Michel Foucault ,Psychiatrie et médecine( Télécharger le fichier original )par David Labreure Université Paris 1 panthéon sorbonne - Ma??trise 2004 |
IV : UNE CRITIQUE DE LA MEDECINE TRADITIONELLE :Par le constat de cet ensemble de phénomènes, Foucault a notamment voulu se démarquer des mouvements anti-médecine, notamment celui d'Ivan Illich (voir pour cela le titre de l'une des deux conférences de Rio : Une crise de la médecine ou de l'anti-médecine).Pour Illich, la médecine actuelle crée des nuisances au lieu de soigner : les indicateurs de santé sont faux et privilégient l'individu malade au lieu de mettre en lumière l'environnement pathogène autour de cet individu. Selon Foucault, il n'y a selon lui pas de crise actuelle de la médecine mais l'aboutissement d'un fonctionnement historique débuté dés le XVIII ème siècle. On ne doit ni rejeter en bloc la médecine et ses institutions (comme le fait Illich), ni les accepter non plus : Celles-ci sont tellement ancrées dans la société qu'il est impossible d'envisager autre chose que leurs modifications, leurs évolutions. Cette médicalisation progressive n'est pas dangereuse en elle-même, Foucault n'ayant jamais considéré comme nuisible les progrès de la médecine et l'amélioration des soins... En revanche,on peut accréditer la thèse de Jean Claude Monod selon laquelle Foucault trouverait anormal que des pays sous-médicalisés ou sujets à de graves maladies guérissables pourtant dans notre monde occidental,ne profiteraient pas de ce « boum » de la médecine. Il nous faut toutefois admettre que la médecine appartient à un ensemble de systèmes, historiques, économiques ou encore un système de pouvoir qui s'il n'est pas mieux maîtrisé à l'avenir peuvent constituer un réel danger. Les grandes difficultés rencontrées actuellement dans certaines branches de la thérapeutique (clonage, bio-éthique...) peuvent en tout cas donner crédit aux inquiétudes de Foucault. Dans « Les grandes fonctions de la médecine dans notre société », cité dans Dits et écrits et datant de 1972, Foucault réagit violemment sur le reproche fait à des élèves d'avoir flirté dans un lycée de Corbeil et, surtout, sur un rapport du docteur J.Carpentier, radié de l'ordre des médecins à cause d'un tract intitulé « Apprenons à faire l'amour ».Foucault s'interroge sur les raisons pour lesquelles le corps médical a pu se sentir attaqué. Il nous donne de précieux indices sur sa vision du corps médical, en dépit du contexte houleux de cette affaire qui a peut être exacerbé son sens critique. Foucault se démarque de ces « quatre ou cinq grandes fonctions de la médecine traditionnelle »87(*) et déplore les faits suivants : - Que la médecine soit une pratique essentiellement individuelle, un dialogue médecin-malade. - Que la médecine soit devenue un facteur de discrimination sociale et morale : il n'y a pas une mais plusieurs sortes de médecines adaptées aux différentes classes de la société. - Que la médecine (essentiellement la médecine psychiatrique) ait pour fonction principale de remplacer la religion en tant que gardienne d'un certain ordre moral. - Que la médecine juge de la normalité ou de l'anormalité de tel ou tel acte : La médecine outrepasse sa vocation originaire en se faisant aussi une instance judiciaire. Outre ce constat d'une médecine en crise, Foucault s'est intéressé à la manière dont la médecine s'organisait à l'échelle de la société, comment elle s' « épanouissait » à l'hôpital et comment celui ci était le véritable instrument de la médecine sociale. * 87 Michel Foucault, « Les grandes fonctions de la médecine dans notre société » in Dits et Ecrits, Vol I et II, Quatro Gallimard, Paris, pp.1249 et 1250. |
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