FMI.
Ce mécanisme n'interviendrait qu'après épuisement des
procédures traditionnelles d'allègement de dette (notamment
l'annulation de la dette publique commerciale4 qui ne peut
1 Ministère de la planification du développement,
Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté -
Intérimaire, Janvier 2002
2 Document de Stratégie pour la Réduction de la
Pauvreté en Côte d'Ivoire - Intérimaire, P. 17, Janvier
2002
3 Rapport du sommet du G7 en Cologne en 1999 (
www.G7.org)
4 La dette commerciale de l'Etat exclut l'aide publique au
développement; c'est-à-dire qu'elle ne concerne que les
créances portées par les organismes publics de garantie aux
exportateurs et les prêts gouvernementaux non concessionnels.
aller au-delà de 67% dans le cadre du Club de
Paris1) et ne pourrait être utilisé qu'une seule fois.
En outre, il implique une action conjuguée de tous les
créanciers.
Toutefois, la crise qui la secoue actuellement, même si
elle a rendu sa position délicate, a quand même
démontré la solidité de l'économie ivoirienne et sa
capacité à résister aux chocs. En effet, le ratio de dette
publique/PIB est passé de 8 7,6% en 2002 à 78,7% en 2004. En
outre, la Côte d'Ivoire posséderait actuellement une
réserve en devises équivalente à six mois de recettes
d'exportation au lieu de deux mois recommandés. Cette information
présage le fort potentiel de liquidité d'une dette
contractée en devises, ceteris paribus.
4.3 Diagnostic sur le plan des capacités de
négociation Sur le marché international des
capitaux, on peut se retrouver en présence de deux pays possédant
le même rating. Pourtant, on ne peut pas assurer avec certitude que le
niveau de réussite de l'émission pour ces deux pays sera le
même. Or, les ratings sont censés refléter le niveau du
risque politique et économique des pays sujets à la notation.
Ainsi, nous proposons en plus de l'évaluation du risque politique et du
risque économique, que soit également évalué la
capacité de négociation des dirigeants. Celle-ci s'apparente
à la «diplomatie souterraine» en politique ou à la
notion de « force de vente» en Marketing et constitue en
définitive un avantage compétitif lorsque des pays
présentent des niveaux de risques similaires. Cette capacité de
négociation des dirigeants, traduit toute l'aptitude de ces derniers
à influer à leur avantage sur le niveau du risque-pays. On
comprend en conséquence que cette notion implique à juste titre
celle de réseau relationnel des dirigeants.
1 Nom donné à l'ensemble des créanciers
internationaux publics bilatéraux
Un titre a en effet besoin d'un bon réseau pour bien
se faire vendre. C'est ce qui pourrait expliquer d'ailleurs le choix d'un chef
de file par rapport à un autre !
Afin de pouvoir apprécier rapidement cette
capacité de négociation des dirigeants, les indicateurs suivants
sont proposés :
- Le niveau d'instruction et d'expertise des dirigeants
(politiques et économiques) en matière de bonne gouvernance:
des dirigeants sur lesquels il pèse des doutes sur la
manière de conduire l'appareil de l'Etat envoient de mauvais signaux au
marché financier. La négociation avec les investisseurs
potentiels devient moins aisée en dépit d'un bon rating, car pour
ces derniers, une bonne situation peut devenir mauvaise d'un moment à
l'autre.
- La nature de l 'influence géopolitique et/ou
économique dans la zone d'émission ou dans la monnaie
d'émission : un pays qui possède une puissance
géopolitique dans une zone d'émission consolide ses chances de
réussir son émission. En effet, il sera alors possible pour lui
de pénétrer les « cercles les plus fermés » et
les «milieux les plus autorisés » pour avoir accès
à des informations privilégiés pouvant permettre à
l'émetteur d'atteindre ses objectifs.
- La capacité des dirigeants à identifier
les freins à l'émission : dans un cheminement
stratégique, la capacité des dirigeants à identifier les
freins, démontre clairement la domination de ceuxci, de leur
environnement. Ainsi, lorsque toutes les subtilités de cet environnement
ont été cernées, il est plus facile d'envisager des
actions pour contrer les déplacements gênants des acteurs
hostiles. Ces acteurs peuvent être de nature économique,
culturelle, politique,...
- Le rapport de la nature des freins aux moyens d'actions
envisageables disponibles : il s'agit d'apprécier les
mécanismes qu'il est possible de mettre en place pour juguler chacun des
freins identifiés. Si le montage de l'émission prévoit de
répondre de façon particulière à ces freins, il est
clair que la négociation des dirigeants aura réussi, si le
maximum de personnes souscrit au contrat d'émission.
- La variation des dépenses de communications dans
le coût global de l'émission : le niveau prévu des
dépenses de communication traduit la capacité des dirigeants
à vouloir convaincre les investisseurs sur l'opportunité de la
transaction. Dans ces dépenses sont recensés les voyages de
prospective, les séances de road shows, le coût de confection et
de diffusion des plaquettes d'émission, les affiches,...
- Autres facteurs possibles non identifiés :
cet indicateur représente la marge d'erreur de la prévision. Il
offre les possibilités d'affiner ultérieurement l'analyse de la
capacité de négociation des dirigeants.
Pour chacun de ces indicateurs, quatre mentions sont
proposées :
- Faible, si l'indicateur se trouve à un niveau de 0
à 33%
- Moyenne, si l'indicateur se trouve à un niveau de
33% à 66%
- Forte, si l'indicateur se trouve à un niveau de 66
à 100%
Si nous appliquons cette grille d'analyse au cas de la
Côte d'Ivoire dans le cadre d'une émission internationale en euro,
nous pouvons estimés les résultats suivants :