Le risque pays se décompose dans les deux risques que
nous avons abordés jusque là.
Dans leur étude sur la "soutenabilité" de la
dette des Etats, Bertrand Couillaut et Adeline Bachellerie ont souligné
que parmi les multiples causes de la vulnérabilité des Pays en
voie de développement (fragilité des institutions,
volatilité des recettes budgétaires, ouverture commerciale,
historique de défaut, etc,...), trois facteurs explicatifs du
risque-pays devraien t particulièremen t reten ir no tre attention
:
LE "PECHE ORIGINEL" ET LES CONSEQUENCES DE L
'EXPOSITION A UX MO UVEMENTS DES TA UX DE CHANGE A l'instar de
Eichengreen (B), Hausmann (R) et Panizza (U) (2003),
B. COUILLAUT et A. BACHELLERIE soutiennent qu'une des
fragilités des pays émergents, tient à leur
incapacité à émettre dans leur propre monnaie sur les
marchés internationaux, ce qui les conduit à accumuler des dettes
en devises.
Une telle situation accroîtrait la fragilité
d'un pays, car les dépréciations de change peseraient sur le
service de sa dette extérieure. Pour Claude Boro et Frank Packer (2004),
le "péché originel" résulte de l'intolérance de la
dette, influence des antécédents de mauvaise gestion sur la
capacité d'endettement. C'est pourquoi on peut penser selon eux, que des
antécédents d'inflation et de défaut dissuadent les
investisseurs étrangers de souscrire des titres de dette publique, en
particulier à long terme, libellés en monnaie locale.
L 'IMPERFECTION DE L 'INFORMA TION SUR LES
ECONOMIES EMER GENTES
L'inefficience informationnelle qui caractérise les Pays
en voie
Développement est essentiellement selon le FMI liée
à trois facteurs :
- l'indisponibilité des données ; de
manière générale, les
informations sur la dette externe sont plus nombreuses et
détaillées que celles sur la dette publique elle même. En
outre, la décomposition de la dette publique entre court et long terme
ou par devises est rarement disponible pour pouvoir mener des analyses
conséquentes ;
- Problème d'homogénéité des
données ; les comparaisons entre les différents pays sont
souvent complexes en raison de différence dans les définitions
retenues. Force est donc de constater qu'à la différence des pays
industrialisés, pour lesquels une information de qualité est
disponible très rapidement avec de multiples possibilités de
recoupement, les Pays en voie de Développement souffrent de
l'imperfection de l'information existante.
Or, un système où l'information est rare et
coûteuse favorise le développement de comportements
mimétiques propices au
déclenchement de crises auto-réalisatrises. Car,
l'asymétrie
d'information aidant, les investisseurs sont conduits
à imiter d'autres investisseurs jugés mieux informés, de
sorte qu'une information même erronée a priori mais
invérifiable, tend à se
réaliser sous l'action des tentatives d'ajustements
et
d'anticipations des investisseurs ;
- la couverture des données ; les
données disponibles n'incluent rarement que les emprunts garantis par
l'Etat, les dettes des collectivités locales ou celles des entreprises
publiques.
On peut cependant noter que les efforts engagés sous
l'impulsion du G81 et du FMI, en termes d'amélioration de la
transparence ; de la qualité des statistiques et de diffusion des
données, ont permis de réaliser des avancées
significatives contribuant à améliorer l'appréciation
globale des risques. Ainsi, est-il dorénavant possible pour les Pays en
voie de Développement d'adhérer auprès du FMI, au
Système Général de Diffusion des
Données2 (SGDD) créé en 1997.
Le SGDD est un processus structuré par lequel les pays
membres du FMI s'engagent volontairement à améliorer à
terme la qualité des données produites et diffusées par
leur système statistique aux fins de l'analyse macroéconomique.
Le FMI soutient ces efforts en apportant son assistance technique dans les
domaines qui lui sont familiers ainsi qu'en catalysant la fourniture
d'assistance par d'autres sources.
Le SGDD tient compte du fait que les pays participants
diffèrent par leur niveau de développement statistique et par
leur capacité à améliorer à terme leurs
systèmes. Par conséquent le système, privilégiant
le développement à long terme des systèmes statistiques,
n'a pas un caractère prescriptif, et autorise une certaine souplesse
dans le rythme de sa mise en oeuvre dans chaque pays et d'un pays à
l'autre. Le SGDD a ouvert la voie à l'introduction de la Norme
Spéciale de Diffusion des Données (NSDD), conçu pour les
pays qui souhaitent avoir accès aux marchés internationaux des
capitaux.
Le SGDD encourage des pratiques statistiques saines, aussi
bien en matière d'établissement que de diffusion de statistiques
économiques, financières et socio-démographiques. Il
identifie des ensembles de
1 Le Groupe des Huit (G8) est une coalition de huit pays les
plus riches du monde : les États-Unis, le Japon, l'Allemagne, le
Royaume-Uni, la France, l'Italie, le Canada, et la Russie. Ensemble, les pays
du G8 représentent 66,5% de l'économie mondiale.
2 Special Data Dissemination Standard (SDDS), mis en place
après le sommet du G7 à Lyon en 1996
données particulièrement pertinents pour l'
analyse économique et le suivi de l'évolution sociale et
démographique et il présente des objectifs et des recommandations
concernant leur élaboration, leur production et leur diffusion. Un soin
particulier est accordé aux besoins des utilisateurs, au moyen de
directives portant sur l'accès du public aux données, leur
qualité et leur intégrité. Les recommandations et
objectifs du SGDD dans ces domaines s'accordent pleinement avec les Principes
fondamentaux des statistiques officielles de l'ONU.
Les différents secteurs couverts sont :
le secteur extérieur
le secteur financier
le secteur réel
le secteur fiscal
les données socio-démographiques
Jusqu'en 2004 seulement 83 pays ont adhéré
à ce Système de Diffusion des Données, la Côte
d'Ivoire n'y a pas encore adhéré.
L 'INS TABILITE DES FLUX DE CAPITA UX PRI
VES
La dépendance aux flux de capitaux privés,
semble caractériser les pays en développement, au point où
l'éventualité d'un arrêt soudain (sudden stop) de ces
financements externes et de ces répercussions graves sur les
économies, ne peuvent êtres ignorés par les
investisseurs.
En effet, le service des arriérés de dette pour
la plupart des Pays en voie de Développement est assuré
grâce à la quasi-totalité des excédents primaires
dégagés de façon extraordinaire. Cette situation les
dispose de facto à être dépendant des flux de capitaux
privés pour financer leur développement. Une économie dans
un tel état, résisterait difficilement aux chocs externes. Ceci
met d'ailleurs en doute sa
capacité à survivre durablement à une
fluctuation de ces flux. A ce sujet, le FMI affirme d'ailleurs que rares sont
les pays émergents qui arrivent à répondre convenablement
aux fluctuations des flux de capitaux privés en mettant en oeuvre de
conséquentes politiques économiques.
Ces trois facteurs retenus par B. COUILLAUT et A.
BACHELLERIE, contribuent à donner une explication pertinente aux sources
du risque économique et aux raisons peut être moins explicites du
risque politique, dont une évaluation globale, conduit à
apprécier le risque-pays d'un émetteur de titres souverains.
De ce qui précède, il convient dès
à présent de mener de analyses-diagnostic relatives à
l'Etat de Côte d'Ivoire, et de proposer autant que faire se peut des
pistes de réflexion sur des éléments qui
mériteraient une étude spéciale, détaillée
et plus approfondie et que malheureusement la problématique de notre
étude ne nous permet pas d ' effectuer.