II- DIAGNOSTIC ET CADRE GENERAL D'ANALYSE DES PAYS
EN DEVELOPPEMENT, TEL QUE MENE PAR LE FMI ET LES INVESTISSEURS
INSTITUTIONNELS
Les qualités qui caractérisent les
émetteurs de bonne signature sur l'euromarché, sont la bonne
santé économique et le rayonnement politique.
Il est donc clair que notre diagnostic s'évertuera
à rechercher les signes généraux de risques
économiques et de risques politiques inhérents aux pays en voie
de développement, qui bloquent leur accès à cette
formidable plate forme financière.
2.1 L'analyse Macro-économique et le risque
économique
En raison des graves crises financières ; du Mexique
(1994 - 1995), de la Thaïlande (1997 - 1998) et du Brésil (1998 -
2002) et de leurs conséquences sur le système financier
international (cf. encadré 1), l'élaboration d'un schéma
de diagnostic pour les opérations de crédits internationaux des
souverains est devenu pour le FMI, une préoccupation maj eure.
Encadré 1 :
La crise financière et économique d'un pays en
défaut peut se transmettre aux autres pays par différents canaux
:
Par le biais des échanges commerciaux. C'est le cas
notamment lorsque les régions sont intégrées
commercialement comme en Asie ou en Amérique Latine ;
Par les taux d'intérêt du fait d'un climat de
défiance vis-à-vis de l'ensemble des zones émergentes,
indépendamment des risques "pays". Dans ce cas, les pays les plus
dépendants des marchés financiers internationaux risquent
d'entrer à leur tour, en crise. Pour les banques ou institutions
financières qui détiennent une part importante de leurs actifs
sur ces pays, la détérioration de la qualité de leurs
créances qui suit le défaut peut provoquer une crise
systémique du système financier international
Source : Revue de l'OFCE 86
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En effet, durant les années 90, les pays emprunteurs
se sont détournés des traditionnels prêts bancaires pour
émettre davantage de titres obligataires.
Cette attitude se justifiait par l'amélioration
à l'époque, des perspectives de croissance, suite à la
réussite des politiques de stabilisation et de la libéralisation
des marchés financiers. En outre, en mars 1989, le nouveau
secrétaire au Trésor américain, Nicholas Brady,
présentait un plan (le Plan Brady) de restructuration de la dette dont
les grandes lignes étaient les suivantes : mise en place de
réformes structurelles, restructuration de la dette contractée
auprès du Club de Paris, et renégociation de la dette
commerciale et des arriérés d 'intérêt via l
'émission de nouveaux titres de créances (les obligations
«Brady»). L'idée du Plan «Brady» était
de titriser1 les créances bancaires, en octroyant aux pays
emprunteurs une réduction de la valeur nette présente de leurs
dettes. Les nouveaux actifs, dits obligations «Brady»,
libellés en dollars, étaient garantis du montant principal ou
d'une partie des intérêts par des obligations du Trésor
américain de même maturité. Le Plan «Brady» a
ainsi permis une réduction de la charge de la dette des pays
émergents. Il a également montré que des pays
endettés pouvaient avoir accès au marché international des
capitaux.
Cependant, la volatilité des devises auxquelles
étaient arrimées les émissions (le dollar en l'occurrence)
et les fluctuations mal anticipées des taux d'intérêt, ont
engendré à nouveau pour les pays débiteurs, un
accroissement considérable de la dette externe. L'incapacité
manifeste de ces derniers à assurer convenablement le service de la
dette qui s'en est suivi et la répétition des crises de dettes
souveraines (Mexique, 2000; Brésil, 1998, 2001, 2002; Roumanie et
1 La titrisation est une opération d'ingénierie
financière qui consiste pour les institutions financières
à céder leurs créances sur un Etat, en les transformant en
valeurs mobilières négociables, cessibles sur le marché
Russie, 1998; l'Equateur et le Pakistan, 1999; l'Ukraine,
2000; l'Argentine, 2001 et le Nigeria, 2002), donne une explication de la
récente désaffection des investisseurs pour les titres
obligataires des pays en développement, classé de fait dans la
catégorie des actifs à haut risque (High Yields Bond). Les
mécanismes de restructuration de dettes souveraines mis en oeuvre par le
FMI sont rendus eux aussi difficiles par la sophistication croissante des
montages des obligations, mettant en opposition à un émetteur,
une multitude d'investisseurs. Cette situation a jeté un froid sur le
système financier international qui souffre selon le Bureau des
Règlements Internationaux1, d'une réelle crise de
confiance entre les différents acteurs (émetteurs,
"régulateurs", investisseurs et agences de notation).
