II.2.1- Textes réglementaires
existants
La plupart des pays de l'Afrique subsaharienne sont
dotés, certains plus récemment que d'autres, d'une
législation sur la pharmacie vétérinaire. Un inventaire de
ces législations nous permet de distinguer plusieurs niveaux de textes
réglementaires :
- certains sont plus généraux (la loi au
Burkina Faso, la loi au Sénégal et la loi au Togo), relatifs le
plus souvent à l' exercice de la profession vétérinaire et
qui, de ce fait, ne comportent pas de dispositions détaillées en
matière de réglementation de la pharmacie
vétérinaire.
- d'autres, spécifiques à la pharmacie
vétérinaire peuvent se présenter sous forme de loi, de
décret ou d'arrêté. C'est le cas au Mali de la loi N°
01 - 062 du 4 juillet 2001 régissant la pharmacie
vétérinaire et de l'arrêté N° 02 - 1253 fixant
le détail des modalités d'ouverture et d'exploitation des
établissements pharmaceutiques vétérinaires. C'est
également le cas en Côte d'Ivoire de la loi 96-56 1 du 25 juillet
1996, relative à la pharmacie vétérinaire et du
décret 2001-487 du 09 août 2001, portant modalités
d'application de la loi 96-56 1 du 25 juillet 1996, relative à la
pharmacie vétérinaire (OULAI, 2004). Au Bénin,
l'importation des médicaments
28
vétérinaires est réglementée par
l'arrêté interministériel N° 425 du 07 octobre 1998
(AKODA, 2002).
De tous les pays de l'Afrique subsaharienne, le Tchad a le
dispositif réglementaire le plus étoffé en matière
de gestion des médicaments vétérinaires (DOUFFISSA,
2006).
II. 2.1.1- Exemple du Tchad
L'exercice de la pharmacie vétérinaire au Tchad
est réglementé par :
- le décret n° 384/PR/ME/91 du 31 juillet 1991,
portant réglementation de la profession vétérinaire ;
- le décret n° 275/PRMSP/98 du 24 août 1998,
portant adoption de la politique pharmaceutique nationale ;
- la loi n° 024/PR/2000 du 24 novembre 2000 relative
à la pharmacie ;
- la note circulaire n°030/MSP/SG/DGAS/DPLM/DPH/SEV/2004
du 24 mars 2004 à l'attention des laboratoires, industries et autres
institutions de fabrication et de distribution de produits pharmaceutiques ;
- le décret n° 1 87/PR/MSP/2004 du 05 mai 2004,
fixant les conditions d'ouverture, d'organisation et de fonctionnement des
établissements de grossistes-répartiteurs des produits
pharmaceutiques en République du Tchad ;
- le décret n° 188/PR/MSP/2004 du 05 mai 2004,
portant composition, attribution et fonctionnement de la Commission Nationale
du Médicament (CONAMED) ;
- l'arrêté n°076/ME/SG/007/DSV/2005 du 04
août 2005 fixant les conditions d'ouverture, d'organisation et de
fonctionnement des établissements des grossistesrépartiteurs des
produits pharmaceutiques vétérinaires en République du
Tchad ;
- l'arrêté n° 77/ME/SG/008/DSV/2005 du 04
août 2005 fixant les conditions d'ouverture et de fonctionnement des
dépôts pharmaceutiques vétérinaires et des
pharmacies villageoises à l'usage des groupements ;
- l'arrêté n° 078/ME/SG/009/DSV/2005 du 04
août 2005 fixant les conditions d'ouverture et de fonctionnement d'une
pharmacie vétérinaire.
29
Ce bilan fait ressortir une très grande
hétérogénéité dans la nature juridique des
textes relatifs à la réglementation de pharmacie
vétérinaire en Afrique subsaharienne. Mais dans la plupart des
pays, les difficultés les plus courantes résident dans
l'application des textes existants car, bien souvent, les textes d'application
n'ont pas été pris ou encore les ressources humaines et les
moyens techniques et logistiques nécessaires à la mise en
°uvre des dispositions réglementaires font défaut. Qu'en
est-il alors de la mise en °uvre de la procédure d'Autorisation de
Mise sur le Marché (AMM) ?
