B. La Réglementation est-elle une réponse
adaptée à l'Externalisation et à la Privatisation de la
Sécurité ?
Nous avons vu dans notre première partie que la
principale caractéristique de la situation en Grande-Bretagne est celle
d'une situation très complexe, dans laquelle nous pouvons sentir
confusément que de bonnes choses peuvent être tirées du
parti de l'externalisation. Cependant, quelques points particuliers attirent
notre attention sur la nécessité de changer certaines
règles de ce jeu moderne de l' externalisation. Que l' on
considère cette dernière comme une véritable tendance, ou
comme simple effet de mode, ses processus sont à reprendre, de
manière à recadrer ses effets. La problématique de cette
partie est de savoir si les problèmes occasionnés par
l'externalisation sont suffisants pour créer une volonté de
changement assez importante qui sera à l'origine de la création
d'un nouveau cadre d'action à l'externalisation de fonctions de la
Défense. Cette question en appelle une autre : comment
réglementer un tel secteur ? Sur qui doit-on peser pour obtenir une
clarification de la situation ? Enfin, et tout naturellement, nous nous posons
la question de savoir si une réglementation serait une réponse
adaptée à ce phénomène de « sur -
externalisation » ?
1. Les difficultés de l' externalisation et de
la privatisation.
a) La question épineuse de la rentabilité
effective de la privatisation.
Si la question du coût était un problème
épineux lors même du passage à l'externalisation, il n'a
toujours pas été prouvé que les processus
d'externalisation soient rentables. Du reste, l'emploi du secteur privé
pour remplir des missions d'ordre public a pour conséquences de
créer des difficultés dans plusieurs domaines, comme ceux de
« l'intangible » et dans le contrôle de l'externalisation. Nous
pouvons ici considérer que l'externalisation est un échec
relatif, eu égard simplement aux coûts qu'elle engendre.
En effet, et bien que le but officiel premier de l'
externalisation soit la recherche d' économies substantielles, force
nous est de constater l' absence de résultats clairs et
convaincants dans ce domaine. La question de la
rentabilité se trouve être plus simple à expliquer à
l'aide d'un graphique. Le premier graphique nous montre deux courbes, A et
B.
Symbolisant le coût d'une prestation lorsqu'elle est
fournie par le secteur public, A est volontairement horizontale pour simplifier
le problème (nous ne prenons pas en compte une éventuelle
inflation, les amortissements...). B, quand à elle, représente le
coût de la même prestation, fournie par le secteur privé. La
zone hachurée représente l'économie réalisée
par l'externalisation, proportionnelle aux qualités que présente
le secteur privé. En effet, contrairement au secteur public, les
sociétés privées ont recours aux outils du capitalisme :
ce sont des gestions de stocks différentes, des recours aux aides
informatiques, la mise en application de concepts comme le JIT ( Just In
Time), les flux tendus, le zéro stock, etc.
Prenons maintenant la même situation, mais avec un facteur
extérieur perturbateur.
Nous avons étudié le cas de l'externalisation de
la formation au pilotage d'hélicoptères. Supposons un changement
dans la dotation de l'armée britannique, qui engendre de nouveaux
coûts pour le sous-traitant ; ces derniers se traduisent dans le
coût de l'externalisation, comme le schéma précédent
l'indique. La courbe des coûts de l'externalisation augmente lorsque le
facteur perturbateur se dévoile. Certes, la courbe des coûts de la
prestation si elle avait été réalisée par le
service public aurait augmenter aussi, mais probablement moins. En effet,
l'effort d'adaptation est plus important à l'échelle d'une
société privée, qui dispose de moins de ressources que
l'Etat. Par ailleurs, l'Etat sous traite sa formation
d'hélicoptères à plusieurs sociétés. Chacune
doit donc acquérir de nouveaux simulateurs en petites quantités,
tandis que l'Etat, en regroupant tous ses besoins aurait pu
bénéficier d' économies substantielles. C' est pourquoi
certains cas montrent bien les limites de la privatisation à des
sociétés d'importance plus modeste que le commanditaire.
Le problème est donc le suivant : seule
l'expérience montre la rentabilité du système de
l'externalisation. En effet, beaucoup de variables ont des effets
considérables sur les coûts de ce système. Un changement de
matériel, une mise à niveau (comme les problèmes de
calibres, de réseau de transmission interopérables, etc.) comme
celles que peuvent engendrer les normes de l'OTAN sur les armées, une
pénurie de matière première, etc. sont autant de risques.
Mais le fait pour un Etat d' externaliser les fonctions de son secteur public
ne signifie pas la fin de ces risques et de leurs répercussions sur les
finances publiques. Tôt ou tard l'Etat assumera ces coûts. Reste
à savoir si les économies réalisées entre le
début de l' externalisation et l' arrivée d'un facteur
perturbateur sont supérieures aux pertes engendrées par ces
perturbations, comme le montre ce schéma :
Ainsi donc, à la vue de ces trois schémas
expliquant les mécanismes de rentabilité, seule la durée
peut donner une véritable réponse à la question de la
rentabilité de l'externalisation. Cependant, rappelons que si la
rentabilité reste le principal objectif de la privatisation, beaucoup
d'autres aspects entrent en ligne de compte dans le bilan qu'il faut en faire.
Et c'est le cas avec tout ce que l'on ne peut mesurer
précisément.
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