En effet, tous les papiers (titres obligataires) émis
l'étaient pratiquement tous avec une notation acceptable, pourtant cela
n'a pas empêché la survenance des crises de dettes. C'est
d'ailleurs la raison pour laquelle, tous les schémas de diagnostic
tentent dorénavant de mettre à nu ex ante, la capacité des
émetteurs à«soutenir» leurs engagements financiers (la
dette).
Bertrand COUILLAUT et Adeline BACHELLERIE (2005)2
affirment à ce sujet que «la "soutenabilité" de la dette
suppose à la fois que l'Etat soit considéré comme
solvable, c'est-à-dire que les créanciers aient un
jugement positif sur sa capacité à rembourser sa dette sur le
long terme, et liquide, c'est-à-dire qu'il soit en
mesure de refinancer la dette venant à échéance
». En d'autres termes, la "soutenabilité" d'une dette est
avérée lorsqu'il pèse la présomption selon laquelle
l'emprunteur ne serait pas en mesure de continuer à assumer son
1 BRI, 2002: Activité bancaire et financière
internationale, Rapport trimestriel BRI, mars
2 A. BACHELLERIE et B. COUILLAUT, «Soutenabilité de
la dette Publique et Crises des pays émergents : présentation des
concepts et des instruments de diagnostic », Revue de la stabilité
financière, n°6, Juin 2005, p. 75.
service, sauf en cas de forte correction du solde de ses
revenus et dépenses.
Il est dès lors essentiel pour la communauté
financière internationale "pourvoyeuse" de fonds, de disposer
d'instruments permettant d'établir un diagnostic fiable afin de se
prononcer de façon sereine sur le caractère soutenable ou non
d'une dette et de souscrire ensuite à ces titres de dette.
A ce stade, il s'agit d'apprécier le risque
d'insolvabilité et le risque d''illiquidité" de la dette.
En la matière, le FMI (2002) met en exergue trois
approches reposant pour la plupart, sur des indicateurs
macroéconomiques.
La première approche met la dette en relation avec des
variables explicatives de sa potentielle "soutenabilité".
Ainsi, est-il définit pour l'analyse de la
solvabilité d'un Etat, un sentier d'équilibre de la dette reliant
le taux d'intérêt et le taux de croissance de l'économie
à long terme, avec les excédents primaires futurs
actualisés. Il s'agit de déterminer pour les pays
émetteurs, une contrainte budgétaire in
tertemporelle.
Sous forme quantitative, A. BACHELLERIE et B. COUILLAUT
établissent que si :
bt* est le montant de la dette en devises au temps t, en
pourcentage du PIB
St, l'excédent primaire en t (solde budgétaire
excluant les intérêts sur la dette) en pourcentage du PIB
rt*, le taux d'intérêt nominal sur la dette en
devises
gt, le taux de croissance nominal
t, la variation du change nominal prise au
certain,
taux d'intérêt qui représente la
charge financière pesant sur la dette. De celles-ci, il est possible de
déterminer
la con trainte budgétaire intertemporelle,
qui permet de vérifier si l'endettement du pays est excessif en
comparant, le stock de dette à une date donnée, aux
excédents primaires futurs actualisés à partir
d'hypothèses sur les grandeurs de long terme.