II.2.2- Autorisation de Mise sur le Marché
(AMM)
L'AMM est le processus au terme duquel l'autorité
compétente, à l'échelle d'un marché national ou
sous-régional approuve l'importation, la distribution et l'utilisation
des médicaments vétérinaires, après examen des
données scientifiques complètes prouvant l'efficacité du
produit pour les usages prévus et son innocuité pour la
santé humaine et animale et pour l'environnement. Son
intérêt réside alors dans le fait qu'elle constitue un
contrat tripartite entre le gouvernement local, le laboratoire fabricant et
l'utilisateur. Très souvent, la décision d'AMM est prise par le
Ministre en charge de l'élevage sur avis d'une commission nationale
technique et cette décision est notifiée au demandeur. Le dossier
de l'AMM comprend, en référence à la Directive 92/1 8/CEE
du 20 Mars 1992 de la Commission Européenne, le résumé du
dossier, les essais analytiques, les essais d'innocuité et
l'étude des résidus, les essais précliniques et
cliniques.
Dans les pays de l'Afrique subsaharienne, la disposition
légale d'AMM est pratiquement identique et soumise à
l'appréciation d'une commission pour l'enregistrement. Dans ces pays,
aucun médicament vétérinaire ne peut être mis sur le
marché, en principe s'il n'a reçu au préalable une
autorisation délivrée par le Ministre en charge de
l'élevage.
Mais la mise en °uvre de cette procédure
présente encore d'énormes lacunes. En effet, l'évaluation
technique du dossier de demande d'AMM se limite le plus souvent à une
procédure uniquement administrative, les pays ne disposant pas en
30
général d'outils scientifiques de
contrôle pour s'assurer de la validité des données fournies
par le demandeur. De plus, cette procédure ne couvre pas l'ensemble des
médicaments vétérinaires commercialisés dans le
pays.
Si de telles défaillances sont observées dans
la mise en °uvre de la procédure d'AMM, nous pouvons nous
interroger quant à leurs répercussions sur l'enregistrement des
médicaments vétérinaires dans les pays africains au sud du
Sahara.
II.2.3- Enregistrement des médicaments
vétérinaires
C'est la reconnaissance d'un médicament
vétérinaire par l'autorité compétente avant sa
commercialisation ou sa distribution à quelque titre que ce soit. Cette
reconnaissance se matérialise par l'inscription dudit médicament
sous un numéro d'ordre dans un registre spécial. Il se fait
contre le payement d'un droit appelé « droit d' enregistrement
».
Une enquête menée par BOISSEAU en 2005 a permis
d'évaluer la mise en °uvre de la procédure d'AMM ainsi que
l'enregistrement des médicaments vétérinaires dans
quelques pays de l'Afrique subsaharienne. Ses résultats indiquent que
:
Au Bénin
Le Bénin dispose d'une procédure d'AMM des
médicaments vétérinaires depuis 2004. Une commission
technique des médicaments vétérinaires a été
installée en octobre 2004 (ANONRIN, 2004). Sa mission est de
procéder à un examen et à une évaluation
scientifique et technique des dossiers des produits à enregistrer, de
suivre et d'évaluer les effets des médicaments utilisés
sur le territoire national et enfin, de formuler des recommandations de tous
ordres à des laboratoires opérant dans le pays.
31
Une liste des médicaments vétérinaires a
été élaborée jusqu'en 2002 mais depuis lors cette
liste n'a pas été mise à jour. Le nombre de
médicaments vétérinaires commercialisés dans le
pays devrait excéder la centaine.
Au Burkina Faso
La réglementation pharmaceutique
vétérinaire comporte une procédure d'AMM qui est
opérationnelle. Un comité technique se réunit au moins
deux fois par an pour examiner les dossiers de demande d'AMM
déposés par les firmes pharmaceutiques
vétérinaires. La conformité de ces dossiers, au regard des
exigences réglementaires, est au préalable vérifiée
par le service de l'inspection et de la santé publique
vétérinaire. Le comité est présidé par le
Directeur général des services vétérinaires. Le
Burkina Faso dispose d'une nomenclature des médicaments
vétérinaires autorisés tenue à jour.
En Côte d'Ivoire
La Côte d'Ivoire ne dispose que d'une procédure
administrative d'enregistrement des médicaments
vétérinaires. Elle n'a pas de nomenclature listant l'ensemble des
médicaments vétérinaires commercialisés dans le
pays.
En Guinée Bissau
La Guinée Bissau ne dispose pas, au sein de son
ministère de l'agriculture, de service gérant la pharmacie
vétérinaire. Il en découle qu'il n'existe pas dans le pays
de procédure pour l'enregistrement des médicaments
vétérinaires. Il n'y a pas d'informations sur le nombre de
médicaments vétérinaires actuellement utilisés dans
le pays.
32
Au Mali
Il existe une procédure administrative
d'enregistrement concernant à la fois les médicaments humains et
vétérinaires depuis 1977. Confortée en 1995, elle est
gérée par la direction de la pharmacie et du médicament du
ministère de la santé. Limitée à une approche
essentiellement administrative, elle accorde beaucoup d'importance aux AMM
délivrées dans les pays d'origine des médicaments. Elle ne
s'appuie qu'occasionnellement sur le contrôle de la qualité des
médicaments vétérinaires soumis à cette
procédure car le Laboratoire National de Santé (LNS) n'est pas en
mesure de procéder à tous les contrôles demandés.