La deuxième approche est basée elle, sur une
analyse tendancielle de la dette. Aussi, le FMI postule-t-il dans ce cas-ci,
que la capacité d'un Etat à stabiliser le niveau de la dette sur
le PIB à court et moyen terme peut être utilisée pour
apprécier la soutenabilité de celle-ci.
En effet, lorsque la dette publique d'un pays augmente sur
plusieurs années, la stabilisation du niveau de la dette peut constituer
selon le FMI, une réponse satisfaisante pour prévenir une crise
de dette souveraine. Il est dès lors possible, de calculer
l'excédent primaire nécessaire à la stabilisation du ratio
dette/PIB. Ainsi, en reconsidérant les variables utilisées pour
l'élaboration de la formule de la contrainte budgétaire
intertemporelle (formule (1)), ils démontrent que la stabilisation
à long terme du ratio de dette sur le PIB impose un niveau
d'excédent primaire théorique en terme de PIB, S tel que :
donc a fortiori des déficits budgétaires). La
stabilisation de la dette à long terme peut donc être remplie sans
que le pays ne soit solvable (contrairement à la première
approche). Le FMI considère à ce titre que, peu de pays en
développement dégagent un niveau suffisant d'excédents
primaires qui leur permette de stabiliser, voire réduire le ratio
dette publique/PIB.
La troisième et dernière approche, celle dite
"the Balance sheet approach" ou encore l'approche "bilantielle", est un cadre
d'analyse qui permet d'identifier dans les bilans agrégés par
secteurs de l'économie, les vulnérabilités liées
à l'existence de déséquilibres qui ne pourraient
être observées dans un bilan consolidé au niveau du pays.
Aussi, permet-elle de mettre en évidence quatre types de
déséquilibres potentiels dans les bilans : en terme de devises
(currency mismatch) ; d'échéances (maturity mismatch) ; de
structure du capital1 et de solvabilité.
Cette troisième approche aide à mieux cerner
les risques d'illiquidités en raison des possibles
"désajustements" en devise et en maturité. Elle pourrait
permettre d'ailleurs, de compléter les deux premières approches
qui analysent la "soutenabilité" de la dette de façon ponctuelle
(première approche) et de façon dynamique (deuxième
approche).
Il convient de préciser qu'un émetteur peut
tout naturellement se passer des études ci-dessus avant de lancer son
émission obligataire. Cependant, le fait qu'elles constituent pour les
investisseurs et la communauté financière internationale, les
démarches de diagnostic les plus crédibles actuellement (en
raison des institutions qui les
1 Le risque de structure de capital renvoie au mode de
financement de l'économie selon les types d'instruments utilisés
et aux effets de leviers correspondants.
proposent), elles ne peuvent et ne devraient être
ignorées dans l'analyse paramétrique de l'outil de mobilisation.
Ceci, dans la mesure où l'asymétrie d'information qui pourrait en
résulter, ne militerait pas en faveur de l'emprunteur.
Ainsi, le choix ou le mix de ces approches devrait être
pris en compte implicitement, dans la structuration des véhicules
financiers, de sorte à pouvoir proposer aux investisseurs "du sur
mesure". C'est pourquoi les variables macroéconomiques
identifiées par les différentes formules, devraient faire l'objet
d'une attention particulière et être considérées
comme des variables structurantes1. A ce titre, il est clair que
leur amélioration passerait par des réformes économiques
profondes.
Tout de même, en dépit du progrès
réalisé dans les méthodes d'élaboration d'un
diagnostic, il faut souligner qu'il sera toujours difficile de trancher sur
l'acceptabilité du niveau de la dette (dans la mesure où
étant le pays le plus endetté, les USA ont malgré tout, la
meilleure signature) par les marchés financiers. Ainsi, les
gouvernements, n'ont d'autres choix dans ce cadre que de bâtir
progressivement une forte crédibilité sur la base de l'effort
entrepris en termes budgétaires et de réformes structurelles.
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