Le Mali dispose d'un registre de médicaments humains et
vétérinaires enregistrés.
Au Niger
L'enregistrement des médicaments
vétérinaires est géré par le ministère de la
santé publique qui a mis sur pieds un comité
interministériel chargé d'examiner les dossiers de demande
d'autorisation pour les médicaments humains et
vétérinaires. Trois personnes représentent la profession
vétérinaire parmi la vingtaine de membres de ce comité. La
procédure d'AMM est essentiellement administrative.
Le Niger ne dispose pas d'une liste des médicaments
vétérinaires enregistrés, on ne connaît donc pas les
médicaments vétérinaires commercialisés dans ce
pays.
Au Sénégal
Au-delà de la procédure administrative
d'enregistrement des médicaments vétérinaires, depuis
2001, l'AMM est de plus en plus subordonnée à un contrôle
de la qualité des médicaments vétérinaires
concernés. Ce contrôle est réalisé par le
Laboratoire National de Contrôle des Médicaments (LNCM) et par le
Laboratoire de Contrôle des médicaments vétérinaires
(LACOMEV) de l'EISMV de Dakar. Une nomenclature des médicaments
vétérinaires enregistrés a été
initiée en 2001 mais elle
33
ne comporte que les médicaments enregistrés
depuis cette année, 140 environ, ce qui ne représente qu'une
petite partie des médicaments vétérinaires, plus de 1000
actuellement commercialisés dans le pays.
Au Togo
Le Togo ne dispose actuellement que d'une procédure
administrative d'enregistrement des médicaments
vétérinaires. Cette procédure implique parfois
l'intervention d'une commission nationale et le contrôle
d'échantillons par le Laboratoire National de Contrôle des
Médicaments (LNCM) et le Laboratoire de Contrôle des
Médicaments Vétérinaires (LACOMEV) de l'EISMV de Dakar.
Il n'existe pas de liste actualisée et fiable de
médicaments vétérinaires dont la vente est
autorisée dans le pays.
Au Tchad
L'AMM est délivrée par le Ministre de
l'élevage. Mais il s'agit d'une procédure purement
administrative.
Outre les procédures d'AMM et d'enregistrement,
l'inspection de la filière des médicaments
vétérinaires est également un impératif de
l'assurance de la qualité de ces derniers.
II.2.4- Inspection de la pharmacie
vétérinaire
C'est l'opération qui permet de contrôler
l'application des textes relatifs à la réglementation
pharmaceutique vétérinaire. En Afrique subsaharienne, la plupart
des textes législatifs et/ou règlements des Etats ont
prévu des dispositions en vue de contrôler l'exercice de la
profession vétérinaire dans les secteurs public et privé.
Ce contrôle est assuré dans la plupart des pays par les
vétérinaires, les pharmaciens inspecteurs et par les agents de la
répression des fraudes. En ce qui concerne l'inspection des officines
vétérinaires, elle veille à l'observation de la liste des
produits
34
pharmaceutiques autorisés, à l'obtention d'un
visa à l'importation, au respect des conditions de stockage et de
délivrance des produits vétérinaires aux éleveurs,
à la qualification des personnes morales ou physiques détenant
les produits vétérinaires.
Toutefois, force est de constater que malgré
l'existence des textes, les inspections et contrôles ne se font
effectivement dans aucun des pays (ABIOLA et al., 2002).
En résumé ; l'Afrique subsaharienne occupe une
part marginale dans le marché mondial des médicaments
vétérinaires. Cette part est dominée par le marché
des antiparisitaires dont la répartition est influencée à
des degrés différents et selon les pays par la composante des
trypanocides. Notre évaluation a révélé
d'énormes lacunes dans l'organisation générale du
marché des médicaments vétérinaires de cette partie
du continent africain. Ces lacunes regroupent entre autres le manque de
législation spécifique et adaptée au nouveau contexte de
libéralisation de la pharmacie vétérinaire dans la plupart
des pays, le manque d'application de la réglementation en vigueur,
l'existence d'un circuit parallèle au circuit officiel, le manque
d'inspection et de procédures d'AMM et d'enregistrement des
médicaments vétérinaires. Cette situation suscite beaucoup
d'interrogations quant à la qualité des médicaments
vétérinaires qui sont commercialisés en Afrique
subsaharienne. Le chapitre suivant va apporter quelques réponses
à ces interrogations.
35